Périodiquement, le FMI nous gratifie d'un rapport qui fait avancer le débat sur les questions d'ordre économique. Le dernier en date du mois de mars fut largement commenté par la presse nationale et les analystes. Comme de coutume, chacun y va de son interprétation personnelle. Les analyses des instances internationales ont le mérite de relancer à chaque fois le débat national sur des thématiques connues à la lumière de nouvelles données et de nouvelles positions prises. Le compte rendu de mars 2018 était fort attendu, vu qu'on vient d'opérer une rupture de politique économique par rapport à la doctrine du nouveau modèle économique et à la consolidation budgétaire opérée à partir de 2016. Il y avait donc beaucoup de matières à traiter et on devait situer les nouvelles politiques économiques par rapport à ce qui se dessinait avant. Les différences sont de taille. Mais les pouvoirs publics nous assurent que ces dispositions sont temporaires. Mais le court terme laisse des traces indélébiles sur les anticipations des citoyens et par la suite sur la continuité des politiques économiques. Les analyses du FMI ne sont pas exemptes d'insuffisances. C'est intéressant uniquement parce qu'il est bon d'avoir le point de vue d'un arbitre qui devrait être neutre et voir les choses sous uns angle différent. Il est connu que le FMI tire surtout ses conclusions du fameux consensus de Washington, dont les résultats concrets sur terrain ont été très mitigés. Parfois, ses recommandations entraînent de véritables catastrophes économiques, comme lorsqu'il a forcé la main aux pays asiatiques pour s'ouvrir aux flux de capitaux, balisant la route à la fameuse crise asiatique. Ces pays avaient pourtant des fondamentaux solides, mais les flux spéculatifs des investisseurs internationaux sur les monnaies et les taux de change avaient terrassé des économies pourtant solides. Cependant, la doctrine du FMI a évolué ces dernières années vers plus d'ouverture d'esprit et plus de discernement. Les critiques des grands économistes (Krugmann, Stiglitz) ont été partiellement entendues. Les constats d'abord Le FMI nous rappelle d'abord ce que tout le monde sait : l'extrême dépendance de l'économie vis-à-vis des prix des hydrocarbures et les vulnérabilités de l'économie algérienne. Comme de coutume, le rapport est empreint de beaucoup de diplomatie et donc on ne focalise pas trop suffisamment sur les dangers que recèle potentiellement notre économie, mais pour cela nous nous sommes habitués à ce procédé. Le mérite de ces analyses est d'emballer le débat national sur un certain nombre de caractéristiques de notre économie. Juste après le rapport, les analystes se sont mis au travail pour rappeler les menaces et les opportunités auxquelles on fait face. Par ailleurs, l' exploration des experts du FMI avait permis de conclure que les sempiternels problèmes qui freinent le développement de l'économie du pays peinent à trouver des solutions satisfaisantes. On n'arrive pas à débureaucratiser l'économie, à moderniser les banques, à asseoir une grande lisibilité économique, à attirer autant d'IDE que le potentiel économique de notre pays puisse absorber et le reste. Le FMI a constaté une rupture de politiques économiques en 2018 avec la nouvelle loi de finances. On a renoué avec les dépenses d'infrastructures qui caractérisaient les années d'avant crise. Cependant, les pouvoirs publics rassurent que les dépenses sont transitoires et qu'elles contribuent seulement à finaliser des projets vitaux déjà entamés. Avec ce choix, on fait une parenthèse sur la trajectoire budgétaire retenue dans ce qu'il a été convenu d'appeler le nouveau modèle économique. Par ailleurs, le FMI commente également le fameux recours au financement de la Banque centrale, contre lequel il semble mettre en garde. Il fait directement allusion à l'endettement externe comme solution alternative. Nous pensons que c'est une piste très dangereuse qui nous a menés déjà par le passé au bord de la faillite. Nous sommes une économie qui ne sait pas exporter pour repayer les dettes. Alors avec l'épuisement des réserves, nous allons nous retrouver face à une solution de blocage. Mieux vaut un financement un peu inflationniste qu'un recours à l'endettement international. Par ailleurs, le FMI nous fait le reproche de protéger l'économie nationale, même si la nation la plus «libérale» de la planète (les USA) fait pire. Recommandations et pertinence Dans l'ensemble, les experts nationaux font à peu près les mêmes constats que le FMI, à quelques différences près. Le FMI parle d'une fenêtre d'opportunité disponible. Nous l'estimons à peu près à 2022. A cette période-là, nous aurons pratiquement laminé nos réserves et si des améliorations substantielles de politiques économiques ne sont pas réalisées à cette échéance, la situation sera alors très préoccupante. D'autant plus qu'on se rapprocherait des 50 millions d'habitants à cette date. Nous n'avons plus le temps qu'on avait par le passé. Il faut donc accélérer la cadence des réformes structurelles de tous genres. Le plafonnement et la limitation dans le temps du financement de la Banque centrale a été fortement préconisé. Mais il faut rendre justice aux décideurs qui ont promis de limiter le volume et la durée de ce type de financement. On l'a justifié par le paiement des crédits du Trésor public aux entreprises publiques et privées. Tout le monde est donc d'accord sur cette question. L' exécution des différents budgets futurs nous indiquera sur les véritables intentions des décideurs. La piste de l'endettement extérieur est dangereuse, comme souligné précédemment. Fortement envisagée par le FMI, les pouvoirs publics feraient mieux de l'éviter. Le prix à payer est beaucoup plus lourd que celui d'un financement par la Banque centrale. Par contre, la dévaluation du dinar et le développement du marché des changes est une option sérieuse qui, sous certaines conditions, va desserrer la pression sur les ressources disponibles. De toute façon, une dévaluation peut se combiner avec l'option de subventions indirectes (mais de préférences directes) des besoins des couches vulnérables. Avec une dévaluation, l'Etat aura plus de ressources pour mieux les diriger vers les vrais besoins. Mais l'opération n'est pas sans coût. Sur le moyen terme, avec des mesures d'accompagnement appropriées, on peut améliorer beaucoup d'indicateurs de nos performances économiques. Sur le reste, les recommandations classiques de dé-bureaucratisation, d'amélioration de l'éducation, de modernisation de la gouvernance, d'une meilleure mobilisation du crédit, de l'environnement des affaires, du développement du secteur privé sont applaudies par tout le monde. Mais les améliorations peinent à se dessiner. Ce sont ces fondamentaux qui sont plus importants que les techniques macroéconomiques qui ne sont que des palliatifs. Mais sur ces thèmes, nous n'avons pas encore une trajectoire bien établie pour venir à bout de ces sempiternels problèmes.