El Khalifa est une affaire d'Etat. » C'est Abdelmoumen Khalifa, ex-patron du groupe du même nom, qui le dit dans une interview à l'hebdomadaire Al Mohaqiq, paru aujourd'hui. De sa résidence londonienne, il a confié à Habbet Hanachi, directeur du journal, que le groupe « avait de l'influence dans toutes les institutions de l'Etat ». « L'affaire Khalifa n'est pas simple. Elle fait partie des secrets d'Etat et je ne suis pas prêt, à l'heure actuelle, à en parler », a-t-il déclaré. Il s'est engagé à dire ce qu'il sait lors d'un procès juste. Occasion de critiquer les audiences du tribunal criminel de Blida qui, selon lui, n'arrivent pas à convaincre l'opinion publique. « C'est un non-événement (...) Ce procès ne m'inquiète pas », a-t-il ajouté. Il croit détecter des « failles » dans l'ordonnance de renvoi sur laquelle s'appuie la juge Fatiha Brahimi pour juger les 104 inculpés de l'affaire dite de la caisse principale d'El Khalifa Bank. Officiellement, Abdelmoumen Khalifa est poursuivi pour, entre autres, « faillite frauduleuse, vol qualifié et association de malfaiteurs ». « Je ne fais pas confiance à ces gens-là. De quelle fraude parlent-ils ? Ils ont même échoué à organiser un procès équitable et convaincant... Arrêtez de vous en tenir à l'argent transporté dans les sacs (...) L'affaire est plus grande que les sacs en plastique (...) C'est une affaire politique, car ma banque n'était pas en faillite. Puis, je ne suis pas un amateur d'argent. Je défie quiconque de trouver les milliards que j'aurais détournés », a-t-il déclaré, ajoutant avoir laissé des milliards de dinars dans les caisses avant de quitter l'Algérie. Il n'a pas précisé les sommes, mais a affirmé détenir des preuves et des documents. « Je dévoilerai le contenu de ces documents au moment opportun », a-t-il promis. Il a qualifié la liquidation du groupe d'opaque. Il s'est dit être disposé pour un jugement en Grande-Bretagne où il existe, selon lui, une justice indépendante. « Je dis à la juge Fatiha Brahimi, bienvenue en Grande-Bretagne. On m'a dit qu'elle est honnête et qu'elle maîtrise le dossier. J'ai auparavant lancé la même invitation à la justice française. Invitation acceptée », a-t-il lancé, précisant avoir parlé à des enquêteurs français en février 2006. Depuis 2003, les tribunaux de Nanterre et de Paris enquêtent sur plusieurs affaires liées, entres autres, à Khalifa Airways, à Khalifa TV et à la vente de villas à Cannes. Il n'existe encore aucune information sur l'éventualité d'une demande d'extradition introduite par les autorités judiciaires françaises à l'encontre de ce qui est appelé « le golden boy » d'Alger. Abdelmoumen Khalifa a refusé d'aborder les conditions de dissolution en France de l'entreprise Khalifa Airways et de répondre au liquidateur Moncef Badsi sur cette question. Au tribunal de Blida, Moncef Badsi a laissé entendre qu'une procédure judiciaire sera lancée à l'encontre de l'Etat français qui aurait fait perdre « des milliards de dinars » à l'Algérie dans la gestion de l'affaire Khalifa Airways. « Les Français connaissent parfaitement le dossier Khalifa », a dit Abdelmoumen sans plus de détails. L'extradition vers Alger n'aura pas lieu selon lui. « La justice britannique n'est pas convaincue par le dossier. C'est une justice rigoureuse. Je suis un exilé politique depuis 2004... Je garde toujours la nationalité algérienne », a-t-il révélé. Répliquant aux propos d'Ahmed Ouyahia (chef du gouvernement à la création d'El Khalifa Bank en 1998) qui a considéré l'affaire Khalifa comme « ordinaire », Abdelmoumen Khalifa a ironisé : « Ce qu'a dit Ouyahia est la stupidité du siècle ! » Il a critiqué la presse algérienne qui, selon lui, soutient les plus forts. Il n'a pas hésité à la comparer à celle du régime de Vichy en France (qui avait appuyé les nazis allemands). « Allah yehdihoum (que Dieu les mette sur la bonne voie) ! », a-t-il lâché. Il a annoncé qu'il va accorder, dans les prochains jours, des interviews à des chaînes de télévision britanniques, américaines et françaises. Et il n'a pas caché sa volonté de créer une structure politique sans indiquer qu'elle en sera la nature ou la forme.