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Le système budgétaire en Algérie et sa problématique modernisation
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Publié dans El Watan le 31 - 03 - 2018

Tout au long du 20e siècle, les finances publiques (FP) ont connu des évolutions remarquables. D'abord, après la Première Guerre mondiale, avec la chute du modèle classique des FP (remise en cause de certains grands principes, surtout celui de l'équilibre budgétaire, début de l'interventionnisme étatique…)
Ensuite, après la Seconde Guerre mondiale, avec la légitimation de l'interventionnisme économique et social de l'Etat, à travers la politique budgétaire notamment (assurer l'équilibre économique au détriment de l'équilibre budgétaire). Enfin, durant les années 1960 et 1970, avec le développement de théories économiques s'opposant à l'interventionnisme de l'Etat, à cause de son inefficacité face aux crises économiques et de nouvelles méthodes de gestion budgétaire, comme celle de la rationalisation des choix budgétaires en France, inspirée du PPBS (Planning-Programming-Budgeting-System) américain, ou la recherche de l'efficacité et de l'efficience dans la gestion publique à travers des réformes à caractère institutionnel.
Aujourd'hui, toutes les réformes budgétaires à travers le monde convergent plus ou moins vers l'adoption du système de Budget de programmes et de performance (BPP).
Et l'Algérie n'est pas en reste, puisqu'elle s'est engagée, depuis une quinzaine d'années déjà, dans une réforme des systèmes budgétaire et comptable de l'Etat, appelée Modernisation des systèmes budgétaires (MSB), visant notamment l'adoption du BPP.
Mais à l'heure où l'on parle beaucoup, en Algérie, de rationalisation des dépenses et d'optimisation des ressources publiques, qu'en est-il de l'avancement du projet de cette réforme et de son application? C'est la question à laquelle nous tâchons d'apporter des éléments de réponse dans cette contribution, et ce, après avoir donné un très bref aperçu sur la notion de BPP, son évolution et son importance.

Notion de BPP et son évolution
La gestion budgétaire de l'Etat est au cœur des évolutions des FP effleurées ci-dessus. Car dans son acception classique fondée sur une logique de moyens et une conception «minimaliste» de l'Etat, le budget de ce dernier était devenu inadapté à l'évolution continue de son rôle et de ses missions (manque d'objectifs clairs, gaspillage des ressources…), ce qui a incité à l'adoption graduelle du BPP, qui constitue en fait la résultante de plusieurs tentatives de réforme du budget classique et la synthèse d'un certain nombre d'expériences visant l'atteinte d'un degré d'efficacité et d'efficience dans la gestion publique s'approchant, si ce n'est comparable, de celui observé dans les entreprises privées (clarté des objectifs, importance des extrants par rapport aux intrants, mesure de performance…) (1).
Le BPP peut être défini comme étant la classification du budget par programmes sectoriels prioritaires, englobant le moyen terme, où les ressources sont affectées selon des objectifs clairement fixés et les résultats mesurés par des critères de performance préalablement déterminés et acceptés. Ainsi, par opposition au budget classique, où les crédits sont spécialisés en chapitres et présentant les dépenses principalement par nature (orienté donc vers les moyens utilisés), le BPP présente les crédits selon la destination des dépenses au sein de missions et de programmes (orienté donc vers les résultats attendus).
La notion de BPP a une histoire relativement longue, puisque l'idée de passer du budget de moyens au budget de résultats remonte au début du 20e siècle, après la tentative d'introduction des méthodes du management moderne dans l'administration publique pour s'assurer de l'exécution efficace et efficiente des missions qui lui sont confiées.
Les Etats-Unis sont les pionniers dans ce domaine. En effet, dès l'année 1912, l'étude menée par la commission Taft préconisait des changements profonds dans les procédures de prévisions budgétaires et de prise de décision. Mais il fallait attendre l'année 1934 pour que ces changements connaissent un début d'application. Par la suite, les recommandations des deux commissions Hoover conduisirent le département de la Défense à adopter un budget de programmes en 1961, suivi ultérieurement (en 1965) par les gouvernements fédéral et locaux. Depuis lors, les Etats-Unis n'ont pas cessé de consolider leur pratique du PPBS.
Actuellement, plusieurs pays ont adopté le BPP et s'attellent à améliorer leurs méthodes de gestion des FP conformément aux principes directeurs de ce système.
Importance du BPP
L'importance du BPP peut être déduite, en premier lieu, à travers les principaux inconvénients du budget de moyens classique, à savoir : i) le budget est limité par le cadre annuel et fondé sur une conception juridique des activités de l'Etat, ii) la séparation entre dépenses de fonctionnement et dépenses d'équipement empêche une bonne affectation des ressources, iii) non-explicitation des objectifs auxquels les crédits sont affectés, iv) le budget est souvent déconnecté des plans de développement de l'Etat, en l'absence de programmation pluriannuelle (contraignante surtout), v) absence de mesure de la performance, vi) procédures budgétaires rigides, rendant difficile la réaffectation des ressources entre les actions ou les programmes en cours d'exercice, vii) les systèmes de contrôle sont souvent caractérisés par leur lourdeur et leur inefficacité.
Ces inconvénients engendrent plusieurs effets négatifs, dont notamment : i) mauvaise allocation des ressources (les dépenses publiques ne concernent pas toujours les secteurs prioritaires), ii) programmation souvent irréaliste, du fait que les ministères sectoriels ignorent au départ les crédits disponibles, à moyen terme surtout, iii) absence de l'obligation de résultats de la part des gestionnaires publics, et, partant, de l'imputabilité effective.
Le BPP vise alors l'élimination de ces inconvénients et l'application des critères de performance suivants pour mettre en rapport les fonds utilisés et les résultats obtenus : i) l'économie : acquisition de ressources aux meilleures conditions de prix et de qualité, ii) l'efficacité : degré des résultats réalisés exprimés en outputs ou impacts, iii) l'efficience : rapport entre les inputs utilisés et les résultats/ impacts visés (ou optimisation des ressources, c'est-à- dire produire le maximum de biens et de services au moindre coût), iv) l'effectivité : réponse aux attentes des parties concernées (citoyens, usagers d'un service public…).
L'importance du BPP réside in fine dans l'amélioration de la transparence (envers les citoyens surtout) et le renforcement de la reddition des comptes sur la gestion publique.
Le BPP implique que l'affectation des crédits à un programme est fondée notamment sur les informations disponibles sur ses objectifs et l'importance de ceux-ci pour l'Etat. Cependant, on ne peut pas parler de budgétisation axée sur la performance juste parce qu'il existe des informations sur la performance dans les documents budgétaires. Si les pouvoirs publics veulent utiliser ces informations lors de la préparation du budget, il leur faut intégrer la performance dans le processus de leurs décisions financières, et non pas se contenter de faire apparaître ses aspects administratifs (2).
Par ailleurs, pour éluder les difficultés posées par les changements brusques et profonds dans la culture administrative et les relations financières entre les entités dépensières et les départements centraux lors de l'application du système BPP, il est possible, au départ, de laisser la liberté à chaque département de développer une méthode adaptée aux spécificités de son activité, et ce, dans le cadre des grandes lignes du système. Mais pour que cela puisse fonctionner, il est nécessaire de déléguer les responsabilités du budget à l'échelon responsable des ressources, c'est-à-dire celui qui a la responsabilité d'exécuter les opérations, tout en lui donnant suffisamment d'incitations et de souplesse pour la réalisation de la valeur équivalente (contrepartie) aux fonds dépensés. A titre d'exemple, en Grande-Bretagne, l'hypothèse de base de ce qui a été appelé «Initiatives de gestion financière» est que le budget est un «contrat de performance» par lequel les départements gouvernementaux s'engagent à réaliser des objectifs déterminés en contrepartie des ressources budgétaires accordées, autrement dit, accomplir des actions équivalentes en valeur aux crédits alloués(3).
C'est la traduction dans la réalité du concept de «value for money», devenu l'une des bases de la préparation du budget et des rapports sur la performance au Royaume-Uni (dans le cadre de la nouvelle gestion publique).
Le système budgétaire en Algérie et le projet de sa modernisation
Avant d'exposer très brièvement le contenu de ce projet, il est utile d'évoquer d'abord et succinctement les principaux inconvénients caractérisant le système budgétaire actuel et justifiant donc sa réforme.
Le système actuel et ses inconvénients
Outre les inconvénients intrinsèques du budget classique (évoqués plus haut), le régime budgétaire algérien est caractérisé par sa quasi-inertie, d'un côté, et son dévoiement, de l'autre. En effet, il a été remarqué non seulement la non-prise en considération des changements (techniques, notamment) apportés au budget de moyens durant la seconde moitié du 20e siècle, (en Europe, surtout) pour essayer de l'adapter aux évolutions dans les domaines économique et financier en général, et dans la gestion publique, en particulier, mais aussi des atteintes aux règles et principes fondamentaux régissant son fonctionnement, comme le passer-outre au principe de l'annualité par le recours abusif aux comptes d'affectation spéciale qui traduit une sorte de démembrement budgétaire, ou les nombreuses manipulations de crédits opérées par la voie réglementaire en cours d'exercice et qui ont pour effet de revenir sur les autorisations budgétaires telles qu'elles ont été données par le Parlement.
Des griefs particulièrement importants relevés par la Banque mondiale (BM) et relatifs à la gestion budgétaire en Algérie méritent aussi d'être signalés. En effet, en posant les questions : «Les pratiques actuelles facilitent-elles une affectation adéquate des ressources entre les secteurs et à l'intérieur des secteurs, ou permettent-elles de répartir les ressources sans une définition suffisamment précise des priorités ? Les ressources publiques sont-elles mises en œuvre de manière efficace et rationnelle, ou trop exposées à favoriser le gaspillage et la corruption (…) ?», la BM a procédé, en 2007, à une évaluation de la gestion budgétaire en Algérie par rapport aux normes internationales en vigueur. Pour ce faire, la BM a utilisé une série de 16 indicateurs portant sur les différentes étapes de la gestion budgétaire.(4)
Cette évaluation (qui reste d'une actualité déconcertante) révèle que l'Algérie ne respecte que 5 des 16 principaux critères de référence, en soulignant que la performance de l'Algérie est particulièrement mauvaise à toutes les différentes étapes de la formulation, de l'exécution du budget, de l'établissement des rapports et de la passation des marchés. Or, la BM et le FMI considèrent que le système de gestion budgétaire d'un pays a besoin d'être considérablement amélioré si moins de sept des critères de référence sont remplis.
La même évaluation relève que ni les comptes budgétaires internes ni les comptes externes ne font véritablement l'objet d'un contrôle et qu'il y a énormément d'interférences politiques de haut niveau dans le suivi des contrôles, ce qui empêche de présenter les cas soulevant des questions de fond ou d'appliquer des sanctions.
Les notes globales obtenues par l'Algérie en matière de gestion budgétaire, suite à cet examen de la BM, sont inférieures à celles d'un pays PPTE (pays pauvres très endettés) moyen, ce qui situe l'Algérie dans le groupe C des PPTE ayant des systèmes de gestion budgétaire moins avancés. Cependant, la BM estime que «si l'Algérie continue de faire de solides efforts dans le cadre de ses réformes budgétaires en cours, l'écart qui la sépare des pays PPTE plus avancés se réduira au cours des trois prochaines années.»
Le rapport de revue de la BM souligne que la mauvaise performance des dépenses d'investissement en Algérie est fortement liée aux insuffisances en matière de gestion des dépenses publiques (DP).
En effet, les dernières évaluations de l'expérience sur le plan international indiquent, selon ce rapport, que la faible performance dans le domaine de gestion des DP met des obstacles dangereux face à la réalisation des objectifs des investissements publics dans plusieurs pays, que l'Algérie ne constitue pas l'exception à la règle, puisque les dysfonctionnements relevés dans son système budgétaire et les obstacles institutionnels ont entraîné systématiquement la mauvaise exécution des programmes d'investissement, et que toutes ces déficiences entraînent une mauvaise programmation (décalage entre la planification budgétaire et les priorités sectorielles) et une surestimation des montants des dépenses, ainsi que l'enregistrement de grands retards et surcoûts lors de l'exécution des projets, reflétant la faible capacité d'exécution des organismes qui en ont la charge.
Le même rapport indique que le suivi et l'évaluation en Algérie se résument dans le contrôle financier par le ministère des Finances, que le suivi technique par les différents organismes d'exécution n'est pas connu, ou il est insuffisant dans les meilleurs des cas, que toute évaluation a posteriori permettant de comparer les prévisions et les réalisations et, a priori, comparer le coût-avantage ou l'efficacité avec la situation réelle est absente, et qu'avec l'étendue des investissements publics, il est temps d'instituer une évaluation systématique des résultats.
Par ailleurs, la BM considère que la réforme budgétaire en cours en Algérie est en bonne voie et que le renforcement des procédures de préparation du budget d'équipement représente l'une des composantes essentielles de cette réforme.
Le projet MSB (Modernisation des Systèmes Budgétaires)
Comme annoncé au début de son élaboration (milieu des années 2000) par le MF, l'objet de ce projet est la modernisation du système budgétaire algérien de façon à renforcer les capacités du MF à s'acquitter de ses fonctions essentielles de gestion des FP et de mise en œuvre de la politique économique de l'Etat.
A cet effet, le projet appuie une refonte complète du système de préparation et d'exécution du budget, permettant d'améliorer notablement les performances en matière de discipline budgétaire, d'affectation des ressources intersectorielles et d'efficacité et d'efficience dans la mise en œuvre des programmes de dépenses des ministères. Après sa mise en œuvre, cette réforme permettra aussi, selon le MF, une meilleure responsabilisation des gestionnaires, comprenant à la fois un assouplissement des contrôles centraux a priori, l'obligation de rendre compte et le renforcement des contrôles de gestion. Le contenu du projet est décliné en deux composantes principales : la composante budgétisation (mise en place de nouveaux systèmes de gestion des dépenses) et la composante informatique et système d'information.
Le projet MSB comprend aussi un volet relatif à la réforme de la comptabilité de l'Etat visant le passage graduel de la comptabilité de caisse, fondée sur l'encaissement et le paiement respectifs des recettes et des dépenses, à la comptabilité en droits constatés, fondée sur le principe de la constatation des droits et obligations, c'est-à-dire la prise en charge comptable des créances et des dettes de l'Etat, ainsi que ses immobilisations (autrement appelée comptabilité patrimoniale).
En outre, ce système entend intégrer les normes comptables internationales pour le secteur public (IPSAS – International Public Sector Accounting Standards), qui vise à améliorer la transparence et l'efficacité dans la gestion publique. L'application effective de ce système permettra la mesure de la performance de l'activité publique, ainsi que la présentation d'informations transparentes sur les finances publiques et le patrimoine de l'Etat. Toutefois, l'application d'un nouveau plan comptable de l'Etat exige la mise en œuvre finale du volet du projet relatif à la «restructuration des procédures d'exécution des dépenses publiques», qui permettra l'enregistrement comptable des droits constatés relatifs aux dépenses dès leur engagement (en temps réel), rendant ainsi l'ordonnateur partie prenante de la fonction comptable.
Le retard dans la mise en œuvre du projet MSB : quid de ses causes ?
Il faut signaler, tout d'abord, que cette réforme budgétaire (projetée) en Algérie ne diffère pas beaucoup de celle déjà appliquée en France. Mais la comparaison entre les deux pays s'arrête là. Car l'approche adoptée en France pour réformer le budget de l'Etat diffère radicalement de celle choisie par l'Algérie.
En effet, l'initiative de la réforme en France a émané du Parlement (en 2000), à travers la proposition d'un projet de loi organique remplaçant l'ordonnance de 1959 relative aux lois de finances et la désignation d'une commission parlementaire pour l'élaboration de ce projet, devenu Loi organique relative aux lois de finances (LOLF), après avoir été votée en 2001. Cette initiative a pu être concrétisée grâce à l'existence d'un consensus politique exceptionnel sur la nécessité de la réforme budgétaire. Ce consensus s'appuyait d'abord sur les travaux de la Cour des comptes et du Parlement portant sur l'utilisation de l'argent public et la transparence en matière budgétaire. De ce fait, l'Exécutif était rendu contraint d'œuvrer à concrétiser le contenu de cette loi dont l'entrée en vigueur était fixée à un délai de cinq ans. Effectivement, à partir de l'année 2006, le gouvernement français a commencé l'application de la réforme budgétaire.
En Algérie, l'initiative est venue, comme d'habitude, du gouvernement seul, qui a ouvert, il y a une quinzaine d'années déjà, le chantier de réforme du budget de l'Etat. Mais l'outil principal de celle-ci, c'est-à-dire la LOLF (déjà prévue par la Constitution de 1996), reste jusqu'à présent inexistant. Et le paradoxe ici réside dans le fait que les autorités concernées considèrent précisément l'absence de cette LOLF comme la cause principale du retard dans l'application de la réforme, mais sans justifier le retard (important) dans la présentation du projet de ce texte au Parlement. Ainsi, est-il constaté que ce dernier n'a joué, jusque-là, aucun rôle dans le projet de réforme (ne serait-ce qu'une question d'un député s'enquérant du sort de ce projet).
Pourtant, la «littérature» du projet MSB souligne particulièrement le rôle agissant du Parlement qui verra ses pouvoirs budgétaires considérablement renforcés, surtout en matière de suivi et de contrôle de l'exécution du budget de l'Etat, et d'appréciation des résultats atteints par les gestionnaires des programmes, ce qui lui permettrait in fine d'exercer un réel contrôle de performance des politiques publiques mises en œuvre par l'Etat (par rapport au contrôle budgétaire a posteriori purement formel qu'il est obligé d'exercer actuellement, via la loi de règlement budgétaire surtout).
D'après le calendrier annoncé par le MF, il a été prévu l'application totale de la réforme budgétaire durant l'année 2009 (sa généralisation à tous les départements ministériels, après son application, à titre d'expérimentation, par certains départements pilotes, à compter de l'année 2005). Mais il fallait attendre l'année 2013 pour que le ministre des Finances annonçât : «Un nouveau système intégré de gestion budgétaire sera mis en place l'année prochaine (2014). L'élaboration de la première loi de finances selon les règles du nouveau dispositif se fera en 2015 (…).»
Selon le même ministre, les services du MF ont avancé sur tous les aspects de la mise en place de ce système, notamment en matière de formation des cadres et d'installation des systèmes informatiques et d'indicateurs qui concernent la diffusion des informations(5).Dès lors, il est légitime de s'interroger sur les véritables causes du retard (notable) dans l'application de cette réforme et sur l'existence d'une réelle volonté de rompre avec une gestion surannée du budget de l'Etat. Et ce n'est pas le vote prochainement du projet de la LOLF (dont l'entrée en vigueur est prévue pour 2022) qui réglerait le problème en l'absence de cette volonté.
Il est vrai qu'une réforme de cette importance exige beaucoup de soin dans son élaboration et la non-précipitation dans son application.
Toutefois, pour démontrer le sérieux des pouvoirs publics quant à la nécessité de la réforme, il aurait fallu adopter une démarche séquentielle en trois ou quatre étapes et suivre rigoureusement sa mise en pratique (bien sûr, après avoir présenté opportunément le projet de la LOLF au vote du Parlement). Cela aurait fait en sorte que l'intérêt de tous les acteurs concernés par l'application du projet MSB, à tous les niveaux, fût grandissant de jour en jour, en ce sens qu'ils fussent convaincus du sérieux de ce projet et de l'inéluctabilité du changement, sachant que la résistance à celui-ci reste l'une des causes réelles du retard dans la concrétisation de la réforme.
A cet égard, il faut rappeler que parmi les piliers sur lesquels est fondé le BPP dans sa conception et surtout dans la réussite de son application, la nécessité de formuler des stratégies claires (expression valorisée du budget de l'Etat) et l'existence d'un système de suivi, de contrôle et d'évaluation efficace, dont la mise en œuvre est du ressort du Parlement, des départements ministériels et des différents services concernés par l'exécution des programmes et activités et les institutions de contrôle de l'Etat (la Cour des comptes, notamment), avec l'obligation d'une totale transparence des résultats des différents contrôles et évaluations (à l'endroit des citoyens, surtout), ce qui implique l'application rigoureuse de la reddition des comptes et de l'imputabilité (aboutissement logique du cycle de gestion).
Mais connaissant le penchant du pouvoir politique en Algérie vers un centralisme jacobin (archaïque) et sa forte présidentialisation (favorisant, entre autres, l'accaparement du pouvoir financier par l'Exécutif), et sachant que les décideurs et les gestionnaires publics restent encore assez mal imprégnés de la culture de gestion par objectifs, ce qui les rend allergiques à tout ce qui est contrôle et évaluation effectifs (de la performance) et peu enclins donc au respect du principe de rendre des comptes, il est d'ores et déjà possible d'avoir une idée sur l'ampleur des difficultés que rencontrerait l'application du projet MSB et son succès surtout.

Par Dr Mohamed Messaï
Faculté des sciences économiques, commerciales et de gestion- université Kasdi Merbah, Ouargla


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