Jalal Zoghlami, le fondateur de Kaws El Karama (L'Arc de la dignité, un mensuel clandestin), croupit dans une prison en Tunisie depuis plusieurs jours. Il est tombé sous le coup de trois chefs d'accusation : destruction du bien d'autrui, port d'armes blanches et violence. Son frère Nejib et leur ami Lumumba Mohseni ont également été arrêtés par la police dans le cadre de cette affaire, une rixe dans un café situé dans le centre-ville de Tunis. Les organisations tunisiennes de défense des droits de l'homme considèrent cette affaire comme une cabale montée de toutes pièces par les autorités afin de faire taire la voix de Jalal Zoghlami. Selon leurs avocats, les trois accusés ont été provoqués puis agressés, le 22 septembre dernier, par des agents de la police. Une rixe s'en est suivie, ce qui a conduit à l'arrestation et à l'incarcération des frères Zoghlami et de leur ami. Leurs agresseurs, poursuivent les avocats de la défense, n'ont pas été inquiétés. Le procès se tiendra le 28 octobre, soit quatre jours après l'élection présidentielle durant laquelle le président sortant Zine El Abidine Ben Ali tentera de briguer un quatrième mandat. Ne croyant pas au scénario officiel, des ONG tunisiennes ont appelé à la libération de Jalal Zoghlami et de ses compagnons. « Les autorités tunisiennes ont souvent utilisé des pseudo-délits de droit commun contre des activistes politiques, syndicalistes et des droits humains. Par ce moyen, les autorités tunisiennes peuvent continuer à prétendre qu'elles ne poursuivent pas leurs citoyens suivant des motifs politiques ou pour leurs activités, mais elles visent à diffamer leur réputation en les présentant comme des criminels de droit commun », a dénoncé le Collectif international pour la libération de Jalal Zoghlami. Le Conseil national des libertés en Tunisie (CNLT, non reconnu) s'est, lui aussi, insurgé contre ces arrestations en dénonçant « l'instrumentalisation de la justice pour des règlements de comptes politiques ». Il appelle les autorités tunisiennes à cesser cet « acharnement judiciaire » en procédant à leur libération sans condition. Pour sa part, le Comité pour le respect des libertés et des droits de l'homme en Tunisie (CRLDHT) a appelé à la solidarité avec « tous ceux à qui on a dénié les droits fondamentaux ». Jalal Zoghlami n'en est pas à son premier démêlé judiciaire. En janvier 1992, il avait été condamné à 11 mois de prison ferme pour appartenance à une organisation non agréée, l'Organisation des communistes tunisiens (OCR) en l'occurrence. Expulsé de l'université, avec son frère Taoufik Ben Brik, il prit la décision de s'établir en France. Le 7 novembre 1992, il retourna vivre à Tunis dans la clandestinité jusqu'en 1999. Sa libération en mai 2000 avait été rendue possible grâce à la grève de la faim menée par Taoufik Ben Brik, une grève fortement médiatisée. A la suite de cette affaire, Jalal prit la décision de lancer Kaws El Karama. Un mensuel distribué sous le manteau, dans lequel il avait lui-même signé le premier éditorial sous le titre « Basta Ben Ali ». Dans une affaire remontant à 2001, Jalal Zoghlami avait été à nouveau condamné par défaut en octobre 2003 à quatre mois de prison ferme pour avoir « agressé » un fonctionnaire du ministère de l'Intérieur.