Les chevillards et bouchers rencontrés tôt dans la matinée de jeudi dernier dans l'enceinte de l'abattoir du pont des Fusillés à Alger, considéré comme le plus important de la région centre, qui effectuent habituellement le tour des marchés à bestiaux et fréquentent souvent les éleveurs de l'intérieur du pays, nous ont révélé qu'à l'approche de l'Aïd, le prix du mouton sur la place d'Alger oscille entre 25 000 et 35 000 DA alors que la fourchette de l'année précédente oscillait entre 20 000 et 30 000 DA «Une hausse minimum de 5 000 DA», soutiennent nos interlocuteurs. Ce qui n'est pas sans faire fléchir plus d'un père de famille car les prix actuels représentent le double du salaire d'un smicard. L'autre catégorie de salariés aux revenus mensuels ne dépassant pas 25 000 DA se retrouve également dans l'incapacité de réunir le prix d'un mouton abordable, c'est-à-dire de poids moyen. A ce sujet, nos interlocuteurs nous expliqueront : «Que l'on se rende à El Harrach, Hussein Dey, Kouba, Alger-centre, Raïs Hamidou ou ailleurs, les prix sont quasiment identiques. La variété des coûts est définie essentiellement par le critère du poids des ovins, mais aussi par la qualité et les prix d'achat par les maquignons aux éleveurs». On apprendra en effet que les maquignons s'approvisionnent généralement de l'intérieur du pays, des Hauts Plateaux et de la steppe notamment. «Les béliers de la steppe restent cependant plus chers. Cette catégorie, très prisée, se fait de plus en plus rare ; elle a toujours attisé la convoitise des contrebandiers», nous a indiqué un de nos interlocuteurs. Autre indication qui nous a été donnée, toujours lors de notre passage à l'abattoir du Ruisseau, le gonflement conjoncturel de la demande en ovins à sacrifier pour l'Aïd engendre chaque année un déstockage massif du cheptel ovin préparé à cet effet par les maquignons qui accroissent l'offre, laquelle s'accompagne paradoxalement de celle des prix. Une offre qui, selon le département production animale auprès du ministère de l'Agriculture et du Développement rural, repose sur une structure identifiée. D'après cette source, ce sont les agneaux qui dominent dans la structure des ventes durant l'année. Par contre, durant les fortes périodes de consommation, ce sont les antenais et les béliers qui sont prisés. Et clair, c'est c'est au printemps (mars-avril-mai) que l'offre ovine est la plus élevée sur tous les marchés (Djelfa, Blida, Alger). Les agneaux d'hiver au mieux de leur conformation et la fête de l'Aïd (quand elle a lieu à cette période) concentrent l'offre sur deux mois. Les maquignons stockent pendant trois mois auparavant (ils ont réussi à le faire vu la bonne couverture végétale de la steppe) et libèrent l'offre à cette période. Ceci est l'explication de la tutelle sur la structure du marché ovin. Mais sur le terrain que s'est-il passé cette année ? Selon les responsables de l'abattoir du pont des Fusillés, la demande a reculé durant le deuxième trimestre de cette année et pour cause «une grande partie des éleveurs ont préféré garder leur cheptel, car d'une part, les zones de pâturage ont été denses en herbe suite à une bonne pluviométrie enregistrée en hiver et au printemps derniers et, d'autre part, à la baisse des prix des fourrages et d'autres aliments (surtout l'orge) d'accompagnement pour l'engraissement des bêtes qui, cette année, s'est fait à moindre coût». Par ailleurs, «cette stratégie adoptée par les éleveurs aurait pour but d'accentuer le poids vif des bêtes en vue d'en tirer un meilleur profit d'autant que les pâturages sont fournis et de surcroît gratuits», nous a-t-on souligné. Du coup, c'est l'offre en bovins et en ovins qui est en net recul et, par effet d'entraînement, les prix sur les étals se sont maintenus à des niveaux élevés comme cité plus haut. Une rétention de l'offre sur le marché au dessein de maintenir la pression jusqu'à l'Aïd El Adha. Un dérèglement donc dans le circuit de commercialisation des bêtes sur pied. Et si toutefois les prix des ovins tout comme ceux des bovins sont libres, conformément à la loi, l'organisation du marché de la viande relève strictement de l'Etat. Lequel continue d'être absent sur le terrain, donnant ainsi libre cours à la spéculation. C'est dire toute l'importance de mettre en place au plus vite un mécanisme de régulation du cheptel. Une option adoptée par les pouvoirs publics mais qui tarde à se concrétiser sur le terrain. Dès lors, une question s'impose : Quand est-ce que le prix du mouton deviendra abordable pour une grande majorité des Algériens ? Certainement pas pour cet Aïd… D'ici à 2011, peut-être. Z. A.