Le président Bouteflika s'en est vertement pris hier à Bouguerra Soltani, chef du MSP. La cause ? M. Soltani avait déclaré, il y a quelques jours à la presse, qu'il a en sa possession de lourds dossiers de corruption de hauts responsables de l'Etat, sans pour autant les remettre à la justice. « Toute personne qui dit avoir des dossiers ou des preuves de corruption doit les soumettre impérativement et sans retard à la justice, sans autorisation préalable de qui que ce soit et sans que cela prenne l'allure d'un règlement de comptes ou de calomnies », a déclaré le chef de l'Etat lors de l'allocution d'ouverture de la réunion entre le gouvernement et les walis au Palais des nations, au Club des pins (ouest d'Alger). Sans le nommer, le président Bouteflika s'adressait au chef du MSP, qui était figé dans la salle. « Je donnerai des instructions à la justice pour que tout responsable prétendant détenir des dossiers apporte des preuves, ou alors il sera lui-même poursuivi en justice », a-t-il renchéri, menaçant. M. Bouteflika a insisté sur ce fait, tout en réaffirmant au passage l'engagement de l'Etat à combattre la corruption sous toutes ses formes et à tous les niveaux. Mais pas à la manière de M. Soltani, membre du gouvernement, ministre d'Etat sans portefeuille. « La liberté de la presse en Algérie donne la possibilité à chacun de s'exprimer, mais je ne saurais accepter qu'un citoyen, quel que soit son statut, utilise la réputation de l'Algérie comme fonds de commerce », a averti M. Bouteflika, précisant que si la justice ne fait pas son travail, il la dénoncera devant le peuple. Je prends à témoin, devant vous, le peuple algérien, pour affirmer que celui qui détient des preuves de corruption doit les soumettre à la justice et, si cette dernière se révèle incapable, je la dénoncerai devant le peuple algérien », a-t-il indiqué. Il soulignera, en outre, que le recours à la justice « doit être fait par devoir et également par égard aux droits des citoyens ». Le chef de l'Etat a critiqué ceux qui « marchandent avec les sentiments des Algériens » et qui recourent à chaque occasion à des chaînes de télévision arabes qui veulent « nuire à l'image de l'Algérie ». M. Bouteflika a même qualifié les déclarations de Soltani d'« irresponsables », car elles risquent de remettre en cause la crédibilité difficilement retrouvée de l'Algérie au plan international. « Nous avons suffisamment d'ennemis à l'étranger qui voient d'un mauvais œil l'ambitieux programme de développement que nous sommes en train de mettre en œuvre et qui a justement besoin de la crédibilité de l'Algérie », a-t-il martelé, avant d'enchaîner que « celui qui veut faire de la politique politicienne, qu'il le fasse, mais en dehors des cercles et appareils de l'Etat ». « Soit vous êtes avec nous, soit contre nous, car il est inacceptable qu'on soit dans les rangs officiels et l'on contribue à la destruction du pays », a-t-il lâché à l'adresse de M. Soltani qui gardait la tête baissée. « J'ai des difficultés à contacter certains walis » Le président Bouteflika a refusé ainsi que « la gloire et la réussite personnelle ou politique » se fassent aux dépens de l'intérêt national. « Que cela soit clair pour tous », a-t-il encore averti, refusant que les rangs de l'Etat soient « fragiles et dispersés ». Le premier magistrat du pays a presque sommé le chef du MSP de quitter le gouvernement en lui signifiant que ce qu'il a fait est politiquement incorrect. Le président Bouteflika est revenu par la suite sur la situation du pays, sur tous les plans. Là encore, il n'a pas été tendre avec les walis et les maires qu'il accuse de ne pas être à l'écoute du citoyen. « Je dois dire qu'il est inacceptable que le citoyen soit poussé à s'adresser à la présidence de la République pour des problèmes qu'il rencontre dans son quartier », a-t-il lâché, avant de poursuivre sur un ton ironique qu'« il est plus facile de rencontrer les chefs de la Maison-Blanche ou du Kremlin qu'un wali ». Pour mieux illustrer cette situation proprement algérienne, le chef de l'Etat dira, souriant : « Moi-même, avec mon statut, je trouve des difficultés à contacter certains walis. » En évoquant cela, le chef de l'Etat n'a pas caché sa colère, exhortant ainsi les walis et les maires à aller à la rencontre des citoyens. « Je suis désolé, votre mission consiste aussi à aller sur le terrain, à ouvrir vos bureaux pour la population », a-t-il soutenu, rappelant que l'Etat commence par le maire et qu'il ne faut pas que les citoyens soient contraints d'avoir recours à tout propos au chef de l'Etat. Pour lui, la question est aussi celle des partis politiques et de la société civile. « Mais je suis encore désolé de dire que nos partis somnolent durant toute l'année pour ne se réveiller qu'à la veille des élections », a-t-il relevé, tout en regrettant que la société civile ne joue pas son rôle en dehors d'animer les colonnes de la presse. Il est allé jusqu'à remettre en cause le système actuel hérité des années 1960. « Il faut définir des critères pour être élu ou responsable d'une assemblée élue. Si le système de 1968 ne sied plus aux exigences d'aujourd'hui, on doit le changer », martèlera-t-il. Il n'est pas question, pour lui, que n'importe qui préside aux destinées d'une commune ou d'une autre assemblée élue. Sur un autre registre, celui de l'identité, le premier magistrat du pays a regretté que les générations actuelles ne connaissent rien de l'histoire de l'Algérie. « On n'est ni amazigh, ni arabe, ni européen. ». Selon lui, les Algériens ne connaissent rien au civisme, appelant ainsi à ce que la notion de citoyenneté soit enseignée à l'école, en collaboration avec des organisations étrangères, telles que l'Unesco. Selon lui, il est temps que les Algériens apprennent à donner en contrepartie quelque chose à leur pays. Notons que la rencontre s'est achevée hier soir.