S'il y a des leçons à tirer des mouvements de grève illimitée des enseignants et des médecins résidents à travers toutes les wilayas du pays, c'est avant tout le caractère irremplaçable, vertueux du dialogue avant, pendant et après l'éclatement de tout confit social. Et surtout, combien l'absence de médiation se fait sentir quand les parties en opposition ne parviennent pas à s'entendre, ni même à progresser dans la voie du règlement et du dénouement de situations conflictuelles dans lesquelles sont pris en otage collégiens, lycéens, malades et usagers du secteur public… Des moments de crise qui font craindre le pire, quand des réunions souvent qualifiées de la dernière chance entre des tutelles ministérielles, syndicats et autres représentants de grévistes débouchent sur des impasses. En effet, pour l'enseignement, le spectre de l'année blanche plane sur les élèves et les lycéens inquiets à quelques semaines des examens nationaux, le BEM et le baccalauréat notamment. Tandis que devant la perturbation que connaissent les hôpitaux du pays et autres centres de santé publique, on en vient à souhaiter de ne pas tomber malade ces jours-ci, pour échapper au laisser-aller et à l'abandon qui y règnent depuis plusieurs semaines ou du moins de très fortes perturbations de fonctionnement qui semblent chroniques, au moment où il est question, encore une fois, de loi sanitaire, de réforme hospitalière, etc. Aujourd'hui, en dépit des dispositions à dialoguer affirmées de Mme Benghabrit et des gestes de bonne volonté dont fait preuve la ministre de l'Education nationale, le conflit avec les enseignants semble prendre d'autres tournures au fil des jours et de son enlisement. Et de connaître, semble-t-il, sa phase de durcissement après la radiation de près de 700 enseignants et les mêmes menaces qui pèsent sur les 19 000 autres grévistes, le mouvement de contestation s'est élargi, par conséquent ces derniers jours aux autres fonctionnaires ainsi qu'aux écoliers et lycéens en «signe de solidarité avec les radiés». Le fait que la ministre demande aux services de sécurité d'enquêter sur «ces parties qui poussent au pourrissement et veulent entraîner les élèves» dans un mouvement qui les dépasse aurait pu sans doute être évité, y compris dans les wilayas de Béjaïa, Blida et Tizi Ouzou, où les établissements scolaires sont pratiquement à l'arrêt depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, si on avait recouru à une médiation adéquate. Plus encore, si au moment où le dialogue est devenu difficile, voire impossible, il existait des canaux de médiation institutionnels qui auraient pu être mis à contribution pour débloquer des conflits ponctuels et très localisés avant que la situation ne se dégrade dans un mouvement généralisé. On aurait sans aucun doute fait l'économie de tels gâchis. Aujourd'hui, on a plus besoin que par le passé assez récent d'une médiation (de la République ou non) pour rassurer les citoyens, les groupes sociaux professionnels dans les relations qu'ils entretiennent avec l'administration, les institutions d'une manière générale. Les rassurer d'abord que leurs intérêts seront préservés ou tout au moins pris en compte et éviter par la même tout parasitage, toute manipulation éventuelle des situations pour le moins anachroniques où l'on a vu des imams prendre langue dans des conflits syndicaux…