La fête de l'Aïd El Adha approche à grands pas. Cette semaine sera cruciale aussi bien pour les éleveurs que pour les consommateurs. A quelques jours de cette fête, prévue le 30 décembre 2006, la spéculation à Alger bat en brèche le mécanisme traditionnel de l'offre et de la demande au niveau du marché des ovins. Certes, l'offre ne risque pas de poser problème — le nombre de têtes d'ovins avoisine cette année les 19,5 millions — pour satisfaire la demande mais c'est au niveau des prix que le marché semble manquer de régulation. L'absence du contrôle capable d'agir sur l'offre et la demande a déjà un effet négatif sur les premiers acheteurs, du moins ceux du nord du pays, en particulier les petites bourses qui se donnent toutes les peines pour célébrer la fête du sacrifice. Un simple tour dans les différents points de vente de bétail de la capitale laisse apparaître, au grand jour, la nuisance des spéculateurs. Comme chaque année, des marchés informels naissent à travers les localités et les quartiers d'Alger sans que les concernés ne lèvent le petit doigt. Depuis quelques jours, que ce soit aux abords des routes, dans les parcs et jardins publics et même dans les magasins, la vente de bétail attire « les engraisseurs » des Hauts-Plateaux en quête de gains substantiels. Et cela n'empêche pas aussi - comme à l'accoutumée- la prolifération de faux maquignons. Ces derniers, qui occupent certains endroits de la périphérie d'Alger, mettant à mal le cadre de vie des citoyens, saisissent cette occasion pour imposer leurs règles sur le marché. Ainsi, au lieu que les consommateurs achètent directement chez l'éleveur, ils ont affaire à des intermédiaires qui gonflent en conséquence les prix. Dans les principaux points de vente des quartiers d'Alger l'on constate que les prix tendent systématiquement vers l'augmentation. L'aubaine Alors que dans les marchés des Hauts-Plateaux, à Djelfa notamment, les prix sont relativement stables. A Alger, le mouton que proposent les éleveurs à Djelfa à 17 000 DA frôle les 24 000 DA, soit une plus-value de 7000 DA. En effet, à moins d'une semaine de la célébration de l'Aïd El Adha, les prix des moutons à Djelfa semblent abordables cette année comparativement aux envolées de l'année précédente. Au fur et à mesure que le jour du rituel approche, c'est le rush des citoyens vers les marchés à bestiaux de cette localité des Hauts-Plateaux. La tension montait d'un cran chez les citoyens n'ayant pas encore acheté de mouton, mais aussi chez les fournisseurs venant des régions du nord du pays. Si pour certains il était temps d'acheter leur bête et éviter ainsi les déboires des achats de dernière minute, pour d'autres, l'Aïd est une aubaine pour gonfler leurs bénéfices. A Messaïd, l'un des marchés les plus importants de la région, nous avons constaté que les prix ont relativement baissé comparativement à l'année dernière. « Le cheptel est à son plus bas prix depuis une dizaine d'années », selon un éleveur de la région. Selon certains habitués du marché ovin, la baisse des prix est due à la sécheresse et à la rareté des parcours ayant une incidence sur les coûts de l'alimentation du bétail. Les béliers de boucherie sont vendus entre 17 000 et 25 000 DA, les agneaux coûtent entre 13 000 et 15 000 DA. On pouvait même s'offrir un mouton à 12 000 DA. Bien sûr, il y en a plus chers, pouvant atteindre 28 000 DA, voire plus, mais d'une manière générale les prix sont assez abordables. Cette tendance à la baisse est également observée au chef-lieu de la wilaya de Djelfa. Les prix semblent raisonnables. Un mouton de 20 à 35 kg est cédé à moins de 18 000 DA, tandis que l'année précédente il n'était pas vendu à moins de 25 000 DA. Pour les moutons de plus de 25 kg, les prix ne dépassent guère les 25 000 DA. Une situation qu'expliquent les éleveurs de la région par la répercussion de la sécheresse qui a, selon eux, réduit considérablement les espaces du parcours végétal. Ce qui les a contraints, à entendre certains d'entre-eux, à libérer leurs troupeaux, même à moindre prix, pour prendre en charge la facture financière induite par l'achat de l'aliment de bétail. Cette année, en raison du manque de pâturage, l'aliment de bétail a subi une forte flambée des prix. Le coût de l'orge a atteint les 2300 DA/q alors que chez l'Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) il est cédé à 1400 DA. Le son est cédé chez les revendeurs du coin à 1800 DA/q et le blé à 2100 DA/q. Alors qu'une tête consomme entre 600 à 1000 DA/mois. Le marché de l'aliment de bétail constitue aussi un enjeu important pour certains revendeurs sans scrupule pour réaliser des gains faciles. L'aliment de bétail est revendu, dit-on, 5 à 6 fois avant d'atterrir chez l'éleveur. Ainsi, pour parer à ce marché informel, les éleveurs de Djelfa demandent aux pouvoirs publics de multiplier le nombre de fournisseurs dans leur région. « Pour la distribution des produits de l'aliment de bétail, un seul fournisseur de l'OAIC pour les 36 communes de Djelfa ne suffit pas », reconnaît le président de l'union des éleveurs de Djelfa, Hadj Mohamed Belatreche, qui souligne également la nécessité de réguler la vente de l'aliment de bétail. Cet important éleveur de Djelfa lance ce qu'il qualifie de « cri de détresse des éleveurs » de la région. M. Belatreche demande à l'Etat de s'intéresser davantage à l'élevage comme il l'a fait pour l'agriculture. « L'Etat doit soutenir l'élevage comme il a soutenu l'agriculture », selon lui. Et pour cause, le cheptel subit des pertes énormes et le métier d'élevage risque de disparaître. C'est ce que confirme M.Belatreche. Selon lui, près de 20% d'éleveurs ont abandonné, ces dernières années, la profession à cause des déboires qu'a connu le métier d'élevage. Un éleveur au nom de Hadj Tahar abonde dans le même sens : « La vocation de la région c'est l'élevage, l'Etat devrait penser à sa préservation », dit il, regrettant d'avoir liquidé la moitié de ses brebis à cause de la cherté de l'aliment de bétail. « La facture déboursée par l'Etat pour l'achat de la viande congelée doit être utilisée pour le soutien de l'éleveur », selon celui-ci qui demande le soutien de l'Etat pour la commercialisation de leur cheptel. La wilaya de Djelfa compte actuellement environ 30 000 éleveurs pour un nombre compris entre 2,5 à 3 millions de têtes ovines et bovines. Le cheptel ovin national a été également durement touché cette année par la maladie de la blue tongue — ou fièvre catarrhale ovine (FCO) —, un virus transmis par les moustiques. « Il y a eu des éleveurs qui ont perdu jusqu'à 500 têtes au cours de cette année », atteste Hadj Belatreche. Celui-ci appréhende aussi une autre maladie qui se manifeste, selon lui, par des ganglions pleins de pus. « On veut savoir l'origine et le traitement de cette maladie », demande cet éleveur. Autre fait marquant, les éleveurs des wilayas des Haut-Plateaux, du fait de la sécheresse qui sévit sur les régions steppiques, plusieurs éleveurs - ceux ayant les moyens- de la région ont dû acheminer leurs brebis vers Béchar pour les sauver. M. Belatreche critique l'implication des communes dans la gestion des parcours steppiques, cela sans omettre d'apprécier le travail du Haut commissariat pour le développement de la steppe (HCDS) qui a fait, selon lui, des « miracles » dans la région. Pour lui, il y a des communes qui mettent tout leur territoire en défens sans consultation des éleveurs. Le DAG du HCDS, M. Kacimi, ne l'entend pas de cette oreille. Pour ce dernier, si l'Etat n'a pas opté pour cette stratégie, on n'aurait jamais pu sauver trois millions d'hectares de la steppe. Pour ce responsable, l'Etat est en train de mettre en place les premiers jalons de l'organisation des parcours, rappelant la récupération dans la région de près de 900 millions de m3 d'eau sur 2,5 milliards possibles en six ans. M. Kacimi juge raisonnables les prix pratiqués dans les marchés à bestiaux de Djelfa. « Le marché du cheptel est en train de se réguler », selon lui. Il estime que c'est la spéculation qui a augmenté les prix du cheptel durant ces dernières années. Djelfa De notre envoyé spécial