Alors même que le débat est relancé avec vigueur par les démocrates installés depuis quelques jours à la tête des deux chambres du Congrès, l'Amérique vient de recevoir un nouveau signal. En fait, un chiffre pour lui rappeler que la guerre en Irak ne sera jamais une simple formalité. Elle ne l'est plus depuis que le délai de quelques retenus par la hiérarchie militaire US se conjugue en termes d'années sans que personne puisse prévoir la fin. De leur côté, les démocrates, qui avaient massivement voté en faveur de cette guerre, y voient un coût pour leur pays trop élevé. Toutes les considérations en ce sens procèdent de cette orientation, laissant de côté l'Irak plongé dans la pire catastrophe de son histoire. Un nouveau seuil a donc été franchi hier. Trois mille soldats américains sont morts en Irak, alors que le président George W. Bush s'apprête à annoncer une nouvelle stratégie pouvant inclure l'envoi de plusieurs milliers de renforts dans ce pays déchiré par les violences. Dimanche, l'armée américaine a annoncé la mort d'un soldat dans une attaque, la veille, à Baghdad, ce qui a porté à 3000 le nombre de GI's morts en Irak depuis l'invasion du pays par les troupes américano-britanniques en mars 2003, selon un décompte officieux, basé sur les chiffres du Pentagone. « Des insurgés ont ouvert le feu sur une patrouille de la division multinationale Baghdad, tuant un soldat dans un quartier du sud-ouest de la capitale irakienne, le 6 janvier », a-t-elle précisé dans un communiqué. Le dernier bilan du site internet du Pentagone, établi le 5 janvier, faisait état de 2999 morts. Sur les 3000 soldats morts en Irak, 2415 sont morts au combat et 585 sont décédés de « cause non-hostile », selon le Pentagone. Plus de 22 100 soldats ont été blessés depuis 2003. L'annonce du bilan de 3000 morts intervient alors que M. Bush a commencé à remanier son équipe de conseillers et de généraux sur l'Irak et doit annoncer probablement, mercredi, sa nouvelle stratégie pour ce pays où, selon l'ONU, plus de 100 civils sont tués chaque jour depuis juillet 2006. M. Bush, qui veut tenter de redresser la situation dans un pays au bord de la guerre civile et redorer sa présidence, a nommé John Negroponte numéro deux du département d'Etat et annoncé son remplacement à la tête des services de renseignements américains par Michael McConnell. Le Pentagone a annoncé qu'il proposait le remplacement du responsable du commandement central, en charge de l'Irak et de l'Afghanistan, le général John Abizaid, par l'amiral William Fallon. Le général David Petraeus devrait succéder au chef des forces américaines en Irak, le général George Casey. M. Bush devrait aussi annoncer un renfort des 132 000 soldats américains déjà stationnés en Irak dans l'objectif de réduire la violence confessionnelle, sécuriser Baghdad et obtenir la stabilité politique qui permettrait aux troupes de rentrer au pays. Il exigerait du Premier ministre irakien Nouri Al Maliki davantage d'efforts pour lutter contre les milices. Toutefois, le chef de la majorité démocrate au sénat Harry Reid a réaffirmé l'opposition de son parti à l'envoi de renforts américains en Irak, estimant qu'il était temps, au contraire, de commencer le rapatriement des forces américaines. « Plutôt que d'envoyer des forces additionnelles en Irak, nous espérons que le Président (George W. Bush) fera comprendre au gouvernement irakien que le temps est venu pour eux d'assumer la responsabilité de leur avenir et qu'il annoncera le début du redéploiement graduel de nos forces dans les quatre à six mois », a-t-il déclaré, samedi, au cours d'une émission radiodiffusée hebdomadaire du parti démocrate. Le sénateur Reid a souligné qu'une des tâches les plus importantes de la nouvelle majorité démocrate au Congrès était de « travailler avec le président Bush à trouver une fin à la très difficile guerre en Irak ». Le leader démocrate a estimé que l'Irak était en proie à « une guerre civile », un terme que le président américain s'est jusqu'à présent refusé à employer, a qualifié l'envoi éventuel de renforts de « grave erreur » et a fait valoir qu'il était « temps pour les Irakiens de remplir leur rôle ». Il n'a toutefois pas indiqué si les démocrates allaient utiliser leurs nouveaux pouvoirs au Congrès pour bloquer le financement nécessaire à l'envoi de troupes supplémentaires en Irak. Mais il a promis que les démocrates allaient utiliser les débats au Congrès « pour poser des questions embarrassantes, réclamer de vraies solutions et s'employer à mettre fin à cette guerre ». Dans la journée de vendredi, Harry Reid et la nouvelle présidente démocrate de la chambre des représentants Nancy Pelosi avaient envoyé une lettre au président Bush dans laquelle ils soulignaient qu'envoyer des renforts était une décision vouée à l'échec et qu'il était maintenant « temps que la guerre se termine ». En ce qui concerne les plans de M. Bush, il s'agirait de renforts pouvant aller jusqu'à 20 000 hommes d'unités combattantes, selon le New York Times. Le président américain pourrait également annoncer, selon le journal, le déblocage d'un crédit d'un milliard de dollars pour un programme de création d'emplois en Irak. Le journal fait valoir toutefois que certains responsables américains se montrent sceptiques sur les chances de succès de ces mesures, soulignant notamment que les deux tiers des forces promises par les Irakiens pour assurer la sécurité dans la capitale consisteraient en des unités de peshmergas kurdes, venant du nord de l'Irak. Il est même douteux qu'elles entrent même à Baghdad pour se mêler aux affrontements confessionnels entre chiites et sunnites, ajoute le journal. La guerre civile en Irak prendra alors une autre tournure. Beaucoup plus grave, cette fois-ci, avec le risque évident d'une régionalisation de cette guerre.