Le ministre du Commerce indique que le tarif douanier contient 99 chapitres, dont 95 sont déficitaires avec tous les pays du monde, y compris les pays arabes. «Si nous ne faisons rien, dans deux ou trois ans, nous n'aurons plus de ressources financières pour importer quoi que ce soit, y compris les céréales», dit-il. Il faut être conscient qu'il y a le feu à la maison», ce n'est pas là l'alerte donnée par un particulier sur sa demeure qui brûle, mais les propos du ministre du Commerce, Mohamed Benmeradi, qui dresse un état catastrophique de la balance commerciale du pays. Dans un entretien accordé à l'APS, Mohamed Benmeradi ne prend pas de gants pour expliquer que la décision de stopper l'importation d'un millier de produits n'a pas été prise à la légère et que si la situation reste en l'état, dans deux ou trois ans, nous n'aurons même pas de quoi acheter les céréales. «Il faut être conscient qu'il y a le feu à la maison. Hormis la balance commerciale énergétique qui est à l'avantage de l'Algérie, toutes les autres balances sont déficitaires. Le tarif douanier contient 99 chapitres, dont 95 sont déficitaires avec tous les pays du monde, y compris les pays arabes. Si nous ne faisons rien, dans deux ou trois ans nous n'aurons plus de ressources financières pour importer quoi que ce soit, y compris les céréales», dit-il. Un tableau des plus sombres et qui fait craindre le pire pour l'économie nationale très fragilisée déjà par une perte de revenus importants du fait de la chute des prix du pétrole. «Nous avons perdu en trois ans 50% de nos réserves de change, soit 44 milliards de dollars», indique le ministre. Ce qui explique la mesure de suspension provisoire à l'importation de 851 produits qui devrait, affirme le même responsable, permettre à l'Algérie d'économiser une somme en devise de 1,5 milliard de dollars sur une année. «Ceux qui sont en train de contester cette mesure sont ceux qui activent dans des filières que nous avons totalement protégées, puisque nous avons interdit l'importation du produit fini. Donc déjà, nous leur avons offert un marché sur un plateau», affirme le ministre en notant que certains opérateurs, par méconnaissance de ce qui est produit dans le pays ou pour des objectifs inavoués, préfèrent importer les intrants. Critiquant le manque de prise de risques des opérateurs, M. Benmeradi souligne que plusieurs d'entre eux ont réalisé des investissements mais «sont restés dans l'aval de l'activité et ne remontent pas en amont pour développer les intrants locaux, à quelques très rares exceptions». Prenant l'exemple des producteurs de boissons, le ministre déplore que les producteurs locaux utilisent l'eau comme seul intrant local, tandis que le reste des intrants est importé, y compris les arômes et les purées de fruits produits pourtant en Algérie. Le ministre du Commerce estime que le pays possède un outil de production mais celui-ci est sous-utilisé. «Il faut que les entreprises locales apprennent à produire une bonne partie des intrants localement. C'est ce que nous voulons. En créant ce choc, nous allons encourager les entreprises algériennes à développer leurs productions et à utiliser les intrants produits localement.» M. Benmeradi souligne toutefois que le gouvernement étudie au cas par cas les demandes reçues de protection et d'autres de suspension de certains produits afin de revoir la liste des produits concernés par la suspension d'importation. Le ministre du Commerce estime que «nous allons droit dans le mur» avec une situation où quand le pays exporte 4 produits industriels, il en importe 100. Une étude de son département relève que 45 000 opérations d'importation en 2017, effectuées par les 35 entreprises membres de la filière boissons, font ressortir un coût d'importation oscillant entre 250 et 300 millions de dollars, alors que leurs exportations ne dépassent pas les 12 millions de dollars. Le ministre considère que la solution à ce problème réside dans la généralisation à d'autres filières du modèle de la production pharmaceutique qui produit localement actuellement l'équivalent de 2 milliards de dollars sur une demande de 4 milliards de dollars. Le ministre plaide aussi pour une révision du système des subventions indirectes et involontaires des importations. «L'Etat est en train de subventionner les importations dans le sens où les importateurs obtiennent, auprès des banques, des devises contre dinars à un prix qui n'est pas réel. En plus, les produits importés sont très souvent subventionnés dans leur pays d'origine. Il est donc préférable pour les opérateurs nationaux d'aller les acheter à l'étranger que de les produire localement», dit-il avant de déplorer l'incapacité du secteur industriel privé à réaliser la diversification et à contribuer, significativement, à la couverture de la demande nationale.