Nelson Mandela, Mouammar El Gueddafi, des slogans populistes, des versets coraniques, des postures sportives ou carrément des fleurs ! Loin d'êtres réfléchies, on aura tout vu sur les affiches électorales des locales prévues jeudi prochain. Décryptage. Si la campagne électorale des prochaines locales et le programme des futurs élus ont connu un début calme et timide, les affiches atypiques ont, quant à elles, fait le buzz et le tour des réseaux sociaux dès la première semaine. Après la polémique des candidates sans visage lors des dernières élections législatives, les affiches de plusieurs partis aux élections locales, suscitant les moqueries des internautes, ont été tournées en dérision et même parodiées. Les plus inratables, celle des «aigles du futur» et l'arbre généalogique du Front El Mostakbal, «Monsieur le vert» qui a marqué les esprits avec son slogan spécifique, «Monsieur Sebti qui ne quitte pas les mosquées» ou encore Ibrahim Bachiri du FLN, qui se dit alias Mandela et a même utilisé la photo de l'ancien président sud-africain Nelson Mandela sur son affiche. Le phénomène des candidates masquées a aussi refait surface lors de cette campagne. En effet, une liste de candidats du Mouvement populaire algérien (MPA) à la commune Aïn Lahdjar de Sétif a remplacé les visages de deux militantes par des roses. En prenant le bon côté des choses, la médiocrité de ces affiches a bien aidé les candidats à faire le buzz sur les réseaux sociaux et se faire connaître, mais, en tant que rigolos beaucoup plus qu'autre chose. Cela n'a pas laissé les spécialistes et professionnels de la communication indifférents. En effet, lors de son passage hier matin dans l'émission «L'invité de la rédaction» de la Chaîne 3, Abdesselam Benzaoui, directeur de l'Ecole supérieure de journalisme et des sciences de l'information, a affirmé que se faire connaître est bien, mais il faut y procéder correctement pour un meilleur impact. «Faire parler de soi et faire le buzz c'est très bien, mais ça ne dure pas tout le temps. Si vous dégagez une mauvaise image, on ne va pas vous prendre au sérieux. On va parler de vous, mais ça va avoir un impact immédiat, car les gens comprennent à la longue que vous n'êtes qu'un rigolo», explique le spécialiste. Et de préciser : «Les images se travaillent et se forment, c'est pour cela qu'il faut toujours faire appel à des boîtes de communication, des spécialistes, pas ceux qui font du business.» Par ailleurs, une chose est sûre pour Abdesselam Benzaoui : ces affiches électorales n'ont pas été conçues par des professionnels de la communication qui maîtrisent les normes et les modalités du domaine. «Il y a des images qui ont été faites avec une médiocrité effarante. En les voyant, on se dit : ‘‘Mais qui les a faites ? Où sont nos spécialistes de la communication ? Est-ce que notre personnel politique fait appel à ces gens-là ?» Religion «Malheureusement, aujourd'hui, tout le monde se dit spécialiste en communication, tout le monde pense maîtriser le domaine, alors que ce n'est pas du tout évident. Il faut en parler. On connaît une évolution remarquable de la communication et on se rend compte aujourd'hui de l'importance de l'image et même si ça va dans tous les sens, cela reste quand même une avancée», explique notre interlocuteur. Soulignant que du côté des discours et des slogans, ils n'y a pas d'évolution. «On a toujours des discours populistes qui ne sont pas ancrés dans la réalité.» Quant à l'instrumentalisation de la religion sur les affiches, Abdesselam Benzaoui la qualifie d'«effarante». Pour lui, «on n'avait jamais vu cette omniprésence de la religion dans les affiches, surtout avec les images des femmes au visage caché. C'est aussi une image qu'on a de la société. Si vous observez notre société aujourd'hui, de manière un peu superficielle, on voit que le religieux est omniprésent.» D'un point de vue plus académique, la spécialiste en communication, enseignante à l'Ecole supérieure de journalisme et des sciences de l'information, Nesrine Sadoun, explique que l'affiche électorale est un support de contact avec la population, diffusé dans un espace public afin de transmettre un message par le biais de texte (slogan), image et couleur. En tant que mass-media, l'affiche a un caractère informationnel qui obéit dans cette fonction au schéma communicationnel d'Harold Lasswell : qui dit ? quoi ? à qui ? par quel canal ? avec quels effets ?. «Ces derniers temps, les élections en Algérie ont créé une grande polémique sur les réseaux sociaux par rapport au contenu de certaines affiches électorales utilisées par des candidats et des partis politiques durant la compagne qui précède les élections locales. L'ensemble des commentaires a été focalisé sur l'utilisation des symboles religieux, politiques ou des slogans banales…», analyse l'enseignante. Pour cette dernière, l'enjeu des principaux acteurs politiques est d'utiliser les affiches électorales pour transmettre leurs discours politiques en message visuel et verbal. «De ce fait la conception doit prendre en considération les objectifs fondamentaux de l'affiche comme support communicationnel tels que motiver le désir et la persuasion, soutenir les idées ou inciter et attirer l'attention», souligne Nesrine Sadoun.