Les douze candidats à l'élection présidentielle ont jeté leurs dernières forces dans leurs ultimes meetings, — la campagne pour le 1er tour s'étant achevée vendredi à minuit — pour convaincre les indécis. Jamais campagne électorale ne se sera achevée avec un nombre d'hésitants aussi élevé : un électeur sur trois, soit environ 17 millions, ce qui est impressionnant. Les sondages, malgré leur nombre et leur diversité, n'ont pas permis de donner des indications précises sur les deux candidats qui se distingueront dimanche. Les pronostics sont contradictoires, si Nicolas Sarkozy est présenté comme le favori de cette campagne électorale, pour l'affronter au second tour, les sondeurs avancent tantôt Ségolène Royal, tantôt François Bayrou, ou Jean-Marie Le Pen comme le pronostique le dernier sondage CSA pour Le Parisien. Le « vote utile » dès le premier tour, dimanche, auquel appelle la candidate socialiste tant le traumatisme du 21 avril 2002 est encore vivace - à la surprise générale, Jean-Marie Le Pen se qualifiait pour le second tour de la présidentielle au détriment de Lionel Jospin - sera-t-il la clé de cette élection ? Jamais concept n'aura été aussi pressant. L'enjeu est crucial. Il s'agit d'assurer l'élection de la candidate socialiste au premier tour en convainquant les 17 millions d'électeurs qui, à deux jours du premier tour, n'ont pas encore fait leur choix. Faut-il utiliser « vote utile » dès le premier tour dimanche ou attendre le second le 6 mai prochain ? Les autres candidats de gauche qui privilégient le vote d'opinion, estiment que le « vote utile » est dangereux pour la gauche parce qu'il favoriserait plus le candidat centriste François Bayrou que la socialiste Ségolène Royal. Vote « utile » ou vote d'« opinion » ? La candidate communiste, Marie-George Buffet, a exhorté jeudi à Marseille les électeurs à ne pas « se tromper de vote utile ». « La meilleure façon de ne plus avoir de 21 avril, c'est que la gauche ait le courage d'affronter la droite. La principale menace, c'est le vote utile qui fait glisser toute la vie politique à droite », a-t-elle ajouté. Olivier Besancenot, 33 ans, le benjamin des candidats, conforte sa position de favori de la gauche antilibérale. Le candidat de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) estime qu'« une élection se gagne à gauche en recréant l'espoir sur les questions sociales », et non en « chassant sur les terres de la droite », même celle de François Bayrou dans une tribune publiée dans Le Monde daté de jeudi. La porte-parole de Lutte ouvrière, Arlette Laguiller, qui en est à sa sixième et dernière élection présidentielle, estime que l'appel au « vote utile » lancé par le Parti socialiste pour éviter une répétition du scénario de 2002 et l'élimination de Lionel Jospin « peut peut-être nous faire du tort ». La candidate des Verts, Dominique Voynet, a déclaré mardi sur RTL que la candidate socialiste se devait d'aller « chercher les voix qui se baladent du côté de l'UDF aujourd'hui » au lieu de soumettre ses partenaires à la pression du « vote utile ». Le Parti socialiste, par la voix de son premier secrétaire, François Hollande, soutient, au contraire, que « si on veut que la gauche soit en situation de diriger le pays, il faut voter Royal dès le premier tour ». François Bayrou, quant à lui, annonce sa « révolution orange » dimanche dans les urnes. Ségolène Royal propose une « France apaisée » Ségolène Royal avec la « France présidente » propose une France « apaisée », « réconciliée », « rassemblée », « forte ». « D'un côté, la brutalité (allusion à Nicolas Sarkozy, ndlr), et moi je vous propose de réformer sans brutaliser la France ». « Je veux que l'ordre juste remplace les désordres injustes, que la loi du plus juste remplace la loi du plus fort, je veux une France qui cesse de dresser les Français les uns contre les autres », a-t-elle ajouté. Ségolène Royal estime que Nicolas Sarkozy a « dérapé de façon scandaleuse » pour attirer les électeurs du Front national et affirme que le candidat de l'UMP est porteur d'un « risque de fracture républicaine ». A Toulouse où elle a reçu le soutien du Premier ministre espagnol Zapatero et de Danielle Mitterand, Ségolène Royal a redit que « la France présidente tiendra sa promesse égalitaire ». « La France présidente n'a pas le masque de la peur parce que la peur est l'ennemi irréductible de la liberté du citoyen. » Et aussi, le projet du candidat de l'UMP « c'est de prendre le pouvoir. Le mien c'est de vous le rendre pour écrire avec vous l'histoire. Son projet, c'est lui, mon projet, c'est vous ! » François Bayrou annonce sa « révolution orange » Au centre, François Bayrou se présente comme « le seul vote utile ». « Le seul vote utile, c'est celui qui permet en même temps la victoire au second tour et la recomposition de la vie politique française. Je suis le seul qui puisse devancer Nicolas Sarkozy au second tour et le seul capable de faire bouger les lignes. » En meeting à Lille, il affirme : « Il va arriver un grand changement dimanche. Je suis sûr que le peuple de France est en train de préparer une de ces surprises dont il a le secret et cette surprise-là, à la différence de 2002, sera dans un esprit positif, constructif. » Le candidat de l'UDF qui se considère comme le mieux placé pour battre Nicolas Sarkozy fait des appels du pied à l'électorat traditionnel de gauche, et plus particulièrement aux indécis. Il est persuadé d'être au second tour : « Je me prépare depuis longtemps à cette confrontation avec Nicolas Sarkozy. Et ce sera chaud. » Il pense que les nombreux électeurs indécis vont pencher en sa faveur, sachant que « 90% d'entre eux hésitent entre Nicolas Sarkozy et moi » ou entre « Ségolène Royal et moi ». Nicolas Sarkozy, favori des sondages Pour sa part, Nicolas Sarkozy est présenté comme le candidat de la droite dure, du libéralisme économique. C'est le favori des sondages. Son équipe prépare déjà l'après-22 avril. Dijon, Paris, Montpellier, Clermont-Ferrand recevront la visite du candidat de l'UMP à partir du 23 avril. Dans les colonnes du Figaro du 18 avril, le candidat de l'UMP soutient que « le vrai sujet de cette présidentielle, ce sont les valeurs », affirmant qu'il ne mène pas « un combat politique mais un combat idéologique ». Récusant l'idée d'une « droitisation » de l'électorat, il maintient qu'il parle « d'identité nationale parce qu'(il) pense que les gens ont besoin de repères ». Le Pen convaincu d'être au second tour En meeting à Nice, Jean-Marie Le Pen a prédit une « grande vague nationale qui va balayer l'oligarchie en place » au premier et au second tours de l'élection présidentielle. Dans une interview publiée par le quotidien Metro, le président du Front national affirme qu'il est convaincu d'être présent au second tour de l'élection présidentielle et que le candidat de l'actuelle majorité gouvernementale, Nicolas Sarkozy, pourrait en être exclu. ll affirme que s'il est élu, il procédera à un audit et décrétera « l'immigration zéro pendant un temps donné ».