L'affaire Khalifa pose un problème essentiel à l'Algérie : vérité et justice. Problème récurrent depuis que le pays tente de trouver un chemin vers la démocratie. A partir d'aujourd'hui, le tribunal criminel de Blida devra se pencher en première audience sur ce dossier a priori complexe. L'opinion publique attend de cette juridiction qu'elle lève le voile sur les faces cachées de ce scandale. Comment Khalifa Groupe s'est-il imposé sur la scène nationale ? Quelle est l'origine des fonds qui ont fait le bonheur des salons d'Alger et la notoriété d'un inconnu : Abdelmoumen Khalifa ? Pourquoi tous les hauts responsables du pays, à quelques rares exceptions, savouraient-ils les soirées mondaines de chez Khalifa avant de se transformer en procureurs romantiques de l'ange déchu ? Pourquoi les décideurs du pays s'étaient-ils empressés à détruire le groupe Khalifa, alors que Khalifa Airways aurait pu être sauvée pour améliorer les services d'un transport national où Air Algérie étouffe le ciel avec sa médiocrité et fait rater des chances pour le pays ? Oui, la justice doit chercher toute la vérité. Condamner un simple caissier à de sévères peines alors que son rôle est presque nul dans le scandale et laisser à un ministre, qui a pouvoir de décision et qui est entièrement impliqué dans l'affaire, le soin de jouer le rôle du témoin ne sera pas la bonne manière de rendre justice. Autant dire que la responsabilité des juges de Blida est lourde. Ils doivent non seulement convaincre sur leur capacité à juger selon les règles de droit sans distinction de rangs, de classes ou de puissance ; mais ils ont aussi cette mission périlleuse de redonner crédibilité à un pouvoir judiciaire qui peine à arracher son indépendance. Les paquets de discours officiels sur « les réformes », qui n'ont toujours pas de visibilité, n'ont pas réussi à casser la détestable image d'une justice de téléphone ou une justice de rideau. Non, le procès Khalifa ne sera pas celui du siècle, puisque le courage a, depuis longtemps, cessé d'être un plat quotidien dans les tribunaux. Ensuite, les officiels, qui interviennent dans l'espace public autour de ce dossier, tentent, par la magie du verbiage bureaucratique, de banaliser l'affaire. Comme s'il y avait crainte, quelque part, qu'une bombe à fragmentation explose et brûle les terres des « bien-pensants » du pouvoir. Il est évident que des pièces manquent au dossier, surtout que la gestion de l'affaire, dès le départ, n'a pas été accompagnée de réelle transparence. Le tapage des autorités sur la volonté supposée d'aller jusqu'au bout a fait oublier l'obligation de « tout dire au peuple ». L'absence de « la star » de ce feuilleton à faible rebondissement, Abdelmoumen Khalifa, vide, en grande partie, le procès d'aujourd'hui de sa substance. S'il y a de fortes possibilités que l'ex-prince des nuits algéroises ne soit jamais extradé de Londres, il demeure que son audition en Algérie aurait apporté du nouveau au dossier. Mais, tout compte fait, veut-on réellement de sa présence dans un procès ouvert à des vents incertains, au cas où...