L'Algérie ne forme pas en fonction des besoins du marché économique. Il y a une inadéquation entre l'offre en termes de qualifications et la demande des employeurs et des entreprises. C'est désormais le constat que font aujourd'hui beaucoup d'experts et d'universitaires. Ceux invités hier au forum d'El Moudjahid à une table ronde axée sur « l'université : la finalité de la formation et sa mise en adéquation avec le marché, l'impact des mesures portant réforme dans le secteur » confirment cette situation. Mme Fadila Berkal, PDG de l'Entreprise nationale des systèmes informatiques (ENSI), résume cette « inadéquation » entre l'université et l'entreprise par deux paramètres. D'après elle, il y a d'une part beaucoup de formations qui ne correspondent pas aux besoins du marché et d'autre part, le niveau de formation ne correspond pas aux employeurs. Mme Berkal regrette l'absence d'un état des lieux dans le secteur. Elle estime que toutes les réformes engagées dans le secteur éducatif dans son ensemble ne se sont pas basées sur la demande du marché. Mohamed Cherif Belkessam, PDG de l'Ecole supérieure de gestion (ESG), est du même avis. « Les réformes que les pouvoirs publics ont engagées sont encore dans les bureaux, on n'a pas associé les syndicats et les experts. C'est la surenchère qui est développée considérablement pas les entreprises », regrette-t-il. M. Belkessam déplore, par ailleurs, le fait que depuis le début du processus de la relance économique, paradoxalement il y a de la surenchère par rapport aux qualifications. Cet universitaire plaide à partir de ce constat pour une véritable réforme du système éducatif dans son ensemble où, dit-il, seront impliqués les véritables acteurs : les organismes de formation, les syndicats, les opérateurs économiques et les experts. Pour cet universitaire, « il faut s'attaquer à l'ensemble des éléments du processus du système éducatif ». Parlant de Sonatrach, M. Belkessam regrette que cette entreprise perde beaucoup de ses agents. « En l'espace d'un mois, Sonatrach a perdu une centaine de foreurs », a-t-il révélé. M. Belkessam cite un autre phénomène : le vieillissement des cadres. Le conférencier regrette la fuite des cadres algériens vers l'étranger. Il cite la déclaration de l'ambassadeur du Canada à Alger qui aurait déclaré que sur 50 000 Algériens recensés dans son pays, 95% sont qualifiés. A ce titre, le PDG d'ESG se demande si les acteurs du marché de l'emploi ont préparé la relève car, à ses yeux, de nos jours, c'est très difficile de trouver une main-d'œuvre qualifiée. Dans ce sillage, M. Belkessam regrette l'interdiction faite par le ministère de la Formation et de l'Enseignement professionnels aux instituts de formation privés de disposer des formations en dehors de la nomenclature du secteur. A noter que des décrets exécutifs dans ce sens ont été promulgués depuis 1999, mais le cadre légal est toujours inexistant. « Nous sommes victimes d'une logique administrative, mais pas d'une logique économique », a-t-il estimé. Il relève le paradoxe entre celui d'être obligé de répondre à la demande de l'entreprise et cet interdit du ministère. M. Belkessam plaide en outre pour la création de comités de branches professionnelles à l'échelle régionale qui vont être de véritables régulateurs de l'offre et de la demande en termes d'emploi. De la même manière, il propose à ce que les obstacles linguistiques soient levés et de développer les formations multiculturelles. « Il faut lever les tabous, il faut aller vers le multilinguisme », selon cet universitaire qui propose aussi aux opérateurs économiques de travailler en réseau. Il voit également la nécessité d'introduire dans l'enseignement le système dual, une espèce d'alternance entre l'école et l'entreprise. Il trouve exemplaire le système appliqué par les CHU. « Le cas des CHU est un bon système dual, pourquoi ne pas le généraliser à toutes les écoles managériales ? », s'est-il interrogé. Pour Mme Fadila Berkal, c'est d'un système de corrélation entre les formateurs et les employeurs qu'il faut. Elle appelle à valoriser les petits métiers.