Niché comme un pain de sucre entre El Ançor et le complexe des Andalouses, le village de Sidi Hammadi a, depuis longtemps, suspendu son vol dans un cadre de vie hostile. Surgi de nulle part, dans un paysage lunaire, ocre et cahoteux, Sidi Hammadi est un village oublié de tous, attendant que sonne l'heure de sa gloire. Hormis une mosquée plantée au beau milieu du village, il n'existe aucune infrastructure sociale. Pas d'école. Pas de dispensaire. Pas de poste, ni de communications téléphoniques. Pas de transports. Pas de marché. Pas de pharmacie. Pas de médecin. Pas de boulangerie. Pas de douches, ni de bains publics. Les habitants de Sidi Hammadi font le déplacement à Bousfer pour se laver. Pour ce faire, ils « descendent » au complexe des Andalouses dans l'espoir d'un hypothétique transport. A force de préparatifs et de « planning », le simple fait de se laver dans un bain « maure » a fini par prendre des allures d'un rituel immuable. Lancer des SOS Dans leur dignité blessée, les villageois scrutent les villas et les bungalows du complexe, qui semblent les narguer. A 100 mètres de là, le complexe des Andalouses étale la luxure de ses bâtisses et de ses innombrables jardins verdoyants. Dans leur infinie indigence, les villageois ne possèdent même pas de cimetière à eux pour enterrer leurs morts. A trois kilomètres de là, le cimetière de St Pierre leur ouvre les bras. Ici repose la plupart des morts du village de Sidi Hammadi. Si l'envie prend au profane en mal d'exotisme de se projeter dans le 19ème siècle, Sidi Hammadi est tout désigné. L'eau charriée est toujours transportée à dos d'ânes. Quant au facteur, il n'a pas foulé le sol de Sidi Hammadi depuis le départ du dernier colon espagnol en 1963. L'unique téléphone portable est détenu par un villageois. Il sert à lancer des SOS à leurs voisins d'El Ançor en cas de coup dur. Faute de moyens, les jeunes chômeurs s'adonnent à la pêche à la ligne, leur seule activité lucrative. Plusieurs d'entre eux ont péri, emportés dans la nuit par des vagues monstrueuses. Même au plus fort moment des joutes électoralistes, les candidats et les officiels feignent d'oublier que quelque part il existe un village appelé Sidi Hammadi. Alors, si vous êtes de passage à El Ançor ou aux Andalouses, dites-vous bien que le cœur d'un village ayant pour nom Sidi Hammadi y palpite aussi.