Le démenti ferme apporté la semaine dernière par le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, à la rumeur prêtant l'intention à l'Algérie et à la Russie de créer une Opep du gaz ne semble pas avoir suffi à dissiper les craintes des dirigeants de l'Union européenne (UE). Des craintes qui, en réalité, ne sont pas tout à fait nouvelles. Dans les faits, les Européens ont commencé à voir de travers l'Algérie et la Russie au lendemain de leur rapprochement au mois d'août 2006. Et depuis, les inquiétudes sont allées crescendo. Cela d'autant, argue-t-on, que la Russie et l'Algérie sont, avec la Norvège, leurs principaux fournisseurs de gaz. Mais la peur de l'UE de se retrouver prise en tenailles s'est exacerbée notamment après la conclusion par les deux pays, dimanche dernier, à l'occasion de la visite en Algérie du ministre russe de l'Energie, d'un accord pétrolier et gazier assorti de volonté affichée de jeter les bases d'une collaboration poussée dans le domaine du nucléaire civil. L'accord énergétique signé doit, rappelle-t-on, permettre aux deux parties d'assurer le suivi de projets communs à toutes les étapes de la chaîne d'exploration, de production, de commercialisation et de transport des hydrocarbures. C'est ainsi que le commissaire européen, Andris Piebalgs, s'est dit, jeudi, « inquiet » d'un accord entre l'Algérie et la Russie sur le gaz et des conséquences que celui-ci pourrait avoir sur les consommateurs européens. De ce fait, il s'est promis de demander à Alger et Moscou d'expliquer leurs « intentions ». Pourquoi y a-t-il une inquiétude ? 35% de notre consommation viennent de ces deux pays », a déclaré le commissaire letton lors d'une conférence de presse dont le contenu a été répercuté par de nombreuses agences de presse. Au-delà des craintes suscitées par l'accord algéro-russe, il semble aussi que les responsables de l'UE n'aient pas apprécié le fait que les dirigeants algériens et russes n'ont pas pensé à les informer de la teneur de leur partenariat. « Si on imagine un quelconque accord sur la limitation de la production ou sur les prix, cela aurait inévitablement un impact sur les consommateurs européens. Si on a un fournisseur en état de monopole, les risques augmentent », a indiqué M. Piebalgs comme pour faire comprendre que les appréhensions soulevées par le protocole d'accord signé par l'Algérie et la Russie continuera à se poser tant que des réponses n'auront pas été données. « C'est une question qu'il faut poser à nos partenaires, et l'UE le fera dans son dialogue avec l'Algérie et avec la Russie », a précisé le commissaire européen avant de souligner qu'il ne fallait tout de même « pas paniquer ». « Ce n'est pas une question qui nécessite une action immédiate », même s'il est normal « de dire où sont les inquiétudes », a conclu M. Piebalgs. Devant les angoisses persistantes des Européens, le vice-président de Gazprom, Alexandre Medvedev, s'est employé à battre en brèche, le même jour à Davos, l'idée selon laquelle son pays et l'Algérie se seraient entendus pour mettre en place une « Opep du gaz ». M. Medvedev a ainsi assuré que les contacts qui ont eu lieu entre Gazprom et la compagnie publique algérienne Sonatrach visaient uniquement à renforcer la coopération entre eux. « C'est une discussion d'affaires totalement normale qui pourrait déboucher sur une coopération dans différents domaines énergétiques. C'est comme lorsque des sociétés comme Exxon et Shell discutent de leurs sociétés communes », a-t-il déclaré. Reprenant les arguments avancés par M. Khelil pour expliquer le caractère surréaliste de tout projet qui aurait pour ambition de monter une Opep ou un cartel du gaz, M. Medvedev a précisé qu'il était « impossible » de contrôler les prix dans le secteur du gaz en raison de la structure du marché. Malgré ces nouvelles garanties, il est peu probable que les Européens se sentent davantage en sécurité dans la mesure où les Russes se sont attelés, depuis peu, à persuader l'Iran, un autre grand producteur de gaz et qui pourrait constituer une planche de salut pour l'UE, de conclure avec eux un accord similaire à celui signé avec l'Algérie.