Depuis sa naissance, le Rassemblement national démocratique (RND) a traversé plusieurs zones de turbulences. Deux crises sérieuses l'ont secoué et ont failli provoquer son éclatement, voire sa disparition. Il a été sauvé in extremis. Aujourd'hui, les militants et les cadres de cette formation clament haut et fort que le RND se porte bien. « Tout va bien à la maison RND », dira l'un de ses députés. Créé en février 1997, le parti se voulait « rassembleur ». Sa direction était issue essentiellement de l'administration. Cependant, il a vite rallié les membres de la « famille révolutionnaire », les victimes du terrorisme, les femmes, etc. Ses membres fondateurs ont, selon des observateurs, voulu tout simplement mettre au monde un nouveau parti et le mettre à la disposition du pouvoir en proie à une grave crise politique. Le pouvoir, faut-il le rappeler, fut incarné à l'époque par le général président Liamine Zeroual. Toutefois, un parti « préfabriqué », créé pour gérer une situation bien particulière, pourra-t-il vivre longtemps ? « C'est en tant que patriotes et démocrates, mus par le sentiment de fidélité envers la patrie, de dévouement au peuple, d'attachement aux valeurs pour lesquelles se sont sacrifiés les martyrs d'hier et d'aujourd'hui (...), que nous proclamons la naissance du Rassemblement national démocratique », a proclamé, le 21 février 1997, Abdelkader Bensalah, ancien président du Conseil national de transition (CNT) et actuellement président du Conseil de la nation, lors d'une conférence de presse à l'hôtel El Aurassi, à Alger. Ancien militant du FLN, Abdelkader Bensalah a été choisi par ses pairs pour diriger le parti qualifié à l'époque de « bébé à la moustache ». Sollicité pour connaître le parcours, les objectifs et les perspectives du RND, un député, rencontré dernièrement à l'APN, fera remarquer, avec un air sérieux, que « les militants du RND sont disciplinés, ils exécutent à la lettre les directives de M. Ouyahia ». « En ce qui nous concerne, nous respectons les limites tracées par le secrétaire général qui est un grand homme. Il est charismatique et nous avons confiance en lui », a-t-il ajouté. Ce député, qui a préféré garder l'anonymat, s'est lancé dans un long discours panégyrique à l'égard de son supérieur, Ahmed Ouyahia. Pour ne pas s'étaler sur le projet et les activités de son parti, notre interlocuteur s'en est tiré par des pirouettes. Le parlementaire, pour ne pas contrarier ses responsables, n'a soufflé mot sur la face cachée du Rassemblement. « Le linge sale se lave en famille », dit l'adage. Il s'est contenté d'affirmer que le RND a un porte-parole, Miloud Chorfi, en l'occurrence, et c'est à lui que doivent s'adresser les journalistes pour avoir une quelconque information. Ainsi, ce député a décliné notre invitation. D'ailleurs, nombreux sont les députés du RND qui partagent l'opinion d'après laquelle les cadres du parti redoutent les foudres du secrétaire général. Ce n'est toutefois un secret pour personne. Sollicité, Miloud Chorfi, ancien journaliste à la télévision d'Etat, s'est dit disponible à répondre à nos interrogations et dans le moindre détail. « Ahmed Ouyahia est le secrétaire général du parti et moi, en ma qualité de porte- parole, je suis le seul habilité à parler au nom du RND. » Cette précision a été faite après notre plainte auprès de M. Chorfi, quant au refus des militants de cette formation de se prononcer sur les aspects internes du Rassemblement. Cependant, M. Chorfi ne semblait pas disposer de beaucoup de temps. « J'ai un calendrier chargé ces derniers jours », nous a-t-il fait savoir. Selon ses dires, il devra sillonner les villes du pays pour expliquer à la population « le bien-fondé » de la charte pour la paix et la réconciliation nationale. « Nous sommes pour la stabilité du pays. Le RND adhère pleinement à ce projet qui est l'émanation de la volonté populaire. Le citoyen algérien, y compris les victimes du terrorisme, se sont prononcés en faveur de ce texte », explique M. Chorfi. A propos de cette question, les remarques de Mme Fatma- Zohra Flici, députée et présidente de l'Association des victimes du terrorisme sont, en tous points de vue, importantes. Mme Flici a intégré les rangs du RND dès sa création. Ce fut, pour elle, « le seul espace qui répondait aux aspirations de l'association en matière de lutte contre le terrorisme ». Mme Flici, unique femme députée du RND, a soupiré avant de répondre, de façon vague : « Je n'ai rien à dire. Nous avons été mis devant le fait accompli et face à un telle situation, nous n'avons d'autre alternative que d'obéir à notre secrétaire général que nous respectons tous », affirmera-t-elle, à l'évidence peu convaincue de son choix d'abord et de ceux de son parti ensuite. Interrogée sur le pardon accordé aux tueurs de son époux, elle a réitéré sa fameuse phrase : « Nous avons tourné la page sans la déchirer. » Une belle formule au demeurant, mais le mal est beaucoup plus profond. Au RND, la plupart des militants n'aiment pas « fâcher » M. Ouyahia. L'homme est imperturbable dit-on. Ils adhèrent pleinement à toutes ses initiatives et se disent satisfaits de sa gestion que ce soit à la tête du RND ou bien du gouvernement. Comme « une entreprise privée » Nul n'ignore que la création du RND était un projet dont rêvait le défunt Abdelhak Benhamouda. Il avait fait, d'ailleurs, sa promotion et avait même tracé ses contours. Malheureusement, le destin en avait décidé autrement. Benhamouda meurt, assassiné le 28 janvier 1997, près d'un mois avant la création du parti. Le secrétaire général de la Centrale syndicale avait emporté avec lui ses ambitions et peut-être les rêves de tout un pays. Cependant, un grand nombre de syndicalistes, ayant partagé la vision de M. Benhamouda, ont rejoint le parti. Une année après sa naissance, le RND qui se proclamait de « l'opposition positive » traverse une période difficile. Ce fut le premier vent de contestation qui a secoué le parti. Le conflit entre les députés et le secrétaire général, M. Bensalah avait débouché sur l'éviction de ce dernier. Les responsables du RND organisèrent, quelques mois après, le premier congrès du parti. Les congressistes ont intronisé Mohamed Tahar Benbaïbèche, ancien responsable de l'Organisation nationale des enfants de chouhada. Ses principaux rivaux, le général Mohamed Betchine et Mokdad Sifi, deux personnages qui ambitionnaient de se présenter à l'élection présidentielle, s'étaient retrouvés sur le carreau. Sept mois après, M.Sifi a contesté la composante du bureau national du RND. Il avait fustigé Ahmed Ouyahia, tout en dénonçant sa gestion des affaires politiques et économiques du parti. L'ancien chef de gouvernement est allé jusqu'à demander le changement du bureau national, tout en appelant à la consolidation des rangs pour permettre au parti de gagner la crédibilité en prévision de la future échéance présidentielle. La démarche avait échoué et Mokdad Sifi démissionne du bureau. En 1999, un autre putsch se pointe à l'horizon. Deux clans se sont constitués au sein du parti. Entre les fidèles de la ligne de Mohamed Tahar Benbaïbèche et les partisans de Abdelaziz Bouteflika, c'est le début des hostilités. Mais ce fut ces derniers qui ont finalement réussi à renverser la vapeur en leur faveur. Le Conseil national s'est alors réuni et a décidé de retirer sa confiance à M. Benbaibèche, d'écarter les fraudeurs et d'octroyer le poste de secrétaire général à Ahmed Ouyahia. Ainsi la prise des commandes par M. Ouyahia permettait inévitablement à M. Bouteflika de bénéficier légalement de la caution morale du RND. Le RND « n'est pas un parti préfabriqué » Un membre écarté a avoué que ce qui s'est passé le 27 janvier 1999 ne l'a pas surpris. « Cela confirme le recours aux méthodes putschistes que les sphères du pouvoir ont toujours fait valoir en période d'impasse », a-t-il estimé. Au début de l'année 2002, une autre crise éclate au sein du RND. Ouyahia aurait reçu des instructions pour démissionner de son poste de SG. On lui aurait reproché « sa manière de gérer le parti comme une entreprise privée ». Connu pour son orgueil, M. Ouyahia démissionne de son poste. Mais une semaine après, il revient sur sa décision en déclarant qu'« il est revenu pour assumer un devoir et qu'il avait surtout répondu aux réclamations de ceux qui l'ont approché ». Le RND, de son point de vue, n'est pas une secte et les conflits personnels n'ont pas de place au sein de sa famille politique. Sur ce chapitre, Miloud Chorfi a tenu, d'abord, à préciser que le parti n'avait pas subi de débâcle lors des législatives du 30 mai 2002. Il a tenté d'argumenter la régression du parti par « l'implication du RND dans la gestion locale, ainsi que par des lacunes organiques ». M. Chorfi réfute l'existence d'un « mouvement de redressement » au sein du parti. « Le RND a vécu une crise et non un mouvement de redressement. Certains fraudeurs ont été exclus de la formation et dans une telle situation il y a inévitablement de l'agitation », dira M. Chorfi, qui réfute également l'information selon laquelle le RND a été créé pour soutenir l'ancien président Liamine Zeroual. Le RND a-t-il usé d'une fraude massive pour investir les institutions ? « Nous sommes sur le terrain et nous avons prouvé notre capacité de ratisser large lorsqu'il le faut », explique M. Chorfi, en rappelant, avec insistance, que le scénario de 2002 ne se reproduira plus jamais. « Nous sommes très bien préparés pour les législatives de 2007. Nous allons démontrer à tout le monde que nous ne sommes pas un parti préfabriqué. En 2002 il y avait un relâchement de la part de nos militants et c'est pour cette raison que nous avons essuyé un échec. Les résultats médiocres obtenus lors de ces législatives nous ont servi de leçon. C'est une expérience pour nous », a-t-il soutenu. Concernant l'Alliance présidentielle, selon notre interlocuteur, elle a été créée pour soutenir la candidature de Abdelaziz Bouteflika et pour la concrétisation de son programme, sans plus. « Le dénominateur commun existant entre les trois partis est le président de la République. Nous avons formé un bloc afin d'appliquer, dans toutes ses dimensions, le programme du Président. Sur les autres plans, la concurrence prime. » Le porte-parole du RND avouera que son parti s'oppose à l'élaboration d'une liste commune - des trois partis - pour les législatives et les locales. « Nous ne sommes pas d'accord sur cette démarche. Chaque formation possède son propre programme qu'elle défendra sur le terrain, et que le meilleur l'emporte. »