Le discours de George Bush, annonçant une nouvelle stratégie pour l'Irak, n'a rien changé dans les positions de tous ceux qui voient cette guerre depuis l'extérieur de la Maison-Blanche, y compris les chancelleries étrangères qui ont eu parfois des mots très durs. Presque aussi durs, sinon tout simplement sans perspective depuis le « Yes Sir », du tout nouveau ministre américain de la Défense qui déclarait devant le Sénat que l'Amérique n'était pas en train de gagner cette guerre, et qui déclare cette fois que la durée de la mission en Irak est indéterminée. Plus question de fixer une quelconque échéance. Toujours conséquente avec ses positions, l'opposition démocrate a dit ce qu'elle pense de ce plan qui n'emballe pas non plus les grands médias américains. Le président Bush a annoncé mercredi l'envoi de 21 500 soldats en renfort. « J'ai mobilisé plus de 20 000 soldats américains supplémentaires en Irak. La grande majorité d'entre eux, cinq brigades, seront déployés à Baghdad », a déclaré M. Bush dans une allocution télévisée de la Maison-Blanche. Si les Etats-Unis décidaient de rapatrier leurs soldats, cela « provoquerait l'effondrement du gouvernement irakien, déchirerait le pays et déclencherait un massacre d'une dimension inimaginable », a-t-il souligné, en affirmant assumer les erreurs commises dans la gestion de la guerre depuis l'invasion de mars 2003. Cependant, la nouvelle stratégie, qui inclut un plan de développement économique, ne mettra pas fin aux actes de violence et aux pertes irakiennes : « Même si notre nouvelle stratégie fonctionne exactement comme prévu, les actes de violence meurtriers vont continuer, et nous devons nous attendre à plus de victimes irakiennes et américaines », a-t-il averti. Ce plan a été qualifié, jeudi, au Congrès de « pire erreur » depuis la guerre du Vietnam, alors que l'Administration, évoquant un gouvernement irakien « en sursis », admettait ne pas pouvoir définir la durée de l'engagement américain. « Nous comprenons qu'il y a beaucoup de scepticisme » sur la gestion de la guerre en Irak, a reconnu la secrétaire d'Etat, Condoleezza Rice, sur plusieurs chaînes de télévision américaines. La nouvelle stratégie de M. Bush est « la pire erreur de politique étrangère » des Etats-Unis depuis la guerre du Vietnam, a rétorqué le sénateur républicain Chuck Hagel, lors d'une audition de la ministre au Congrès. C'est une « erreur tragique », a renchéri le nouveau président démocrate de la commission des affaires étrangères, le sénateur Joseph Biden, tandis que son homologue de la commission des forces armées, Carl Levin, estimait que « la stratégie choisie par le président n'était pas la voie du succès ». Le Premier ministre irakien, Nouri Al Maliki, « sait que, d'une certaine façon, son gouvernement est en sursis » et « notre mission est d'aider, et je souligne le mot, aider les Irakiens », leur a répondu Mme Rice. Lors d'une autre audition au Congrès, son collègue de la Défense, Robert Gates, a agité la menace d'une révision du plan Bush si les dirigeants irakiens ne respectent pas leurs engagements. « La première réaction si nous découvrons qu'ils ne remplissent pas leurs engagements est de le leur rappeler avec force » et « si au bout du compte, ils ne respectent pas les engagements (...) nous devrons revoir notre stratégie », a-t-il dit. Le gouvernement irakien s'est engagé à autoriser les forces américaines et irakiennes à traquer les milices sunnite et chiite sans interférer en faveur d'un camp ou d'un autre. Baghdad s'est aussi engagé à déployer trois brigades irakiennes dans la capitale. Oui, mais comment ? Effectivement, ne cesse-t-on de s'interroger, comment l'armée irakienne sous-équipée et sans grande qualification pourrait-elle, à elle seule, pacifier le pays ? Plus grave que cela, cette armée frappée de suspicion, ne bénéficie pas d'une confiance totale, ce qui explique son sous-équipement et ses insuffisances actuelles. Elle est elle-même la cible des attaques de la résistance, et d'ailleurs la dissolution de l'ancienne armée irakienne a suscité bien des regrets. Les alliés indéfectibles des Etats-Unis ont loué, jeudi, ce nouveau plan de bataille pour l'Irak tandis que les principaux partis irakiens réagissaient avec un enthousiasme mesuré. Pas tous cependant, à l'image du parti de l'imam chiite Moqtada Sadr qui affirme que ce plan « échouera » comme les précédents et les soldats envoyés sur place en renfort risquent de repartir « dans des cercueils ». Adversaire résolu de l'occupation américaine, Moqtada Sadr dirige l'armée du Mahdi, l'une des plus importantes milices irakiennes, régulièrement accusée d'exactions contre la communauté sunnite et d'attaques contre les forces de la coalition. « Les Américains feraient mieux d'éviter à leurs fils de venir en Irak, d'où ils risquent de repartir dans des cercueils », a ajouté le porte-parole. C'est évidemment là le pire des scénarios, car non seulement, ce plan n'aura rien réglé, mais aurait accru les pertes US. Mais qu'en sera-t-il pour l'Irak qui pourrait, quant à lui, faire face à la pire des situations, si l'irakisation venait à se développer et à s'accroître ? C'est un cercle terriblement étroit d'où il est difficile d'en sortir.