En perdant l'estime du président, le n°1 du MSP risque de perdre son parti. La justice n'a pas tardé à se mettre en marche après les propos du chef de l'Etat concernant Bouguerra Soltani. Ainsi, le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, a révélé, hier, une auto-saisine du parquet de la République sur les déclarations publiques relatives à des cas de corruption. Pour le garde des Sceaux, la justice se doit de réagir en pareil cas, sans pour autant rendre publique la décision d'ouverture d'une enquête judiciaire. «Bien sûr, le parquet de la République représente la société. Il peut s'auto-saisir et c'est à lui que revient la décision d'apprécier», a souligné M.Belaïz qui a tenu à préciser que si des personnes ont «des dossiers comme elles le prétendent, elles doivent les remettre à la justice, dans le cas contraire, elles se rendront coupables du délit de non-dénonciation ou d'outrage à corps constitué». Le ministère public est «donc libre de déclencher l'action publique sauf dans des cas bien précis lorsque le législateur impose une plainte au préalable», comme c'est le cas dans les affaires de diffamation, a encore expliqué le ministre de la Justice. Le président du MSP est donc clairement désigné comme premier concerné par les propos du chef de l'Etat et celui du ministre de la Justice. La sortie de Bouteflika a été ressentie comme un coup de tonnerre dans le ciel de l'Alliance présidentielle. Les propos de Soltani sur la prévalence de la corruption au sein des sphères décisionnelles de l'Etat n'a pas fait réagir le chef de l'Etat seulement, mais également son chef du gouvernement qui se trouve être l'un des trois piliers de l'Alliance politique actuellement au pouvoir. En effet, Abdelaziz Belkhadem donne l'écho à la remise à l'ordre de Bouteflika en affirmant clairement qu'il est important de «demander à tous ceux qui ont des informations et des dossiers sur la corruption de joindre directement, sans aucune autorisation, les procureurs de la République et les procureurs généraux». Dans la réaction du secrétaire général du FLN, le nom de Soltani n'est, à aucun moment, cité, mais il était aisé, hier, dans les couloirs du Palais des nations, de deviner que le président du MSP était le premier centre d'intérêt des attaques du chef de l'Exécutif. Ce dernier s'est voulu ferme et en affirmant, «s'il y a des déclarations, il y a une action de justice», Belkhadem brandit la menace de poursuites judiciaires à l'encontre du «turbulent» allié. «Il faut dire que la corruption est une question qui concerne tout le monde». Et le président Bouteflika l'a si bien dit: «Tous ceux qui ont des dossiers ou des informations sûres, qu'ils les présentent au procureur de la République», souligne le chef du gouvernement, mettant de fait, Bouguerra Soltani dans une situation très inconfortable. En perdant l'estime du président, le n°1 du MSP risque de perdre son parti, puisque les réactions des responsables de la formation islamiste montraient assez clairement que la première victime du coup de colère du président ne saurait, en aucun cas, être le parti. Soltani sera-t-il sacrifié? La réponse à cette question pourrait bien être positive, si l'on tient compte des enjeux politiques et de carrière que le MSP doit gérer. Les députés, victimes de la circulaire Soltani leur interdisant de se représenter pour une troisième mandature voudront, sans doute «sauver» le parti et l'Alliance présidentielle. Ainsi, la grande traversée du désert est sur le point de commencer pour un politique qui a toujours eu un pied au pouvoir et un autre dans l'opposition.