Les ministres algérien et russe de l'Energie ont assuré, samedi à Alger, que leur partenariat énergétique ne se construira pas au détriment des intérêts de l'Europe ou d'un quelconque autre ensemble économique. Par cette déclaration, Chakib Khelil et Viktor Khristenko auront notamment voulu battre en brèche l'idée selon laquelle l'Algérie et la Russie ambitionneraient de créer une sorte d'Opep du gaz pour « prendre en étau l'Europe ». « Il est très difficile de parler d'une Opep de gaz, car le marché gazier est différent du marché du pétrole. Si le marché du pétrole est liquide et répond à l'offre et à la demande, celui du gaz est régional et rigide », a expliqué le ministre algérien de l'Energie à la presse, à l'issue de ses entretiens avec le ministre russe de l'Industrie et de l'Energie. Cependant, M. Khelil n'a pas écarté la possibilité de création d'un marché de gaz liquide d'ici 20 à 30 ans. « Il est fort possible que dans 20 à 30 ans le marché du gaz sera un marché très liquide et peut-être à ce moment-là, le marché du gaz ressemblera au marché pétrolier actuel », a-t-il estimé. Mais pour dissiper durablement les craintes de Bruxelles - qui n'arrive plus à fermer l'œil depuis la crise du gaz qui a opposé l'an dernier Moscou à l'Ukraine - et garantir que leur coopération ne résultera pas nécessairement sur une augmentation des prix du GNL, Alger et Moscou se sont même engagées à renforcer la sécurité et la fiabilité du marché mondial. Les déclarations de Chakib Khelil et de Viktor Khristenko suffiront-elles à rassurer une Union européenne dont le rêve secret est, selon de nombreux experts des questions énergétiques, de voir Sonatrach et Gazprom se faire la guerre afin de pouvoir dicter son jeu ? Conclusion d'un mémorandum d'entente Difficile de répondre à la question. Quoi qu'il en soit, l'Algérie n'a jamais entrepris une action - politique ou autre - susceptible d'être perçue comme une volonté de sa part de prendre en otages les Européens. Au contraire, les autorités algériennes se sont toujours fait un devoir d'assurer la pérennité des approvisionnements - et pendant très longtemps à des conditions peu avantageuses -, même durant les pires moments vécus par le pays. Ainsi, si l'Algérie et la Russie paraissent vouloir honorer, pour longtemps encore, leur statut de fournisseurs fiables de l'Europe en matières énergétiques, elles ont tenu aussi à faire comprendre qu'elles ne poseront pas de limites à leur partenariat bilatéral. Cela même si les appréhensions de l'Europe venaient à perdurer. La remarque vaut autant pour le secteur de l'énergie que pour ceux de l'électricité et du nucléaire. Justement, il est à signaler qu'au plan du factuel, les ministres algérien et russe de l'Energie ont signé, hier, un mémorandum d'entente et de coopération dans le domaine de l'énergie. Ce mémorandum constitue un cadre de coopération et de suivi de la concrétisation des projets définis par les deux parties et qui touchent différents segments de la chaîne énergétique (exploration, production, commercialisation et transport). M. Khelil a exprimé, à l'issue de la cérémonie de signature, sa satisfaction des « résultats concrets » obtenus par les deux parties, notamment la décision d'avancer dans la concrétisation du projet de développement de la découverte du gaz réalisée par l'association Sonatrach et les russes Rosneft-Stroytransgaz dans la région d'Illizi dans l'extrême Sud algérien. Le développement de cet imposant projet, dont l'investissement est estimé à un montant de 3 à 5 milliards de dollars, doit permettre aussi de « démontrer que des sociétés russes peuvent entrer en concurrence avec d'autres sociétés et arriver à des résultats très positifs en Algérie », a ajouté M. Khelil. Le ministre algérien de l'Energie a souhaité également que ce « modèle soit suivi par d'autres sociétés russes (comme Gazprom et Loukoil) dans le secteur de l'exploration et la production », et que des relations de coopération soient développées dans d'autres segments, tels que la commercialisation et le transport du gaz. Relevant l'intérêt des sociétés russes pour le secteur des infrastructures énergétiques comme l'électricité, le ministre s'est dit tout aussi satisfait du fait que les deux pays se soient mis d'accord sur le principe de développer, dans le futur, une coopération dans le domaine de l'énergie nucléaire.