Alger est réputée, par son statut de capitale, être la vitrine du pays. Mais une vitrine, pour reprendre le mot d'un poète un peu sarcastique, ne peut tenir ses promesses que s'il y a quelque chose dans le magasin. La ville, dont le statut a été plusieurs fois repensé, s'est développée à contre-courant des performances urbanistiques qu'autorise sa taille et du flux des populations qui s'y sont établies. L'action cumulée des deux phénomènes a entraîné une tension effroyable sur le secteur immobilier que la puissance publique a entrepris de juguler par l'option des banlieues où ont été érigées des mégacités populaires. C'est une option socialement, politiquement même, nécessaire, mais pas forcément suffisante des enjeux lourds auxquels est confrontée la capitale. Le risque majeur auquel est exposée Alger, à contresens de sa vocation maritime, est celui de l'enclavement, l'avancée vers un piémont plus que symbolique, la mettant dans une posture de déni de tout ce qui a fait son identité depuis des siècles. Le destin d'Alger, sur des registres divers, est lié à la mer, et plus intimement encore à cette Méditerranée qui est son socle fondateur. Aussi loin que la mémoire puisse remonter dans le temps, l'histoire atteste que cette dimension méditerranéenne d'Alger s'est forgée au contact des cités européennes voisines et quelquefois rivales dans un espace naturellement commun. L'image qui s'impose alors est celle d'une capitale qui tourne le dos à la mer. Du coup, ce sont toutes les mythologies qui rendent compte du vieux fonds civilisationnel d'Alger qui prennent le large. Comment peut-il en être autrement lorsque les traditions maritimes sont absentes dans l'environnement quotidien de la ville dont le pourtour littoral immédiat est laissé à l'abandon là où pouvait être générée une gamme d'activités économiques dans les loisirs, le fret, le cabotage et toutes autres industries du bord de mer. L'exemple le plus édifiant est celui du site des Sablettes qui se prête à nombre d'initiatives productives et au minimum à l'édification d'une promenade assortie d'installations qui en auraient fait un lieu de vie pour les Algérois et pour les visiteurs. Car enfin, il convient bien de se le demander, à quoi sert-il d'avoir une si magnifique baie que celle d'Alger si au final elle ne constitue pas un facteur d'avancée : vers les ressources de la mer bien évidemment.