Le président français Emmanuel Macron a présenté jeudi ses vœux aux différentes autorités religieuses de France, à l'occasion du nouvel an. Grand absent de la cérémonie de l'Elysée, le recteur de la Grande-Mosquée de Paris (GMP). Dans un communiqué publié la veille en début de soirée, Dalil Boubakeur a vivement réagi, évoquant "une injuste et inexplicable mise à l'écart". "Il est surprenant que l'institution religieuse musulmane la plus emblématique de France, fruit d'une loi d'Etat pour manifester la reconnaissance de la nation aux milliers de soldats musulmans morts pour la France durant la Première guerre mondiale, soit ainsi marginalisée, voire ostracisée", a-t-il, par ailleurs, déploré, estimant que l'édification de l'islam de France ne peut pas se réaliser sans la participation de la GMP. Pour exprimer davantage son mécontentement, le recteur a annoncé le retrait de la Grande Mosquée du Conseil français du culte musulman (CFCM). Il a, également, affirmé que son institution se gardera de participer à l'avenir à toute initiative émanant du gouvernement pour l'organisation du culte musulman. Ce qui, en soi, n'est pas nouveau. En janvier dernier, Dalil Boubeker avait renoncé à prendre part au projet de la Fondation de l'islam de France, coordonné par l'ancien ministre de l'Intérieur, Jean-Pierre Chevènement. Il avait notamment dénoncé la marginalisation de la GMP dans le conseil d'orientation de la fondation, qualifiant sa composition de déséquilibrée. Quelques mois plus tard, la Mosquée a refusé de valider la charte de l'imam, estimant n'avoir pas été consultée sur son contenu. À vrai dire, l'institution, très proche de l'Algérie, se sent de plus en plus isolée et en perte de poids. Après avoir été à plusieurs reprises président du CFCM, Dalil Boubakeur a la conviction que les pouvoirs publics veulent lui retirer son statut de représentant incontournable de l'islam de France. Les relations ont été particulièrement tendues durant le mandat de François Hollande. En mai dernier, la GMP avait appelé à voter Emmanuel Macron, espérant sans doute que les rapports avec lui seront meilleurs. Mais les choses semblent mal parties. Du point de vue de Dalil Boubakeur, en tout cas. De son côté, l'Elysée n'a pas cherché à expliquer pourquoi le recteur de la Grande-Mosquée de Paris n'a pas été invité à la cérémonie des vœux aux autorités religieuses. Selon les explications du CFCM, deux représentants de chaque culte uniquement ont été conviés à rencontrer le président Macron. Pour représenter les musulmans, deux personnalités ont été choisies, Ahmet Ogras, actuel président du CFCM, d'origine turque, et son prédécesseur, Anouar Kbibech (franco-marocain). Dans une interview accordée au site France TV Info, M. Ogras a décliné la responsabilité de son organisation dans l'exclusion de Dalil Boubakeur de la cérémonie de l'Elysée, parlant d'un "raté protocolaire". Par la même occasion, il a regretté le retrait de la Grande-Mosquée de Paris des instances du CFCM. "Nous avons été attristés par cette nouvelle. Nous prenons note. Mais nous avons confiance dans le fait que l'intelligence va reprendre le dessus sur le côté sentimental, et que la Grande-Mosquée va revenir au CFCM", a expliqué Ahmet Ogras. Pour leur part, les autres organisations qui composent le Conseil n'ont pas réagi au départ du recteur de la GMP. Il faut dire que l'entente n'a jamais été le point fort de cette organisation hétéroclite mise sur pied par l'ex-président Nicolas Sarkosy pour gérer l'islam de France. De Paris : SAMIA Lokmane-Khelil