Dans son périple à l'intérieur du pays visant à galvaniser les troupes du RND, en perspective des législatives de 2007, Ouyahia a pris pour cibles privilégiées la presse et les démocrates. Le ton qui se voulait ironique cachait mal la perfidie des mots et de leur portée. Le groupe de citoyens qui a réagi hier à ses accusations « Les démocrates ne sont pas des camelots » lui a rappelé que si la démocratie est en panne en Algérie, c'est bien en raison de la batterie de verrous posés par les gens du pouvoir, dont lui. La liste citée est longue, citons le verrouillage de l'audiovisuel public, le harcèlement contre les libertés d'expression et syndicales, le bourrage des urnes, la transformation des institutions en caisses de résonance, le règne de l'opacité politique dans le pays, etc. Le 18 décembre dernier, à Mostaganem, Ouyahia « conseillait » à ses militants « de s'attirer les bonnes grâces » des journalistes en leur offrant un repas ou une bon d'essence. Cette fois-ci, il avait franchi un autre pas, des plus intolérables, en mettant la presse en position de corruptible. Certains organes de presse avaient exprimé leur indignation, la plupart ont préféré le silence méprisant vis-à-vis de l'ancien chef du gouvernement, connaissant aussi bien son aversion profonde pour la presse critique que sa culture antidémocratique. N'a-t-il pas été, au printemps 2001, au moment où il était le second patron de l'Exécutif, le maître d'œuvre de la révision du code pénal ? Le prétexte était d'introduire des dispositions répressives en matière de diffamation, l'intention inavouée était de restreindre considérablement l'expression démocratique. Le bras de fer entamé à l'époque par les intellectuels et les journalistes n'avait pas abouti au retrait du texte, car l'Algérie entrait dans une ère de durcissement de l'activité politique, journalistique et syndicale. S'il n'a pas été un homme de la décision, Ouyahia a joué un rôle majeur à sa périphérie du pouvoir. Il a accepté tous les rôles, y compris les plus antipopulaires, comme de mettre à la porte durant la décennie 90 des dizaines de milliers de cadres des entreprises locales alors que sévissait la paupérisation sous le double effet de la chute des ressources financières et du terrorisme. Créé en pleine tourmente terroriste, à l'initiative de Zeroual, pour renforcer le camp patriotique et républicain, le RND a fini par perdre cette vocation. Allié à un parti islamiste, le MSP, et à une formation conservatrice, le FLN, le parti conduit par Ouyahia a fini par ne jouer qu'un rôle de sous-traitant d'une politique décidée par le président de la République et lui seul. Lorsque Ouyahia voulut contester à Bouteflika quelques points constitutionnels, il fut carrément vidé de son poste. L'ordre des choses étant qu'il regagne les rangs de l'opposition ou, au minimum, qu'il s'efface, il a choisi cependant de rester dans les rouages du pouvoir, vantant les mérites du chef de l'Etat, avec pour consignes de diaboliser deux cibles, les démocrates et les journalistes. Est-ce de la « haute voltige » politique dans la perspective de la présidentielle 2009 ou une lamentable fin de règne ?