La cérémonie des vœux à l'Elysée, jeudi dernier, a été parasitée par la montée au créneau de Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris. Il a non seulement reproché au président Macron de ne pas l'avoir invité, pour la deuxième fois après le 21 décembre, lorsque le Président avait, pour sa première réunion avec les dignitaires religieux, choisi d'inviter uniquement l'instance officielle directement en lien avec l'Etat : le Conseil français du culte musulman (CFCM). Pour Dalil Boubakeur, qui préside la plus ancienne instance musulmane du pays, la Grande Mosquée de Paris, créée au sortir de la Première Guerre mondiale, en 1926 : «Il est surprenant que l'institution religieuse musulmane la plus emblématique de France (...) soit ainsi marginalisée, voire ostracisée.» «Prenant acte de cette injuste et inexplicable mise à l'écart, la Grande Mosquée de Paris décide, par conséquent, de se retirer de toutes les instances du CFCM et de ne plus participer à toute initiative émanant des pouvoirs publics sur l'organisation du culte musulman.» Sauf que depuis 2003, le CFCM n'a pas réussi à dépasser les clivages d'origine des associations musulmanes. Après un premier boycott lancé par Boubakeur en 2008, qui avait laissé le champ libre au Marocain Mohamed Moussaoui (Union des mosquées de France), la dernière élection, devant la déchirure sans fin, avait décidé, en 2013, une présidence collégiale tournante. Le président Dalil Boubakeur avait laissé la place au Marocain Anouar Kbibech (Rassemblement des musulmans de France), puis, l'an dernier, au Turc Ahmet Ogras (Comité de coordination des musulmans turcs de France) jusqu'au renouvellement de 2019. C'est dire la complication devant laquelle se trouve le pouvoir français pour avoir un interlocuteur afin de traiter des sujets relatifs à l'islam lorsque chacun tire la couverture vers lui, où lorsque Dalil Boubakeur claque la porte. Ce coup de gueule marque ainsi, selon les observateurs, un changement de perspective au sujet du chantier encore en jachère de ce que doit devenir dans les années prochaines une réelle représentation de l'islam en France, face aux pouvoir publics, à l'image des chrétiens et des juifs notamment. Alors que les musulmans, comme l'a souligné le président Macron, sont partagés en mouvements ou associations aux intérêts divergents, cette situation de repli créée par Dalil Boubakeur signerait-elle une perte d'influence de l'Algérie ? La Fédération nationale de la Grande Mosquée de Paris avait du reste déjà annoncé l'an dernier qu'elle ne participerait pas à la mise en place de la Fondation de l'islam de France et de son Conseil d'orientation, dont la présidence avait été donnée en décembre 2016 par le ministère français de l'Intérieur à Jean-Pierre Chevènement. En tout cas, la politique de la chaise vide, selon nos informations, est diversement appréciée. Trois Algériens sont présidents du Conseil régional du culte musulman. D'autres, au moins deux dizaines, sont vice-présidents. D'autres encore ont des responsabilités au sein du Conseil français du culte musulman. La question qui se pose est de savoir si le principal pourvoyeur de la Grande Mosquée de Paris, l'Etat algérien, restera insensible devant ce cafouillage.