Le nombre d'accidents de la circulation en Algérie a atteint un seuil critique. Notre pays est classé parmi ceux qui enregistrent le taux d'augmentation le plus alarmant et qui a des répercussions dramatiques sur le plan social et économique. C'est la Gendarmerie nationale qui a abouti à ces conclusions dans un rapport rendu public, hier, et qui a mis en exergue que la situation est devenue intenable. Selon les statistiques fournies, l'année 2006 a enregistré 24 193 accidents, 3379 morts et 41 091 blessés. En 2005 déjà, les chiffres étaient inquiétants : 22 684 accidents, 2932 morts et 38 857 blessés. Les causes restent le comportement humain (87,51%) suivi de l'état du véhicule (6,58%) et de l'état des routes et l'environnement (5,90%). Plus précisément, les causes sont la vitesse excessive avec 5501 cas (29,87%), la non-maîtrise du véhicule avec 3920 (21,30%), dépassements dangereux avec 2744 cas (14,91%), non- respect de la distance de sécurité entre les véhicules avec 1531 cas (8,32%), circulation à gauche avec 1234 cas (6,70%), non-respect de la priorité avec 798 cas (4,34%) et même les délits de fuite avec 160 cas (0,87%). Le mois qui a connu le pic est août. Le mercredi est la journée de la semaine où il y a le plus d'accidents entre 14h et 18h. Les jeunes, dont la tranche d'âge varie entre 18 et 29 ans, sont responsables à 34,40% des cas des accidents suivis de 28,90% des jeunes de 30 à 39 ans qui sont responsables aussi des accidents. La manque de marquage, maillon faible Sétif est la wilaya où les chauffards sévissent le plus (18,80% des accidents), talonnée par Alger (15,44%) et Oran (9,91%). La RN 5 reliant Alger à Constantine est la plus meurtrière avec 1430 accidents (27,58%) ainsi que la RN 4 reliant Alger à Oran qui a enregistré 968 accidents (18,67%). Les conséquences de ces accidents sont catastrophiques, plongeant des milliers de familles dans le deuil suite à la perte cruelle d'un parent ou d'un proche. Certains paient un lourd tribut en devenant handicapés. En 2006, ils représentaient 10% de la totalité des victimes, soit le nombre de 3000 handicapés moteurs. Le Trésor public a dû débourser des sommes colossales, estimées à 100 milliards de dinars l'année dernière, pour la prise en charge médicale des victimes, et cela au détriment des autres secteurs prioritaires. Pourtant, avec la promulgation de la loi 16-04 du 10 novembre 2004 portant nouveau code de la route, tous les espoirs étaient permis. La Gendarmerie nationale affirme même qu'il a contribué à baisser le nombre d'accidents dans un premier temps avant que les fous du volant reviennent à la charge. « Il est vrai que chaque année, il est programmé des actions de sensibilisation qui visent à lutter contre l'insécurité, mais malheureusement, elles sont vouées à l'échec au vu de son aspect classique et routinier, car la réalité du terrain a prouvé que la règle numéro un de la prévention reste la peur des sanctions », souligne le rapport de la Gendarmerie qui va plus loin encore dans l'analyse : « Cette expertise confirme encore une fois que le phénomène de l'insécurité routière est devenu inquiétant à telle enseigne qu'il s'est transformé en un fléau social qu'il faut combattre avec la plus grande rigueur et rationalité en adoptant une politique globale et cohérente. » Il faut, préconise-t-on, analyser les comportements irresponsables et étudier les mesures à prendre sur le terrain. Il y a aussi plusieurs facteurs qui ont contribué à cette situation désastreuse. Il faut savoir que le parc national automobile est passé de 2 200 000 véhicules en 1996 à 4 650 000 véhicules en 2006, soit une augmentation de 2 450 000 véhicules, dont 20% ont plus de 20 ans d'âge. Le parc connaît néanmoins un renouvellement continuel suite à « l'ouverture du marché algérien ». 324 points noirs, sources d'accidents de la circulation, ont été recensés et transmis au ministère des Travaux publics qui les a pris en charge. 27 sont en cours d'étude et 32 le seront en 2007 pour réduire l'ampleur de l'enfer des bouchons. Ce ministère s'est engagé aussi à l'achèvement des grands travaux, des trémies et particulièrement l'autoroute Est-Ouest. L'autre maillon faible est le manque de marquage. Il faut savoir également que le réseau routier national s'étend sur 109 452 km dont 28 275 km de routes nationales, 23 926 km de chemins de wilaya et 75 251 km de chemins communaux. Il assure actuellement près de 90% du volume des échanges. Cela reflète la prédominance du mode de transport routier par rapport aux autres modes (ferroviaire et marin). Le rapport préconise une série de mesures qui peuvent améliorer la situation. La première est de durcir les sanctions surtout lorsqu'il y a mort d'homme. La tolérance zéro est prônée. Il faut interdire la vente aux enchères des véhicules réformés des entreprises publiques qui ne sont pas aptes à circuler et combattre l'importation des pièces détachées contrefaites, un marché estimé, selon certaines sources, à plus de 150 millions de dollars/an. Il demeure non contrôlé et se trouve livré à toute forme de spéculation (importation informelle, sans facturation). Des recommandations ont été transmises par ce corps constitué à l'ensemble des secteurs concernés par la sécurité routière stipulant notamment « l'incrimination des infractions » qui mettent en danger la vie de l'usager et celle des autres. La Gendarmerie nationale recommande également de revoir l'application des amendes forfaitaires par la mise en place de « tribunaux de simple police » susceptibles de faire accélérer la procédure. Elle a aussi recommandé l'implication des assurances en imposant des polices d'assurance plus conséquentes contre les récidivistes en matière d'infractions ainsi que de reverser une partie de ces fonds au profit du Centre national de la prévention et de la sécurité routière.