Il souffre d'un défaut d'image, il représente aux yeux du grand public un réceptacle de recalés de l'école. Dans l'imaginaire de beaucoup de nos compatriotes, le secteur de la formation et de l'enseignement professionnels est réduit à former des coiffeurs, des couturières, des plombiers et autres métiers, à tort, comme dévalorisants pour certains. Or, ce secteur dispense pourtant des formations de qualité et propose des métiers de demain. Les secteurs porteurs de l'économie nationale ont besoin de techniciens opérationnels en lieu et place des ingénieurs théoriciens. La massification de l'enseignement tertiaire et la fixation excessive sur les diplômés universitaires ont fini par assécher, ces dernières années, l'enseignement professionnel qui n'attire plus de candidats. Dans tout le pays, il n'existe que 7 instituts d'enseignement professionnel. Quant à la formation professionnelle, jadis une véritable fabrique de l'élite ouvrière qui a contribué à la construction et au développement des grandes entreprises nationales, telles que Sonatrach, Sonalgaz, SNTF, Sonacom, etc., est devenue un lieu de «relégation sociale». Toujours dans l'imaginaire populaire, elle est un véritable «dépotoir» des recalés de l'éducation nationale. Cette image n'est que le résultat d'un désintéressement à la fois des politiques et des entreprises pour un secteur aussi stratégique que la formation et l'enseignement professionnels. Mohamed Mebarki, ministre du secteur, a fait un aveu de taille, mercredi dernier, lors d'une rencontre régionale sur le cursus de l'enseignement professionnel dans sa nouvelle architecture. Clairement il déclare : «Le système d'orientation en vigueur depuis près de 10 ans de concert avec le ministère de l'Education a montré ses limites, notamment en ce qui concerne l'orientation vers l'enseignement professionnel.»
Déperdition scolaire Pour le premier responsable du secteur, «la consécration de l'orientation des élèves vers la formation professionnelle traduit l'importance de ce cursus et son rôle dans la régulation des flux des élèves vers le post-obligatoire, permettant de juguler la déperdition scolaire et de contribuer à la formation d'une main-d'œuvre qualifiée répondant aux exigences du marché». Et c'est là où le bât blesse : veut-on d'un secteur formateur et pourvoyeur de main-d'œuvre qualifiée ou bien vise-t-on simplement à renforcer cette idée que le secteur de la formation professionnelle n'est en vérité que cette grande «garderie pour adolescents désemparés». Tout est question de communication et d'image dans le monde d'aujourd'hui. Et le secteur de la formation et de l'enseignement professionnels doit choisir sa vocation et opter pour : soit former à la carte pour le secteur économique ou alors réguler la masse des recalés des écoles. Dans les deux cas, la problématique s'annonce d'ores et déjà compliquée. Ce pourquoi la formation professionnelle doit reprendre sa place dans le système éducatif comme acteur d'importance. Sa raison d'être : former aux métiers et son obsession, anticiper sur les métiers d'avenir et les besoins du développement national. La valeur de la formation, d'un diplôme et de l'individu n'a de sens que par rapport à la réponse qu'elle apporte aux besoins de la société, loin des considérations de classe sociale, l'importance d'un être se mesure dans ce qu'il produit. Le modèle privé Ainsi donc, la tâche qui incombe au secteur de la formation est de réorienter toute la culture populaire en donnant du sens à ses formations et diplômes et en opérant un coup de force quasi philosophique en imposant le concept de l'utilité et du savoir-faire pour modèle de réussite. Un grand effort de communication efficace et intelligent doit être amorcé. Il doit être axé sur les métiers, le travail collaboratif, les ateliers de formation. A l'ère de l'image et du paraître, le secteur de la formation professionnelle doit savoir donner envie. Une tâche que le secteur public semble céder au privé qui, lui, arrive bien à séduire une clientèle de jeunes. L'essor des écoles et autres instituts privés de formation est dû à leur communication accrue et moderne sur les réseaux sociaux. Pourtant, la qualité de leur programme n'a rien à envier à celui du secteur public. Leur stratégie repose sur un concept s'inspirant du modèle «low cost», rapidité, efficacité et qualité sont les maîtres-mots de leur slogan. Pourtant la formation dispensée dans ces centres est chèrement facturée. Ce boom et cet attrait pour le secteur privé s'expliquent en partie par un argument de taille qui est : «Investissez dans la formation aujourd'hui, vous amortirez votre argent demain.»