L'avertissement sur le projet des Colombiens est-il à prendre au sérieux ? Bien sûr, toute information est à prendre au sérieux, c'est notre vocation et notre devoir. Le 26 décembre dernier, la Gendarmerie nationale a pu mettre la main sur un petit réseau qui commençait à s'agiter et à s'installer chez nous et qui avait des relations avec les Colombiens qui eux, cherchent à prendre pied au Maroc et par conséquent en Algérie. Il y avait un container embarqué du Venezuela vers l'Algérie via l'Espagne, et dans ce container chargé de marchandise à usage médical, il y avait 1000 kg de cocaïne dissimulés. Donc, ce container a été saisi par la douane espagnole et sur indication des services espagnols, notre gendarmerie a mis la main sur un importateur de produits sanitaires, qui s'est révélé être un membre d'un réseau qui fait transiter ces substances. La gendarmerie a été efficace en mettant la main sur ce bonhomme et il a été présenté, ces derniers temps, à la justice. Donc, la filière colombienne existe et essaye de réaliser quelques actions à partir du Maroc où elle a déjà pris pied. Avant, les Colombiens utilisaient beaucoup plus l'Espagne où les services sont arrivés à juguler un peu le réseau. Vous avez parlé de la nécessité de revoir nos mécanismes et nos méthodes, comment imaginez-vous un nouveau redéploiement ? Ces méthodes et mécanismes sont du ressort des services de sécurité qui commencent à se doter de moyens techniques efficaces pour parer à ce genre de trafic à travers notre territoire vaste qui compte une frontière de 6800 km. L'Etat a mis quand même les moyens et créé des dispositifs, notamment chez la gendarmerie, la GGN et la douane et mis les moyens sur des périmètres ciblés La large consommation du Rivotril dévoile un trafic souvent entretenu par le commerce de gros du médicament. Y a-t-il des initiatives pour coopérer avec les services de la santé pour endiguer les fuites ? Vous touchez un problème de taille. Le ministère de la Santé est conscient, en effet, et nous sommes en train de réfléchir sur la question pour créer un dispositif pour mieux contrôler les officines au niveau des hôpitaux et celles qui commercialisent tous types de médicaments du genre Rivotril ou autres. Les contrôles existent, les registres existent, mais certains malades se font délivrer à droite et à gauche des ordonnances et se procurent ce genre de médicaments à des fins thérapeutiques ou alors pour le vendre illicitement, c'est devenu un commerce juteux, nous en sommes conscients et le ministre de la Santé aussi. Cela nous permet de mieux cerner le problème, le juguler et trouver des mécanismes rigoureux pour contrôler les officines et les consommateurs en milieu hospitalier et familial. C'est un fléau qui commence à prendre de l'ampleur, d'ailleurs 78,5% de la quantité de psychotropes saisis, en 2005, l'ont été à l'Est. C'est notre souci de veiller et parer à toutes les éventualités. La prise de conscience s'est traduite au niveau des mécanismes et des institutions de l'Etat mais semble encore inopérante au sein de la société. C'est dû à quoi selon vous ? Je crois que les services de sécurité ont toujours fait leur devoir même durant la période du terrorisme. A l'instar d'autres pays africains qui sont dans le désarroi, la consommation de drogue a pris des proportions importantes. Mais maintenant et devant le constat amer qui est là, le président de la République a ordonné d'activer l'institution qui est la nôtre et qui a la charge de la coordination, de l'investigation et de l'élaboration d'un programme et d'une stratégie de lutte contre la drogue pour épargner nos enfants. C'est notre but de redoubler de vigilance avec les services de sécurité et la justice comme support pour la répression et le mouvement associatif qui est un partenaire potentiel ainsi que les médias sur lesquels on compte beaucoup afin de vulgariser le danger et faire prendre conscience aux parents afin qu'ils fassent attention à leurs enfants qui sont une proie facile. Les nouvelles lois de lutte contre la drogue sont-elles assez dissuasives selon vous ? La nouvelle loi comprend des aspects préventif, répressif et médical. Nous sommes en train de mener une campagne à travers tout le territoire national pour sensibiliser la population. Aussi, les services de sécurité veillent au grain. La nouveauté dans le code du 23 décembre 2004, c'est qu'il reconnaît le statut de malade au toxicomane. La nouvelle loi permet au consommateur, qui était de se présenter au magistrat et de dire : « Je suis disposé à être hospitalisé et désintoxiqué ». Le fait qu'il prouve sa bonne foi, il bénéficie de la non-poursuite judiciaire et d'une réinsertion dans la société. Quant aux peines répressives, elles sont surtout destinées aux narcotrafiquants qui accentuent le mal et favorisent le fléau. Avec les membres des réseaux et les dealers, la loi est rigoureuse et elle est au diapason des législations à travers le monde, notamment celles de l'ONU.