Dans cette école, les enfants n'apprennent ni à lire, ni à écrire, ni, a fortiori, à compter, puisque les apprentissages fondamentaux qu'elle assure sont d'une toute autre nature. Ils sont de l'ordre de la survie pour un enfant normal qui apprend naturellement. Mais à l'intérieur de ce lieu, on ne survit pas, loin s'en faut. On vit et on s'épanouit au gré de ce qui, peu à peu, est arraché à la cruelle emprise de la déficience mentale, sauf peut-être pour 4 autistes, emmurés dans l'isolement d'un monde à part. C'est alors le dur pari d'apprendre à des êtres démunis à devenir quelque peu autonomes, par exemple pouvoir manger tout seul, lacer les chaussures, maîtriser l'espace et le temps et connaître son moi. Ici, ce sont de considérables acquis que d'arriver à 8 ans, en classe d'éveil, à maîtriser trois couleurs primaires, la latéralisation (gauche-droite), la notion du nombre 1 ou 2 et l'écrire. Dans cette école, l'âge n'a pas de sens, il ne correspond pas à l'apparence physique. On est enfant, même si l'on est adolescent ou adulte. La psychomotricité est alors un travail de tous les jours, un travail incessant, toujours repris. Ici, l'affectivité est à fleur de peau avec toute l'innocence du monde brillant dans les yeux. Vous pénétrez dans une salle et il y a immanquablement 2, 3 à 4 enfants-adolescents ou enfants-adultes qui vous tombent dans les bras comme s'ils vous connaissaient depuis longtemps. Dans cet établissement, ils sont au nombre de 45. Bien que l'on veuille en accueillir d'autres dont les demandes sont en instance, mais que faire faute de places et de moyens ? Il reste que l'existence de ce centre de jour pour la prise en charge des déficients mentaux à Beni Saf est l'initiative d'une ONG locale et c'est un bel exploit. Ce projet, réalisé malgré toutes les mauvaises volontés, est le résultat de l'engagement de l'association Sidi Boucif pour la défense des droits du handicapé ainsi que de la pugnace Soussi Nacéra, sa présidente. C'est également celui de 8 éducateurs et 5 aide-éducatrices, tous du pré-emploi, apprenant sur le tas leur métier, mus par la foi du charbonnier et leur volonté de bien faire avec également le soutien d'associations d'autres wilayas comme celui de l'APC et de la wilaya. Avec la solidarité agissante des handicapés (sourds-muets, aveugles, handicapés moteurs) que regroupe l'association au sein d'une coopérative de confection et de maroquinerie créée avec un soutien financier de l'Union européenne à hauteur de 80%, leur microentreprise affecte une partie de ses gains aux besoins de fonctionnement du centre. Dommage qu'en leur direction, les organismes publics et les entreprises ne leur donnent pas la préférence en s'approvisionnant chez eux pour tout ce qui est tenues de travail (blouses, tabliers, bleu de chauffe, etc). Pourtant, leurs prix sont imbattables. Alors, le centre vivote avec ce que rapporte la convention passée avec la CNAS. « Il y a malheureusement peu de portes qui s'ouvrent… », avoue Nacéra avec un sourire triste. Dans ce contexte, le plus concerné de tous, le ministère de la Solidarité nationale en l'occurrence, a plutôt regardé du côté des clubs de football. A ces derniers, il a accordé des microbus alors que le centre assure le ramassage de ses pensionnaires comme leur retour chez eux en fin de journée avec un vieux microbus, dont l'achat, puis les pannes ruinent le budget du centre. Quant à sa bâtisse, une école désaffectée équipée au départ grâce à un don du Canada, elle accuse un urgent besoin de grosses réparations. Besoin de jouets ? « Surtout pas de jouets, merci, nous ici, nous privilégions les activités, celles qui travaillent des aptitudes pour installer des capacités et des compétences. Non, le jouet isole l'enfant », explique la présidente de l'association.