L'Aïd El Adha 2006 qui, comme chaque année, s'est déroulé dans une ambiance joyeuse, notamment pour les plus jeunes, a mis en relief un certain nombre de comportements caractéristiques à notre société. Pour certains, la fête du sacrifice est synonyme de piété et d'entraide, puisqu'une bonne partie du mouton sacrifié est censée être offerte aux plus démunis ou, du moins, à ceux qui n'ont pas pu se permettre de s'acheter l'animal à sacrifier. L'Aïd est également un moment fort dans les rapports familiaux au sens le plus large, les visites familiales étant pratiquement un rituel à respecter durant cette journée. Pour d'autres, par contre, cet événement, religieux par excellence, représente une véritable manifestation sociale permettant à telle ou telle famille de se distinguer grâce à la taille du mouton acheté ou même à celle de ses cornes. Globalement, l'Aïd de cette année, comme celui des années précédentes, a été précédé par une journée de jeûne, pour certains, mais a surtout été précédé par de longs moments de réflexion et de calcul. Le sourire des enfants a été, onéreux pour beaucoup de parents cette année. Les prix, parfois prohibitifs de la bête à sacrifier, ont poussé de nombreux pères de famille à s'endetter afin de perpétuer cette tradition ancestrale. Une tradition que certains n'ont pas manqué de relooker, puisqu'ils se sont permis d'apporter un certain nombre de retouches, histoire d'ajouter un peu de piment à l'Aïd. Il s'agit essentiellement de combats de moutons de plus en plus nombreux ces dernières années. Durant les quelques jours précédant la fête, de véritables matches sont organisés dans les quartiers de la capitale ou les terrains vagues. Des supporters, par dizaines, entourant des pauvres bêtes surexcitées et mises dans des conditions de combat, sont désormais des scènes faisant partie intégrante de l'ambiance de l'Aïd. Le plus étonnant, c'est que certains n'ont pas hésité à prendre des paris pour un animal ou un autre, même si cela est en parfaite contradiction avec les préceptes de la religion. Là aussi, c'est le nom de la famille qui est en jeu, car, pour quelques jours, le mouton devient sans le savoir le représentant officiel de « sa » famille. Il y a lieu de signaler, en outre, que ce genre de jeu n'est pas uniquement l'apanage de préadolescents en manque de loisir, mais bien souvent d'adultes qui participent et qui encouragent ce genre d'affrontements. Fort heureusement, l'Aïd reste pour beaucoup encore un événement religieux durant lequel les gens sont supposés s'entraider et être plus proches de leur famille. Il faut noter aussi qu'au moment du sacrifice du mouton, certains pères de famille n'ayant pas assez d'espace c'est le cas des cités AADL ont dû effectuer le sacrifice chez leurs proches ou dans des endroits, parfois, peu indiqués, tels que les abords des trottoirs laissant derrière eux de véritables mares de sang. Une question maintes fois soulevée durant ces dernières années, mais les vieux réflexes semblent avoir la peau dure. A relever également la disponibilité de l'eau durant cette journée, sauf pour les habitants de Coco Plage (Bordj El Bahri) qui en ont été privés depuis vendredi dernier. Aussi, les services d'hygiène communaux ont brillé par leur absence dans plusieurs municipalités de la capitale. Le jour de l'Aïd, les Algérois ont parlé politique. Cette année, l'exécution de l'ancien président irakien le jour de l'Aïd n'est, en effet, pas passée inaperçue. Bon nombre d'entre eux ont d'ailleurs passé exceptionnellement cette journée de fête face à leur téléviseur. Pour beaucoup, cette exécution, en ce jour sacré, est une provocation.