Tout le monde se souvient de l'époque où il était quasi impossible de trouver une cabine téléphonique à Alger... Les années 1990 ont vu fleurir bon nombre de kiosques multiservices (KMS) et les Algérois ont accueilli cette initiative avec beaucoup de soulagement. Désormais, à chaque coin de rue se trouve un taxiphone. Dans les quartiers populaires et les rues fréquentées, ces commerces ne désemplissent jamais. Les cabines téléphoniques sont continuellement prises d'assaut. Les récentes augmentations décidées par Algérie Télécom ne semblent pas trop décourager les clients. Toutefois, pour éviter les râleurs, beaucoup de gérants ont préféré afficher à l'entrée le prix de l'unité. Bizarrement, il varie entre 2,5 et 3 DA, selon les taxiphones. « Au début, certains clients ont rouspété, en constatant que les prix de la communication ont augmenté, mais il a suffi de leur expliquer que nous ne faisons que répercuter les tarifs d'Algérie Télécom pour qu'ils se calment », nous révèle le gérant d'un KMS situé à la place du 1er Mai. Dotés d'une moyenne de 5 cabines dont l'une réservée aux appels d'urgence n'excédant pas 3 minutes, certains taxiphones offrent d'autres services tels que la traduction ou la photocopie. C'est le cas de ce KMS à la rue Volta, aux alentours de la rue Didouche Mourad, dont la gérante nous a confié que son commerce est florissant, malgré la présence de deux autres taxiphones à quelques mètres seulement. « L'avantage d'être situé dans un quartier huppé, c'est d'accueillir des clients qui téléphonent surtout vers un portable ou à l'étranger, des communications plus coûteuses que celles effectuées vers un fixe. » Dans ce taxiphone, des affichettes mentionnant « Pas de crédit » sont placardées un peu partout. Explication de Naghima la gérante : « J'en avais marre des mauvais payeurs qui ne réglaient jamais leurs dettes, alors j'y ai mis le holà », confie-t-elle. « Il y a aussi une autre catégorie de clients utilisant l'international prudemment. Ils me disent dès que le compteur marque 400 DA, tu m'arrêtes. Hélas ! très souvent, ils poursuivent leur conversation et n'ont plus de quoi payer ! » Naghima emploie un jeune : « C'est moi qui garde la boutique entre 20 h et minuit. Et je peux vous dire que l'Algérien est atteint d'une maladie qui s'appelle la téléphonmania ! Les amoureux passent des heures pendus au combiné, à susurrer des mots doux, surtout le soir. Et lorsqu'il y a querelle de couple, ça gueule si fort que tout le monde est au courant. Sinon, il y a aussi ceux qui apprennent une bonne nouvelle et s'écrient tout joyeux : Votre taxiphone m'a porté bonheur, merci ! » Quant à la communication la plus chère, notre interlocuteur n'est pas près de l'oublier : « C'était une cliente qui a téléphoné au Canada. Je voyais le compteur afficher 5000 DA, 6000 DA, 7000 DA... Je n'arrêtais pas d'attirer son attention pensant qu'elle n'aurait pas de quoi régler. Quand elle a enfin posé le combiné, la note était vraiment salée : 11 600 DA. Contrairement à mes appréhensions, elle s'en est acquittée sans problème. » Utiles, ces taxiphones le sont à plus d'un titre. Panne de voiture, maladie, empêchement de dernière minute... chacun y trouve son compte. Même les personnes ayant un téléphone portable y ont souvent recours. « Pour appeler vers un fixe, je préfère utiliser un taxiphone », nous dit une jeune fille. « La communication me revient à peine à 3 DA l'unité contre 20 DA si je téléphonais de mon portable. » Dans la plupart de ces KMS se trouvent des cabines pour appels urgents. A n'importe quel moment, un citoyen peut y avoir recours... Hélas ! force est de constater que ces cabines sont souvent occupées par des clients débitant des futilités au vu et au su du propriétaire, dont le seul souci est de voir la note gonfler au maximum. Malgré l'importance du « téléphone arabe », chez nous, réputé être un moyen d'information rapide, de bouche à oreille, et le marché du téléphone mobile, de plus en plus croissant, gageons que les taxiphones ont encore de beaux jours devant eux !
