Hayet Zerrouk, cette jeune artiste à la voix prometteuse, vient de sortir aux éditions Ostowana son premier album Leh'naa. Ses chansons sont touchantes et ses mélodies résolument folk. Vous êtes une artiste pluridisciplinaire à la voix chaude et au talent avéré. Comment êtes-vous venue à l'univers musical ? Cela a commencé par l'émission radiophonique de la Chaîne III «Sound System», de l'animateur Hakim Lefghoun (HKM), où j'ai chanté lors d'un karaoké trois chansons que j'avais composées en 2008. Ces trois compositions font d'ailleurs partie de l'album. Après, j'ai participé à une deuxième émission radiophonique «Turbo Music» avec Amina Aïssi. Elle a écouté ma chanson Dour et a décidé que j'allais être la révélation féminine de l'année 2008. Par la suite, j'ai enchaîné les concerts avec la radio Chaîne III. J'ai également participé à plusieurs concerts caritatifs en 2013 à la célèbre émission «The Voice» saison 2 sur MBC en interprétant le mythique tube de Dahmane El Harrachi Ya rayeh. J'ai sorti mon premier single en 2010, Dour. En 2015, il y a eu le clip Hadik hiya el danya et en 2017, il y a eu le clip de Leh'naa. Pourquoi avoir attendu dix ans pour éditer votre premier album ? Je dois avouer que j'ai commencé le travail en 2012, mais il n'a été enregistré qu'en 2014. C'était juste un choix indépendant. Je ne voulais pas me lier avec un contrat avec un éditeur qui m'enlève tout droit sur mes chansons, sur ma manière d'être et comment je devais le distribuer. Disons qu'en 2015, j'ai eu l'occasion de rencontrer Aminos d'Ostowana. Ce dernier a cru à mon projet. L'album s'est certes concrétisé, mais on l'a fait grâce au dialogue. Je tiens à signaler que l'album est disponible aussi sur les plateformes de téléchargement légales, dont Deezer et Itunes. Le titre choisi de votre album Leh'nna est une quête vers la paix et l'embellie ? J'ai toujours été en quête de paix. Pendant un moment j'avais un certain mal de vivre et je n'acceptais pas la vie et ses travers. Cela me travaillait trop et me déprimait. L'année où j'ai écrit Leh'nna (2012), j'avais commencé à changer ma vision sur la vie et les choses, à savoir toutes ces guerres, ces conflits et ces trahisons. Cette hypocrisie dans notre entourage ne devrait pas nous arracher cet espoir. La vie a aussi de bons côtés tels que les belles choses, la famille, la sincérité et l'authenticité. Ce n'est pas parce qu'on est trahi ou qu'on nous trompe, on est hypocrite avec nous qu'on doit nous aussi le devenir. C'est vraiment cela le message de la chanson. Je ne fais pas attention à ce que les autres reflètent. L'important c'est ce que moi je suis et ce que j'ai envie de montrer, à savoir le bonheur, l'espoir, l'authenticité, l'humilité, les valeurs et les principes. On a l'impression que ces gens n'existent plus, alors qu'il y a forcément des gens comme cela, qu'on rencontre dans notre vie de tous les jours. Cette petite minorité représente vraiment cette étincelle d'espoir. Cela ne sert à rien de broyer du noir. Sinon l'album en question contient neuf titres, dont huit en arabe dialectal algérien et un en anglais. Justement, pourquoi avez-vous choisi d'interpréter une composition personnelle en langue anglaise Never Get Enough ? Ce titre en anglais Never Get Enough découle d'une propre composition, parlant d'un coup de foudre. D'une personne qui ne croyait plus aux sentiments, qui dépasserait par rapport à l'amour et à son existence. C'est quelqu'un qui ne croit plus à l'amour dans l'époque actuelle vu les changements des valeurs, des principes, de la conception de l'amour chez les gens. A travers cette chanson, j'essaye de contredire ces choses-là et de dire que l'amour existe. Il suffit juste d'y croire, de représenter soi-même l'idéal de l'amour pour pouvoir le trouver. J'ai choisi de chanter ce titre en anglais parce que c'est une chanson que j'aime beaucoup. Pour ne rien vous cacher, c'est l'une des premières chansons que j'aie écrites et composées. Il est vrai qu'elle est un peu différente du reste de la thématique de l'album. C'est pour cela que j'ai préféré la mettre en bonus Track. Je l'ai mise en bonus, aussi, pour que les gens me découvrent dans un style musical différent de la folk. C'est une chanson R'nb soul et Old School. Il faut savoir que j'ai commencé d'abord à écrire en anglais, d'autant plus que je suis licenciée en langue anglaise. J'ai eu quelques conseils de personnes qui ont plus d'expérience que moi, en l'occurrence le chanteur Khaled Barkat. Ce dernier m'a conseillé de chanter en arabe pour que les gens puissent comprendre les textes. Il est vrai que je fais passer des messages à travers ma musique et mes chansons. C'est parce que j'ai trouvé les conseils de Khaled Barket logiques que je les ai suivis. Pouvez-vous commenter le reste des chansons de l'album ? Les huit chansons sont en arabe dialectal, à l'exception du premier single Dour où il y a une partie aussi en anglais. Dans mes chansons, j'aborde un peu de tout. Ce sont des choses qui m'ont été inspirées par mon vécu et de celui des personnes que j'ai connues pendant une certaine période de ma vie. L'ensemble des chansons qui ont été écrites entre 2008 et 2012 abordent plusieurs thèmes dont, entre autres, l'amour, la déception et l'infidélité. J'ai traité du sujet de l'infidélité pour parler de la femme. C'était pour encourager la femme qui se sent meurtrie quand elle est trompée et qui voit son monde s'écrouler. C'est pour lui donner du courage. Comme quoi un divorce ou encore une tromperie, ce n'est pas forcément la fin du monde, mais le début de quelque chose de meilleur. C'était ma manière de parler à la femme algérienne pour lui dire que sa vie ne s'arrête pas à un divorce. Vos chansons sont inspirées d'un certain vécu... Effectivement, l'ensemble de mes textes est inspiré d'un certain vécu. A titre d'exemple, la chanson Dour m'a été inspirée par le vécu d'une amie que j'ai connue à l'université. Il y a aussi la chanson Anaya n'goul, c'est une manière de contredire les codes sociaux. J'ai essayé de donner la parole à la femme et aussi le choix de décision. Preuve en est à travers le titre Aanya n'goul, contrairement à tout ce que vous pensez, moi je décide pour ma vie et ce qu'elle doit être. Je m'inspire du vécu, des gens, de la vie, de la société, du monde et de l'univers. Je m'intéresse aux questions existentielles. Vous ne chantez pas pour chanter, mais vous chantez pour transmettre des messages au pluriel... C'est exactement cela. Depuis que j'étais toute petite, je ressentais le besoin de m'exprimer par rapport à certaines choses dans la société et dans la vie en général avec lesquelles je n'étais pas d'accord. Je chante aussi l'amour. Ce n'est pas un crime. J'aime cela mais je fais en sorte qu'il y ait des messages dans mes textes. Dans quel registre situez-vous votre musique ? Je dirai que je situe ma musique dans le registre de la folk, vu l'utilisation des guitares, la manière de chanter et les textes que j'aborde. Des fois c'est de la musique folk avec des sonorités rock, comme dans le titre Dour et Loukan. Il y a aussi le titre Ana n'koul avec des sonorités reggae. Ma musique n'est pas calculée. Je joue comme ça vient. Il faut dire que cela colle aussi avec l'engagement d'une chanson tels les droits de la femme, etc. Mis à part le regretté Cheb Hasni, quels sont les autres artistes qui vous inspirent ? Majoritairement, ce sont les artistes engagés tels Tracy Chapman, Maria Carey, Bob Marley, Michael Jackson, Alanis Morissette et Stevie Wonder. Concernant la musique algérienne, ce n'est plus un secret, j'aime Cheb Hasni. J'aime la sensibilité, ce qu'il transmet comme émotion. J'aime aussi Cheb Khaled, Zoulikha, Ahmed Wahbi. J'ai remarqué que j'ai une préférence pour l'ancien raï. Il y en a tant d'autres que je ne pourrais pas tous les citer. Comptez-vous promouvoir votre album à travers une tournée nationale ? Je dois avouer que c'est difficile de faire une tournée en Algérie. L'artiste n'est pas pris en charge après la sortie d'un album. Nous, artistes, sommes obligés de faire avec les moyens du bord ce travail-là. A mon niveau, ce que j'ai pu faire, c'est organiser deux ventes-dédicaces, l'une à Riad El Feth, le 27 janvier dernier, et le 17 février, à la galerie Ezzouar, au centre commercial de Bab Ezzouar. Je compte organiser deux autres ventes-dédicaces à Oran et à Béjaïa. Il y en aura certainement d'autres. Je verrai avec mes contacts pour essayer d'organiser ne serait-ce que de petites ventes-dédicaces dans des cafés ou chez des disquaires. Quels sont vos projets futurs ? La sortie de l'album a tardé, mais entre- temps j'ai entamé d'autres projets d'écriture et de composition. J'ai six nouveaux titres dans mes tiroirs. Il faut en écrire d'autres pour avoir le choix et bien sélectionner les chansons de mon prochain album. Mais je pense bien que je le sortirai comme je l'ai fait avec l'album Leh'naa en forme de single en attendant que tout soit prêt.