Le débat était attendu depuis le mois de janvier, mais très vraisemblablement, il sera marqué par des messages qui se veulent forts et incisifs, mais pas déterminants comme le montre la détermination du président George W. Bush d'appliquer sa toute nouvelle stratégie irakienne prévoyant de nouveaux renforts. La Maison- Blanche se montre même certaine que les démocrates, que l'on dit sans plan pour l'Irak eux aussi, vont voter la rallonge budgétaire qu'il a sollicitée. Quoi qu'il en soit, l'instant ne manque pas de solennité, puisque M. Bush n'a plus de majorité acquise. Et en ce sens, la Chambre des représentants américaine a symboliquement désavoué vendredi la stratégie du président George W. Bush en Irak, en adoptant un texte. Avant d'ouvrir dans les semaines qui viennent un débat sur le financement de la guerre, qui divise la nouvelle majorité démocrate, les parlementaires ont désapprouvé lors d'un vote, par 246 voix contre 182, l'envoi de 21 500 militaires supplémentaires. La majorité démocrate a voté en bloc, seuls deux de ses membres votant contre, rejointe par 17 des 201 élus appartenant au parti républicain du président Bush. Six parlementaires se sont abstenus. Ce texte non contraignant représente le plus cinglant désaveu jamais essuyé par le président George W. Bush sur sa conduite de la guerre. « C'est un message puissant, exprimant la volonté du peuple, que l'administration ne peut pas ignorer », a affirmé le président démocrate de la commission des Affaires étrangères, Tom Lantos. La résolution de la Chambre stipule en dix lignes que « le Congrès désapprouve la décision du président George W. Bush annoncée le 10 janvier 2007 » d'envoyer des renforts, et que « le Congrès et le peuple américain vont continuer à soutenir et protéger les membres des forces armées américaines qui servent ou ont servi courageusement et honorablement en Irak ». « Cette résolution n'a pas de caractère contraignant », a souligné le porte-parole de la Maison-Blanche Tony Snow. Le Pentagone a d'ailleurs annoncé vendredi l'accélération du rythme des renforts, 1000 soldats devant embarquer pour l'Irak en mars, trois mois avant la date prévue. « S'ils croient que les sentiments de la Maison du peuple, exprimés par une majorité écrasante, sont insignifiants et seulement symboliques, et bien notre démocratie est en danger », a rétorqué le chef de la majorité Steny Hoyer. « Le Président ne peut pas mettre son veto au jugement, au conseil et à l'avis du Congrès des Etats-Unis », a-t-il souligné. Le vote a eu lieu après une minute de silence en hommage aux combattants, au terme du débat le plus solennel jamais organisé sur la guerre en Irak depuis l'invasion de mars 2003. Pendant quatre jours, près de 400 parlementaires ont eu la parole. La Maison-Blanche avait d'avance minimisé la portée du vote. « Le débat important commencera quand on parlera du soutien que le Congrès accordera ou non aux militaires », avait déclaré un porte-parole, Scott Stanzel. Une allusion au débat des semaines à venir, quand il s'agira de voter le budget de la « guerre contre le terrorisme », à commencer par un collectif de plus de 93 milliards de dollars pour 2007. L'aile gauche du parti démocrate et le candidat à la présidentielle John Edwards, ex-sénateur, poussent le Congrès à couper les crédits de la guerre. L'état-major démocrate, de son côté, assure qu'« il n'y aura pas de suppression des fonds pour les troupes sur le terrain ». Mais Jack Murtha, président de la sous-commission chargée des budgets militaires, a annoncé qu'il imposerait des conditions, tel le déblocage de fonds supplémentaires. Ainsi, les déploiements futurs seraient compromis.« Il faut refuser au Président (Bush) la capacité à envoyer plus de troupes en Irak, en insistant plutôt sur le rétablissement de nos capacités militaires », a déclaré M. Murtha. Le débat sur l'Irak se prolongera samedi au Sénat, où il avait tourné court il y a dix jours : l'état-major démocrate a sacrifié un congé parlementaire pour organiser un vote de procédure sur le texte de la Chambre. Il risque d'échouer une nouvelle fois, mais, pour l'influent démocrate Charles Schumer, peu importe : « Nous faisons peu à peu monter la pression sur le Président (Bush), et nous allons continuer », a-t-il prévenu vendredi. La bataille au Congrès des Etats-Unis ne fait que commencer, mais elle semble omettre un élément cardinal. Il s'agit de l'Irak et de son devenir, maintenant que les Américains reconnaissent que non seulement la situation y est franchement mauvaise, mais que le pays est au bord de l'éclatement.