Double peine, rallongement à 90 jours du délai d'enfermement dans les centres de rétention et pression sur les pays de provenance des migrants. La France sous Macron se lance dans la chasse aux clandestins, au détriment des droits humains les plus fondamentaux. Plus les jours passent, plus les chances de survie pour un immigré clandestin en France diminuent. Le président Emmanuel Macron, qui vient d'élaborer un anti-projet de loi sur l'immigration, estime que la France n'expulse pas encore assez d'étrangers en situation irrégulière. "Je ne peux pas expliquer aux classes moyennes françaises qu'on va héberger sans commencer à contrôler", a-t-il expliqué le 18 octobre dernier devant un parterre de hauts responsables de la police, de la gendarmerie, de la préfectorale, estimant qu'il "faut reconduire de manière intraitable ceux qui n'ont pas de titre" de séjour. Pour doper le nombre des expulsions, le chef de l'Etat français envisage de systématiser l'application de la double peine. Son ministre de l'Intérieur, Gerard Collomb, vient de donner l'instruction aux préfets d'expulser du territoire tous les étrangers qui représentent une menace à l'ordre public et ceux qui sont déjà incarcérés. Cette mesure, qui intervient à la suite de l'attentat contre deux jeunes filles a Marseille en septembre dernier, est censée calmer les critiques suscitées par le profil du tueur, un sans-papier tunisien, déjà interpellé pour des délits de droit commun. Or, d'un point de vue purement légal, la France n'a pas tout à fait le droit de chasser de son sol des sans-papiers délictueux. Outre les ONG de soutien aux étrangers en situation irrégulière pour qui la double peine constitue un abus, le droit européen également sanctionne les expulsions à tour de bras. En 2015, la Cour européenne de justice a condamné 6 fois la France pour avoir déporté des individus, auteurs de délits. Dans leur cas, les expulsions ont été ordonnées en violation de deux principes de droit communautaire : le droit à un procès équitable et le respect de la vie privée et familiale des individus lorsque les personnes concernées sont les parents d'enfants nés en Hexagone. Cet argument est d'ailleurs quasiment le seul qui permet aux ONG d'aide aux sans-papiers de faire invalider des arrêtés d'expulsion et d'obtenir la remise en liberté des individus se trouvant dans les centres de rétention. Actuellement, ces prisons pour clandestins hébergent plus de 20 000 ressortissants étrangers. Le ministre de l'Intérieur a annoncé que des places supplémentaires allaient être aménagées. Il veut, en outre, porter à trois mois le délai d'enfermement (contre 45 jours aujourd'hui). Le but étant de ne pas relâcher dans la nature des individus qui doivent impérativement retourner dans leurs pays. Gerard Collomb s'est d'ailleurs plaint que sur les 91 000 clandestins interpellés en 2016, 25 000 uniquement ont été reconduits aux frontières. Pour augmenter la cadence des expulsions, le gouvernement Macron veut resserrer la coopération européenne par des accords bilatéraux. Il entend surtout faire pression sur les pays de provenance des immigrés. "On a une organisation moins efficace que nos voisins et des relations moins satisfaisantes avec les pays d'origine", a déploré le locataire du Palais de l'Elysée, assurant que "des décisions d'organisation" seront prises dans les prochains jours. Pour superviser le dispositif, il vient de nommer un ambassadeur des migrations, qui aura, entre autres, la charge de forcer un peu la main des pays qui délivrent le moins de laisser-passer pour le retour de leurs ressortissants. La France n'exclut pas dans ce domaine d'avoir recours au chantage économique. Des Etats, comme le Mali qui dépend largement de l'aide au développement, sont ciblés. S. L.-K.