Si nous n'agissons pas ensemble pour refonder notre politique d'immigration, c'est le consensus républicain autour de notre tradition d'accueil et d'asile qui sera remis en cause, et les seuls gagnants seront les extrêmes», avait averti Emmanuel Macron en 2017. Prévue pour être débattue au Parlement vers la fin du mois de mars, voire à la mi-avril, la nouvelle loi, défendue par le ministre de l'Intérieur, Gérard Colomb, veut faire un distinguo très clair «entre les demandeurs d'asile qui fuient leurs pays pour des raisons politiques ou de sécurité et les migrants économiques, à la recherche d'une vie meilleure». A ces derniers, il promet de durcir les contrôles policiers et les expulsions automatiques vers leurs pays d'origine. Pour ceux qui seront admis à vivre sur le sol français, ils devront apprendre le français et faire preuve de facilité dans l'intégration au sein de la société française, en trouvant notamment un emploi. M. Macron veut mettre fin aux «no man's land administratifs», autrement dit, tous les étrangers sans statut clair, ni admissibles à vivre sur le territoire français, ni vraiment expulsables. Pour les sans-papiers, (environ 300000 selon des chiffres non officiels), le président français promet des contrôles renforcés dans toute la France et des reconduites à la frontière rapides en vue d'éviter de créer des appels d'air à d'autres étrangers qui voudraient tenter leur chance en France. M. Macron a admis l'existence d'une certaine nonchalance de la part de l'administration française en ce qui concerne les expulsions. «Nous reconduisons beaucoup trop peu. Nous laissons s'installer des centaines de milliers de personnes et nous sommes inefficaces dans les reconduites aux frontières», avait-il déclaré fin 2017. Il a invité les préfets à donner aux policiers des directives claires afin qu'ils multiplient les vérifications des papiers d'identité dans la rue et à «ne pas laisser tranquilles» les migrants vivant dans les rues de l'est parisien. Macron parle moins, mais expulse plus, selon les associations. Constatant que son pays ne peut pas lutter seul contre l'immigration clandestine, le président français plaide pour un rapprochement de la politique française d'immigration avec le modèle allemand, sous prétexte que ces «deux pays font face à des défis communs, notamment celui des migrants». Mais il faut bien admettre que les similitudes entre Paris et Berlin s'arrêtent là. Sinon comment expliquer que l'Allemagne ait accueilli près d'un million de réfugiés syriens en 2015, alors que la France n'a pas dépassé les 25 000. Par ailleurs, l'un des points qui fait hérisser le poil des associations, c'est la circulaire Collomb, qui veut recenser les migrants dans les centres d'hébergement d'urgence. Cette circulaire propose la mise en place de cellules mobiles composées de policiers, d'agents des préfectures et d'agents administratifs, dont le but est de recenser tous les migrants qui occupent des hébergements d'urgence, y compris les hôtels, et ce, afin d'évaluer leur situation administrative et sociale. Officiellement, cette procédure vise à voir clair dans le maquis des migrants et à améliorer leur prise en charge. Mais en réalité, ce que craignent les associations qui gèrent ces centres d'hébergement, c'est que les services de police repèrent les migrants et commencent petit à petit à les expulser ou à les «harceler» afin de les obliger à partir. Excédées, les associations ont saisi M. Toubon, le défenseur des droits, afin qu'il intervienne et mette fin à ces agissements jugés «inacceptables et faisant honte aux traditions d'accueil de la France». Ce dernier, sans grand pouvoir, a néanmoins exhorté le gouvernement à revoir sa copie. Critiqué de toutes parts, jugé plus dur que Nicolas Sarkozy, qui, lui, au moins dit les choses crûment, Emmanuel Macron temporise et tente de mettre en valeur l'octroi de nouvelles cartes de séjour de deux à cinq ans pour les étudiants étrangers et autres investisseurs qui voudraient étudier ou investir en France. Mais là aussi, il est attaqué par plusieurs associations, qui l'accusent de vouloir vider les pays d'Afrique de leurs cerveaux et cadres.