Avis de crise au FFS. Le énième. A l'origine cette fois-ci, un cadre dirigeant du parti qui n'est pourtant pas connu pour faire des vagues, Ali Laskri. Député de Boumerdès, ancien premier secrétaire national et enfin membre de l'instance présidentielle de laquelle il a démissionné depuis avant-hier. Une démission qui contraint le parti à tenir un congrès extraordinaire, comme le revendique le démissionnaire conformément aux statuts du parti. Il provoque ainsi une crise organique dont le parti se serait aisément passé. Impossible. C'est devenu une tradition au Front des forces socialistes. Les divergences et les contradictions en son sein ne se règlent jamais par le débat démocratique. La règle en vigueur, depuis au moins une vingtaine d'années, est l'exclusion ou la démission. Et comme le 56, avenue Souidani Boudjema est riche en crises, la «maison FFS» a vu l'essentiel de son encadrement politique le quitter. Depuis la fameuse tempête de 1995 qui a poussé vers la sortie l'équipe de Khelil, Rachid Halet, Mohamed Steit, Hamdani, Lahlou, Lounaouci, le vieux parti d'opposition fondé dans le maquis de la démocratie en résistance au régime autoritaire du tandem Ben Bella- Boumediene, a ouvert le cycle interminable d'hémorragie de ses dirigeants de premier plan et de vagues d'exclusions qui ont vidé la Front de sa substance militante. Ce qui a fait dire à un ancien dirigeant du parti que «le FFS est en dehors du FFS». Rachid Halet, un ancien militant du parti durant la période de clandestinité, est revenu à la «maison» après la séquence de son éloignement. Il finit par être «éjecté» du parti en 2016 une seconde fois et parle d'un «reprofilage» de son organisation. Dans les idées comme dans le personnel. En perdant ses ténors, le FFS a perdu la voix et sa voie. Il ne s'exprime plus sur les questions qui agitent le pays. C'est l'une des vocations mêmes d'une organisation politique. Un paradoxe pour un parti dont le rôle est d'éclairer ses militants et l'opinion publique sur les enjeux de l'heure. C'est d'autant plus vrai pour un parti dont la devise est «le devoir de vérité, de pédagogie et de lucidité». Il est passé d'un parti qui occupait le centre du débat politique national en innovant dans les initiatives, avec une capacité à formuler des propositions, à une organisation aphone. Indifférente aux convulsions nationales. Le summum de cette «stratégie» du silence a été atteint lors de la présidentielle de 2014. Le parti n'avait pas fait l'effort de montrer la voie à suivre. Et c'est dans une même logique, au lendemain de la reconduction de Abdelaziz Bouteflika, qu'il propose aux partis politiques une feuille blanche devant servir de base de travail à la «construction d'un consensus national». Du jamais vu dans les annales du parti. Conséquence, l'initiative n'a pas pu convaincre, y compris parmi les «amis» du parti. Synonyme d'une perte d'influence dans le paysage politique national. Une perte pour les valeurs de progrès et d'émancipation qu'a longtemps portées ce parti. Comme s'il avait renoncé volontairement à ce qui a fondé son combat, à la mission historique pour laquelle il était né les armes à la main. La disparition de son chef historique Hocine Aït Ahmed, en décembre 2015, aurait pu constituer un puissant nouveau départ pour le FFS. Les funérailles historiques du vieux leader indépendantiste avaient un sens. Celui d'une adhésion large à un socle de valeurs, à une certaine idée de la politique et une vision de l'Algérie que l'appareil du parti n'a su ni comprendre ni saisir. Il a raté l'occasion de capitaliser ce sursaut surgi des montagnes. Il est passé à côté de ce moment de communion nationale qui devait au moins servir à réconcilier la grande famille du FFS. Ce n'est pas faute d'appels. Les «anciens» ont publiquement exprimé leur disposition à rebâtir le parti et à reprendre le Front. Cela lui aurait redonné à coup sûr de la vigueur, de la dynamique et la puissance politique qu'on lui connaissait. Vainement. L'appareil du parti a opposé un silence incompréhensible alors que la base militante en rêvait. Un choix qui découle d'une stratégie bien réfléchie qui vise à affaiblir un parti dont le parcours historique a forgé la conscience politique de bien des générations. Le Front des forces socialistes qui a su résister aux coups de boutoir permanents depuis l'époque de la clandestinité jusqu'à la période de la violence des années quatre-vingt-dix a fini par se dissoudre. Il s'est tué lui-même. Pierre angulaire du combat démocratique, il est devenu son angle mort.