Le centre hospitalo-universitaire (CHU) Mohamed Nedir de Tizi Ouzou a abrité, lundi et mardi derniers, le 1er colloque international sur la greffe d'organes. Les différents intervenants ont surtout mis l'accent sur le retard qu'enregistre l'Algérie dans ce domaine par rapport à certains pays du monde arabe. Selon le docteur Acimi, en exercice au CHU de Sidi Bel Abbès, l'Arabie-Saoudite a réalisé 4670 transplantations rénales entre 1986 et 2005. Durant cette même période, l'Algérie n'en a réalisé que 94. L'egypte et le Liban réalisent, pour leur part, une moyenne de 100 à 110 opérations de transplantation par an. Ce retard est dû, principalement, à l'absence d'une volonté politique de l'Etat algérien, expliquent certains médecins. Ce dernier n'a commencé, en fait, à encourager la greffe d'organes, notamment rénale, que depuis près d'une année, note-t-on. Le professeur Acimi ajoute que l'« absence d'une vision claire en matière de greffe d'organes », explique en partie le retard accusé par l'Algérie. Le nombre sans cesse croissant des insuffisants rénaux et le coût très élevé de la dialyse justifient l'intérêt des responsables de la santé pour la greffe d'organes. « La dialyse coûte trop cher pour l'Etat qui fait face à une demande de plus de 10 000 insuffisants rénaux à travers tout le pays. La prise en charge d'un seul malade s'élève à plus de 1,2 million de dinars par an », avance le ministre de la santé, de la population et de la réforme hospitalière, Amar Tou, lors de l'ouverture des travaux du colloque de Tizi Ouzou. Le transfert des malades à l'étranger coûte entre 600 millions et 1 milliard de centimes par personne. La greffe rénale permet aussi au malade d'éviter la mobilisation presque permanente et une meilleure réinsertion socioprofessionnelle. Les participants au colloque sur la greffe d'organes affirment toutefois qu'ils rencontrent d'énormes difficultés pour accomplir convenablement leur mission, en raison du manque de moyens matériels et de l'inexpérience des personnels médical et paramédical. Le recrutement des malades qui ont peur de la transplantation rénale rend aussi la tâche des médecins délicate. Amar Tou estime que le travail de communication et de sensibilisation est indispensable pour dépasser toutes les contraintes psychologiques, à la fois chez le malade et la société pour les dons d'organes. Les praticiens de la santé pensent qu'il faut instaurer un large débat dans la société, auquel doivent être associés des juristes, des théologiens et des professionnels des sciences humaines. La participation des médias lourds s'avère, elle aussi, indispensable pour changer les mentalités. La question de la pénurie des organes prélevés sur des donneurs vivants préoccupe sérieusement les médecins qui soutiennent que le prélèvement des organes sur cadavres sera d'un apport considérable. La législation algérienne des 1991 autorise, pourtant, cette pratique et la religion ne l'interdit pas, souligne-t-on. Le docteur Acimi appuie ces dires en se référant à l'Arabie-Saoudite, un pays arabe et musulman. Il dira à ce sujet que « sur les 4670 transplantions rénales réalisées en Arabie-Saoudite, l'on a enregistré plus de 3140 prélèvements d'organes sur cadavres ». Le meilleur exemple demeure celui des Etats-Unis d'Amérique où le nombre de reins prélevés sur cadavres est de 9000 (contre un nombre de 4000 donneurs vivants) durant seulement l'année 1999. Au cours de l'année 2000, le nombre de patients dialysés, en attente d'un rein de cadavre aux USA, dépassait les 45 000, ajoutent les communicants. Pour surmonter les difficultés liées à la pénurie des organes prélevés sur cadavres, les participants au colloque de Tizi Ouzou ont proposé « la création d'un établissement algérien de transplantation d'organes qui aura pour mission principale, la gestion de la liste d'attente des patients, la coordination des prélèvements et des greffes ainsi que l'évaluation des résultats des différents services (urologie, néphrologie, ndlr). Il est également nécessaire d'approvisionner ces services en matériels et en médicaments pour les maintenir opérationnels ». Les urologues n'ont pas manqué de soulever le problème de l'adaptation de la législation algérienne pour une meilleure prise en charge de la greffe d'organes à l'avenir. Pour sa part, le ministre de la santé a encouragé le travail de coopération avec les équipes médicales étrangères qui permettront aux équipes médicales locales d'acquérir une meilleure expérience en matière de greffe rénale. La participation des médecins algériens vivant à l'étranger facilitera le transfert des technologies en ce domaine. Première greffe rénale Le centre hospitalo-universitaire Nedir Mohamed de Tizi Ouzou a effectué avec succès la première greffe rénale de son histoire, mercredi dernier. L'intervention sur un homme, âgé de 53 ans et souffrant d'une insuffisance rénale depuis six ans, a été réalisée par une équipe médicale du CHU de Tizi Ouzou et le professeeur R. Barama du CHU de Montréal. Cette première greffe a commencé à 9 h et s'est achevée à 16 h. Les étudiants en médecine, les personnels médical et paramédical du CHU et la famille du malade ont suivi en direct toutes les étapes de l'intervention grâce à un écran géant installé au niveau de l'auditorium de l'hôpital. Le malade opéré mercredi dernier a bénéficié d'un don de rein de la part de sa sœur, âgée de 51 ans. Le service de néphrologie compte actuellement 143 insuffisants rénaux en phase terminale, avance le docteur Badaoui, néphrologue. Chaque patient a droit à trois séances de dialyse par semaine. La durée d'une séance de dialyse est de quatre heures. « Le nombre total de dialysés à Tizi Ouzou est d'environ 350. Leur nombre augmente chaque année de 60. »