La contrefaçon des pièces de rechange automobiles était hier le thème d'une conférence organisée à l'initiative de six équipementiers de renommée mondiale à l'hôtel Sofitel à Alger, en collaboration avec la mission économique de l'ambassade de France et les Douanes algériennes. Bendix Jurid, Corteco Meillor, Dana Perfect Circle, Eyquem, SNR roulements et Valeo, firmes durement affectées par la contrefaçon, ont tiré la sonnette d'alarme lors de cette rencontre à laquelle ont participé le directeur général des Douanes, Sid-Ali Lebib, des cadres du ministère du Commerce, des importateurs de pièces de rechange, des représentants de la Sûreté nationale et de la Gendarmerie nationale ainsi que des juristes. Triste réalité du paysage industriel », telle que qualifiée par les professionnels de la pièce de rechange, la contrefaçon représente actuellement entre 5 et 10% des pièces de rechange dans l'automobile, induisant une perte estimée à 10 milliards d'euros dans le monde entier. Avec le Nigeria, l'Algérie est considérée comme le pays africain le plus consommateur de pièces détachées et par conséquent de pièces détachées contrefaites. Le marché de la pièce de rechange algérien est évalué entre 250 et 300 millions de dollars chaque an. La contrefaçon qui affecte 10% de ce marché induit des pertes économiques pour notre pays estimées à près de 80 millions de dinars par an. Ce fléau a connu son essor, selon le directeur général des Douanes algériennes, M. Lebbib, avec l'ouverture du marché algérien au commerce international et ses incidences se font ressentir de plus en plus actuellement avec le démantèlement progressif des barrières tarifaires et non tarifaires instaurées par le nouvel ordre commercial international de l'Organisation mondiale du commerce. Pour étayer leur thèse, les services des Douanes font état de la saisie récente de conteneurs transportant 1000 pièces contrefaites de marque Valeo, ainsi que plus de 20 000 de marque Eyquem. Cette saisie représente cependant une partie infime de ce qui est quotidiennement acheminé vers l'Algérie. La Chine et la Turquie qui représentent, selon les spécialistes, la plaque tournante de ce trafic sont à l'origine de 53% de la marchandise contrefaite qui entre dans le territoire algérien. 30% de cette dernière nous arrivent d'Europe, principalement de France, de Hollande, d'Espagne et d'Allemagne et 8% proviennent des pays arabes, principalement, la Syrie , l'Egypte et Dubaï. Ces produits contrefaits transitent généralement par l'île de Malte, puis par le port de Marseille, informent encore les spécialistes. « En Asie, en Chine particulièrement, dès qu'un atelier de contrefaçon est découvert et détruit, il s'en construit un nouveau aussitôt », regrette un équipementier présent à la rencontre. Il reste à agir en aval, c'est-à-dire au niveau du contrôle douanier mais ce dernier demeure, cependant insuffisant. « Nous contrôlons physiquement 2 à 3 % de la marchandise qui transite par le port de Marseille », informe un représentant des Douanes françaises. Du côté algérien, c'est également la même assertion. Selon le DG de la Douane, malgré la refonte du code des douanes en 1998 , le cadre juridique demeure insuffisant, de même que la formation des douaniers, non « rodés » à la reconnaissance de marchandise contrefaite. Autre problème soulevé par les Douanes, celui du suivi judiciaire de l'affaire après la saisie. Les importateurs dénoncent de leur côté les délais trop longs de la procédure qui suit la constatation de l'existence de marchandise contrefaite (huissier-police-justice) et qui laissent tout le loisir aux trafiquants de dissimuler la marchandise. Devant l'ampleur de ce phénomène et la difficulté d'y faire face, les équipementiers recommandent comme dernier ressort la sensibilisation des consommateurs au danger sur la santé humaine de l'utilisation de pièces détachées contrefaites. Les accidents de la route dus à la défaillance technique représentent actuellement un taux de 8%. Le contrôle technique des véhicules qui touche actuellement les véhicules de transport, devra s'élargir aux véhicules utilitaires dès le début de l'année prochaine et touchera dans une première phase les véhicules vieux de plus de 20 ans, a expliqué un cadre du ministère des Transports présent à la rencontre.