Pendant que les grandes centrales laitières du secteur public peinent à trouver repreneur, celles du secteur privé sont soudain prises d'une épidémie de fermeture. Rien qu'au niveau de l'Ouest, en l'espace de quelques semaines, ce seront pas moins de 5 unités dont certaines de grande capacité qui auront mis la clef sous le paillasson. Les principales raisons s'articulent autour des prix de revient, des prix de cession – qui sont toujours administrés- et de la cherté de la matière première. En effet, la poudre de lait qui constitue l'intrant le plus important est importée à 100% de l'étranger, où les prix sont, depuis plusieurs années, pris par une fâcheuse tendance à la hausse. En effet, selon une étude réalisée par l'association des industriels laitiers, la tonne de poudre de lait aura subit, entre 2002 et 2006, une augmentation de 63% sur le marché européen. Des hausses successives de 16%, 34% et 63% sont observées pour les années 2003/2004, 2005 et 2006, la tonne passant de 1 380 à 2 250 Euros durant cette période. Malheureusement, pour ces opérateurs, ces hausses, ils ne pourront les répercuter sur le consommateur en raison de l'existence d'un décret datant de l'année 1996 – qui ne sera révisé qu'une seule fois depuis, en l'occurrence en l'année 2001- qui administre le prix du lait. Ce prix qui était de 20 Da entre 1996 et 2000, sera augmenté à hauteur de 25 Da depuis le 12 février 2001. Malgré les avatars de l'inflation interne et de l'augmentation du cours mondial, ce prix administré restera figé jusqu'à ce jour. Au grand désappointement des laitiers industriels qui seront contraints de trouver des astuces à la limite de la légalité, pour survivre. C'est pourquoi, dès le 11 août 2005, alors que la tonne de poudre se négociait à 1 850 Euros, soit plus de 18 millions de Cts, ils saisissent le chef du gouvernement de l'époque afin qu'il fasse réviser à la hausse le prix de vente du lait reconstitué. Cette première missive n'aura aucune suite, les services de la chefferie du gouvernement faisant la sourde oreille. Entre-temps, sur le marché international, fortement secoué par la demande asiatique, la tonne de poudre s'échangera à 2 250 Euros, soit une hausse annuelle de 400 Euros. Dialogue de sourds Il est vrai qu'entre 2000 et 2005, la production mondiale aura également subi les contrecoups de la sécheresse en Australie et en Argentine qui se traduira par une baisse drastique de l'offre. Si durant l'année 2006, les cours semblaient se stabiliser, enregistrant même une très légère tendance à la baisse, en raison de la reprise de la production en Amérique Latine, aux Etats-Unis, en Nouvelle Zélande, en Inde, au Pakistan et en Australie, il apparaît clairement que concernant notre pays -et l'association des industriels ne cesse de le clamer- le prix à la sortie de l'usine se situe toujours dans la sphère des 30 dinars. Ceci se traduit par un réel manque à gagner pour les transformateurs qui n'ont plus beaucoup d'alternatives. La première et sans doute la moins heureuse consiste à réduire la concentration, c'est-à-dire mettre moins de poudre dans une même quantité d'eau. Cette formule sans faire l'unanimité, aura des limites que peu de laitiers oseront y recourir. La seconde alternative est en train de faire beaucoup d'adeptes. C'est la fermeture pure et simple de la reconstitution du lait à l'aide de poudre. Depuis la fin de l'été, quatre laiteries installées à Oran, Tlélat et Aïn Témouchent mettront la clef sous le paillasson. Réunis jeudi dernier à Oran, les industriels Oranais, à l'instar de leurs collègues de l'Est et du Centre, tireront encore une fois la sonnette d'alarme. A 3 200 dollars la tonne, soit près de 25 000 dinars, ils s'estiment lésés par le prix administré, alors que pour le lait cru, une subvention de 13 Da est mise dans le circuit, assurant des revenus décents à tous les intervenants de la filière. Faudra-t-il s'attendre, à défaut d'un règlement rapide de la question des prix administrés, à une lente érosion de la production laitière jusque-là assurée par une cinquantaine d'unités dont les capacités individuelles se situent entre 4 000 et 80 000 litres /jour ? La perspective d'une rapide dégradation de l'offre est sérieusement envisagée par les producteurs privés réunis ce week-end. Ce ne sont pas les rares laiteries, encore en service dans le secteur public, qui pourront pallier cette défaillance. A moins de revenir à la bonne vieille méthode de la poudre de lait Lahda, à reconstituer tout seul à la maison. Pour les produits dérivés du lait, comme les yaourts, les laits fermentés et autres L'ben, les lois universelles de l'offre et de la demande pourront alors s'exprimer en toute liberté.