Les opérations de rapatriement des migrants subsahariens se poursuivent. Regroupés, en début de semaine, au centre de vacances de Zéralda, à l'ouest d'Alger, des migrants sont transférés au camp de réfugiés de Tamanrasset où ils sont arrivés hier en début d'après-midi, apprend-on auprès de la Ligue de défense des droits de l'homme (LADDH). La LADDH a alerté, dimanche 11 mars, sur l'imminence de l'opération d'expulsion qui aurait touché quelque 280 migrants, dont 13 femmes et 12 enfants. «Un jeune migrant m'a informé qu'il a été arrêté, le 11 mars, à 9h à Dergana (est d'Alger) par deux policiers en civil avant d'être transféré vers le centre. D'autres migrants ont aussi été interpellés sur des chantiers. Les personnes arrêtées sont en grande majorité des Maliens, des Camerounais et des Ivoiriens, qui représentent 70% des migrants installés en Algérie», détaille Fouad Hassam, membre de la LADDH, qui s'est déplacé au centre sans pouvoir entrer en contact avec ses occupants en raison du refus des gendarmes. Les migrants avaient été transférés par bus à Tamanrasset, où ils sont placés dans le camp de réfugiés avant leur reconduite aux frontières. «Les migrants seront reconduits à la frontière soit nigérienne soit malienne, puis relâchés, pour rejoindre les centres de vie proches», signale Hassam. Human Rights Watch (HRW) a dénoncé, hier, des «vagues d'expulsion arbitraires» de migrants subsahariens vers des «zones de non-droit au Mali» où certains sont «rançonnés». Selon le site de l'ONG, les autorités algériennes ne filtrent pas les migrants et ne leur donnent pas la chance de contester leur expulsion, y compris à ceux qui peuvent prétendre au statut de réfugié. «L'Algérie devrait traiter tous les migrants avec respect et décence, leur donner la possibilité de contester leur expulsion et ne pas les exposer au risque de subir un traitement inhumain», estime Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch, rapporte l'organisation. L'organisation reconnaît, néan-moins, au «gouvernement algérien l'autorité légitime d'expulser des personnes en situation irrégulière, à condition de respecter le droit international». Des migrants réguliers parmi les expulsés ? Les premières opérations d'expulsion de ressortissants subsahariens ont commencé fin 2015. Selon la présidente du Conseil national des droits de l'homme (CNDH), Fafa Sid Lakhdar Benzerrouki, qui s'exprimait en novembre 2017, «l'Algérie a déboursé 9 millions d'euros pour assurer le retour dans la dignité de 10 000 femmes et enfants migrants africains dans leurs pays d'origine». Selon la LADDH, il y aurait eu au moins 2000 cas d'expulsion du territoire national depuis le début de l'année. «Les migrants expulsés sont parfois en situation régulière. Il y a au moins 60 000 migrants en Algérie, dont une partie qui travaille sur des chantiers à Alger et Oran, plus particulièrement. La fermeture coup sur coup des camps de Maghnia et Oujda a contraint des ressortissants subsahariens à s'installer en Algérie. J'ai le témoignage d'une femme dont le mari a été reconduit chez lui au Mali, et qui se retrouve avec un enfant à charge et sans ressources», s'offusque M. Hassam. Le vice-président de la LADDH, Said Salhi, s'interroge sur l'«opacité» qui entoure les opérations : «Les expulsions n'ont pas cessé depuis 2014. Les autorités ne communiquent ni sur le nombre des migrants, ni sur leurs profils, ni ne permet l'accès au centre d'accueil. Elles préfèrent parler de rapatriement alors qu'il s'agit d'expulsion.» Le vice-président s'en prend au Croissant-Rouge algérien (CRA), dont «la mission, en tant qu'ONG, est l'aide humanitaire, mais on constate que l'organisation est partie prenante dans les opérations». Salhi s'interroge aussi sur le rôle des organismes onusiens, le HCR, mais surtout l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui, «pour cette dernière, ne s'occupent pas, comme l'exigent ses statuts, de l'accompagnement des migrants refoulés». La LADDH plaide pour la mise en place d'un cadre législatif national, à travers une loi d'asile qui permettra, par exemple, de déterminer les mécanismes d'accueil, de recours en cas d'expulsion, suggère Salhi. Jointe par téléphone, la présidente du Croissant-Rouge algérien, Saïda Benhabylès, n'a pas souhaité s'exprimer sur les dernières opérations de reconduite aux frontières. «Je prépare une réunion, je serai occupée même en soirée», s'est contentée de dire la présidente de l'organisation.