L'accord de Skhirat est supposé durer une année renouvelable. Les institutions sont toutefois supposées rester. Mais le chef du gouvernement nominé par l'ONU, Fayez El Sarraj, n'a pas encore obtenu de légitimité auprès du Parlement, comme le stipule l'accord. Face à cet échec politique, l'homme fort de l'Est libyen, le maréchal Khalifa Haftar, a dit dans un discours enregistré, diffusé avant-hier, par les télés locales et internationales, que «l'autorité revient au peuple libyen de décider qui va le gouverner». Les observateurs ont compris que Haftar briguait implicitement la présidence de la République. En effet, sur le terrain, des rassemblements populaires ont demandé de désigner Haftar à la tête de l'Etat pour quatre ans. La place de Benghazi a connu, il y a deux jours, la première manifestation pour demander à Haftar de prendre le pouvoir. D'autres rassemblements populaires, moins importants, ont eu lieu à Chahat et Al Marj, à l'Est, et une tentative, vite dispersée, à la place des Martyrs à Tripoli. Une situation politique confuse que le nouvel envoyé spécial de l'ONU, Ghassen Salamé, n'a pas réussi à démêler. Le malaise politique libyen s'est aggravé avec l'assassinat, avant-hier, du maire modéré élu de Misrata, Mohamed Chetioui, à quelques centaines de mètres de l'aéroport. Chetioui rentrait de Turquie. Il accompagnait un groupe de notables de la ville pour des négociations sur l'avenir de l'accord politique libyen. «Chetioui défend la réconciliation avec l'Est, même après avoir fait l'objet de menaces. Les extrémistes de Misrata ont essayé à plusieurs reprises de le destituer. Il a résisté. Il a sûrement payé les frais de son amour de la Libye», déplore le journaliste Youssef Aft. Selon des témoins, repris par le correspondant du site Al Wassat, Chetioui a été assassiné par un groupe d'hommes armés dans la voiture de son frère qui le raccompagnait de l'aéroport. Ce dernier a été blessé et demeure hospitalisé. Personne n'a revendiqué cet assassinat qui risque de plonger le pays dans davantage de chaos.
La peur du chaos Le bruit des armes a crépité de manière différente à Tripoli. Des hommes armés sont intervenus pour disperser un rassemblement, organisé avant-hier par des jeunes à la place des Martyrs. Les miliciens ont tiré en l'air en disant aux manifestants : «Vous pouvez rejoindre Haftar à Benghazi.» Les jeunes brandissaient des pancartes demandant l'unification de l'armée et le rétablissement de la paix dans la ville. Dans les autres régions libyennes, en dehors de Syrte et Misrata, les contingents de l'armée reconnaissent le commandement général de Haftar. Même chose pour les bases aériennes. «Toutefois, Tripoli, Misrate et Syrte, c'est plus de la moitié de la population libyenne», rappelle le politologue Ezzeddine Aguil. La communauté internationale poursuit ses démarches pour rapprocher les belligérants libyens dans le cadre du «plan d'action pour la Libye», préparé par Ghassen Salamé et adopté par le Conseil de sécurité en novembre dernier. Dans ce cadre, les trois ministres des Affaires étrangères des pays voisins de la Libye (Algérie, Tunisie et Egypte) se sont réunis dimanche à Tunis, et ont affirmé leur attachement à une solution négociée, sous l'autorité de l'ONU, en charge du dialogue politique libyen. MM. Messahel, Chokri et Jhinaoui ont appelé les parties libyennes à «assumer leurs responsabilités pour finir rapidement la phase transitoire, en installant un climat politique et sécuritaire permettant l'organisation d'élections présidentielles et législatives». Les trois ministres ont demandé aux parties libyennes d'assumer leurs responsabilités pour appliquer l'accord politique qui «émane de tous les Libyens, sans exclusion aucune, et s'attache à l'unité de la Libye». MM. Messahel, Chokri et Jhinaoui ont insisté également sur l'importance d'unifier toutes les institutions libyennes, y compris l'armée nationale. Toutefois, sur le terrain, les dernières rencontres de Tunis entre les belligérants libyens, en octobre et novembre, n'ont pas permis de parvenir aux amendements requis par l'accord de Skhirat. L'accord politique tarde à se réaliser.