Une centaine d'imams a fait l'objet de mesures disciplinaires l'an dernier, selon le quotidien arabophone El Khabar. La plupart d'entre eux ont été « sanctionnés » par le ministère des Affaires religieuses pour « apologie, propagande et politisation des prêches ». On peut aisément deviner qu'il s'agissait d'abord et avant toute chose de propagande intégriste à laquelle le ministère lui a préféré le vocable de « politisation ». On apprend aussi par le biais de ce même journal que sur les 22 000 imams que compte le pays, une centaine d'entre eux, en moyenne, est ainsi « rappelée à l'ordre » chaque année, pour de tels « dépassements ». Encore faut-il préciser que ces chiffres sont, sans doute, « partiels » et bien en deçà de la réalité. Car ces dernières années, surtout depuis la loi sur la concorde adoptée en 2000, il est loisible de constater que pour la capitale seulement, certaines mosquées, qui étaient jadis, au début des années 1990, des bastions de l'intégrisme, sont redevenues des lieux de culte « très courus », en raison des prêches virulents de certains imams, à l'encontre des femmes de la jeunesse dépravée, de l'Occident impérialiste, etc. Des croyants mal informés, ou dont la culture en général et religieuse en particulier souvent limitée, se laissent parfois abuser par ces prêcheurs trop zélés. D'autant que l'Etat ne fait rien ou presque pour assurer une formation d'imams de qualité ouverts sur les réalités et sur la modernité. Il est donc normal, en vertu du principe déjà malheureusement prouvé, que la nature a horreur du vide, que de tels dépassements et excès soient encore possibles, même si aujourd'hui de plus en plus de citoyens rejettent les appels à la violence dans les prêches. La responsabilité des pouvoirs publics Mais au-delà de ces chiffres, force est donc de constater qu'une quinzaine d'années après la tragédie qu'a vécue le peuple algérien du fait de la propagande intégriste diffusée par le FIS et relayée durant des années par les milliers de mosquées et salles de prière, qui étaient sous contrôle, on n'a pas encore tiré les enseignements sur l'enjeu que représente les lieux du culte. Car l'affaire ne se résume pas en termes de « contrôle politique » de ces endroits de prières par le pouvoir politique. Il faut reconnaître, malheureusement, que très peu de choses ont été faites pour rendre ces lieux de prière accueillants pour les fidèles. Beaucoup de mosquées sont encore à l'état de chantier, à l'instar de la mosquée Dar El Arqam, située non loin du complexe olympique Mohamed Boudiaf à Alger. Elle est depuis une vingtaine d'années au moins sous les grues et ses minarets ne parviennent toujours pas encore à la hauteur désirée. La plupart de ces lieux de culte ne bénéficient même pas des commodités les plus élémentaires. La responsabilité des pouvoirs publics est pleinement engagée à ce niveau. En matière de formation d'imams et d'encadrement religieux de qualité ouvert sur le monde et les réalités nationales de l'ensemble de ce département des affaires religieuses, tout est à faire. On se rend compte de cette réalité à l'occasion de la veille de chaque Ramadhan ou d'Aïd à la télévision. Ce sont pratiquement les mêmes personnalités religieuses, depuis plus de 40 ans et dont la moyenne d'âge est de plus de 60 ans, qui défilent sur notre écran pour nous expliquer les vertus du jeûne ou la nécessité du sacrifice du mouton... Avouons que dans un pays où près de 70% de la population a moins de 35 ans, cela est pour le moins paradoxal ! Les potentialités existent, elles sont mal exploitées à l'image des médias lourds et des émissions religieuses diffusées par la télévision nationale. Pendant longtemps, celles-ci ont été « mal ficelées », ne parvenant jamais à sortir des lieux communs, même si depuis peu des efforts timides sont faits à la télévision nationale, sous la pression sans doute de la concurrence de nouvelles chaînes arabes. Tandis que l'éducation religieuse, introduite depuis des années à l'école, est toujours enseignée de la manière des plus traditionnelles qu'il soit : elle se limite uniquement à l'apprentissage du Coran comme on le faisait il y a des siècles. On semble ignorer les nouveaux supports audiovisuels, DVD, internet, etc. Comment peut-on alors s'attendre que les fidèles qui fréquentent les mosquées aient la culture religieuse et civilisationnelle que sous-tend leur foi ?