Près de 28 000 décès liés aux complications du diabète ont été enregistrés en 2016. Ce qui représente 16% de la mortalité totale au cours de cette année. Un chiffre qui interpelle davantage les spécialistes qui redoutent une augmentation significative de ce nombre de décès si rien n'est fait, en l'occurrence la lutte contre les facteurs de risque, notamment l'obésité qui prend de l'ampleur au sein de la population algérienne et particulière chez les femmes. Le constat a été fait déjà depuis quelques années et réitéré ce week-end à l'occasion du Sommet algérien du diabète, organisé par les laboratoires Novonordisk sous le thème : «Actualisation, innovation et pratique quotidienne», auquel ont pris part les praticiens étrangers et algériens en diabétologie, en médecine interne et en endocrinologie. Les différents intervenants sont revenus sur les principales recommandations nationales et internationales pour la prise en charge du diabète dans les différents pays du monde et en Algérie, aux complications liées au diabète ainsi qu'aux nouvelles molécules. Comme ils ont également insisté sur la personnalisation du traitement afin d'améliorer la qualité et la prise en charge des patients diabétiques pour une réduction de ses complications et du fardeau économique et social de cette pathologie. Ce qui risque d'être difficile à appliquer aux patients algériens, ont souligné les spécialistes, du fait «de l'absence ou du non-remboursement des molécules innovantes qui figurent sur les recommandations internationales, telles que les analogues du GLP-1, les inhibiteurs des SLT-2, les inhibiteurs des DPP-4 et les insulines de nouvelles générations, molécules qui en plus de leur efficacité grâce à une action sur la triade glycémique, permettent une réduction des hypoglycémies sévères, de la variabilité glycémique et du poids sur certaines d'entre elles, et surtout de la morbi-mortalité cardiovasculaire et de la progression vers l'insuffisance rénale terminale pour le liraglutide, le semaglutide et l'empagliflozine», a-t-on indiqué. Et de rappeler que pour accompagner les médecins dans l'individualisation du traitement, beaucoup de pays ont opté pour la diversification des molécules qui se caractérisent par des modes d'action différents et complémentaires permettant aux médecins de fixer des objectifs individualisés pour chaque patient, en prenant en considération l'âge, l'ancienneté du diabète, le statut pondéral, la présence ou non de complications et de co-morbidités, notamment cardiovasculaires et rénales, et surtout l'environnement socioéconomique dans lequel il vit. «Sur les cinq dernières années, une vingtaine de médicaments antidiabétiques ont été mis sur le marché en Algérie, essentiellement des génériques et des bio similaires des molécules déjà existantes. Tous ces lancements ne vont pas dans le sens d'une meilleure individualisation du traitement et ne permettront donc pas une amélioration de la prise en charge du diabète ni une baisse des coûts de cette pathologie», regrette-t-on. Pour le Pr Semrouni, endocrinologue au CHU de Beni Messous, notre pays dispose de recommandations élaborées par des experts algériens sur la base des traitements disponibles en Algérie. «Nous sommes en décalage par rapport aux nouvelles molécules qui ont changé beaucoup de choses au plan thérapeutique, que ce soit sur les complications cardiovasculaires, les problèmes d'hypoglycémie et autres. Nous souhaitons l'introduction de ces molécules qui ont fait leurs preuves et la levée du paradoxe vis-à-vis de certaines molécules qui sont enregistrées par le ministère de la Santé, mais non remboursées par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale», a-t-il relevé, avant de rappeler que le diabète ne cesse d'augmenter en Algérie avec une prévalence au-delà de 10% pour les personnes âgées de 35 ans et plus. «Un Algérien sur 10 est diabétique en Algérie», a-t-il indiqué. Le Pr Semrouni regrette que le Comité national du diabète ne soit pas consulté alors que «nous sommes les premiers à comprendre la problématique du diabète», a-t-il noté. La réduction de ce fardeau que constituent le diabète et l'obésité passe aussi par la lutte contre les facteurs de risque majeurs modifiables, le diagnostic précoce, l'amélioration du partenariat médecin-patient, la réduction et l'inertie médicale ainsi que l'éducation thérapeutique. Le Pr Mansour Brouri, spécialiste en médecine interne et membre du comité intersectoriel pour la lutte contre les maladies non transmissibles, a mis en avant la nécessité de relancer le programme national de lutte contre les facteurs à risque, élaboré par le ministère de la Santé en 2015, ajoutant : «Si les autorités publiques n'appliquent pas ce programme en temps voulu, l'Etat se retrouvera dans l'incapacité de faire face au risque de ces maladies tant au niveau social qu'économique.» Et de signaler que les dépenses pour la prise en charge vont augmenter dans les prochaines années en absence d'une politique de prévention. Le directeur des laboratoires Novonordisk, Jean-Paul Digy, a relevé que selon les derniers résultats du baromètre 2017, 1,4 million de diabétiques sont traités sur 2,6 millions, mais que les résultats thérapeutiques sont insuffisants puisque, outre le diagnostic tardif, le manque de stratégie de prévention, la moyenne de l'hémoglobine glyquée est de 8,5% dans les différentes régions du pays et seulement 5% de la population diabétique vivent sans complication. Face à toutes ces insuffisances, M. Digy estime que des initiatives doivent être prises pour améliorer la qualité de la prise en charge du diabète.