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« Le pluralisme des médias, une lutte culturelle »
Armand Mattelart. Président de l'Observatoire Français des Médias
Publié dans El Watan le 11 - 02 - 2007

Professeur émérite de l'Université Paris VIII, Armand Mattelart est Président de l'Observatoire Français des Médias depuis 2003. Historien et théoricien critique de la communication, il est l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages sur les médias, la publicité, les TIC, les questions culturelles, l'internationalisation des systèmes de communication. Dans cet entretien, il nous livre quelques réflexions sur les enjeux qui travaillent les médias et l'information.
Dans les années soixante-dix, le nouvel ordre mondial de l'information et de la communication (NOMIC) a été un moment fort dans la revendication d'un système international de la communication et de l'information plus équilibré, moins inégal. Aujourd'hui, ces inégalités se sont approfondies, exacerbées, au niveau de la production et de la circulation de l'information, du fait, entre autres, du processus de concentration. A cela s'ajoute un abandon des politiques publiques dans la maîtrise sociale et la gestion démocratique des T.I.C, et de l'audiovisuel. Sans céder à la nostalgie, ou à l'anachronisme historique, pensez-vous que la revendication d'un autre ordre de l'information et de la communication est encore d'actualité ?
Cette revendication est plus que jamais d'actualité. Mais à la différence des années soixante-dix, il y a aujourd'hui une maturation sur ces questions dans de nombreux pays, dans de nombreuses sociétés, qui va dans le sens de la nécessité de changer les règles du jeu dans ces domaines. Il suffit de regarder les mobilisations citoyennes autour des débats internationaux, comme par exemple la convention sur la diversité culturelle, les discussions au sein de l'Union internationale des télécommunications, sur l'architecture future de la société de l'information. A chaque fois, il y a eu une forte mobilisation au plan mondial, mais aussi une réflexion, des diagnostics pertinents, et par conséquent l'accumulation d'un savoir politique, technique, économique considérable sur ces questions. C'est une différence d'importance par rapport aux années soixante-dix. Une des faiblesses dans ces années-là, c'est qu'à la différence des lobbies des grands groupes, des firmes multinationales de l'information, de la communication et des technologies qui eux se sont construits dès cette période en groupe de pression, les sociétés, les associations, les groupes de citoyens n'avaient ni espace d'intervention, ni marge de manœuvre.
En dépit de l'action de certains Etats Non-alignés ?
Oui, malgré le rôle de ces Etats. Dans les Non-alignés, nombre d'Etats utilisaient la revendication du NOMIC pour verrouiller l'expression de leurs créateurs, chercheurs, intellectuels, cinéastes, journalistes, sans parler de leur répression brutale.
Au nom d'une supposée « souveraineté nationale de l'information... »
Oui. La réalité de cette revendication, telle qu'elle s'est exprimée à cette époque, était très contradictoire, très ambiguë. Je me rappelle du discours d'un Président indonésien contre la domination occidentale, alors qu'il venait d'assassiner des centaines de milliers de progressistes et de démocrates de son pays qui luttaient justement contre cette domination.
Les Etats occidentaux n'ont pas non plus admis le NOMIC...
On ne trouve pas trace de sympathie des Etats occidentaux pour cette revendication. Au-delà des intérêts économiques et des enjeux politiques qu'il leur fallait protéger coûte que coûte, il y avait aussi un profond ethnocentrisme qui empêchait la prise en considération d'une revendication exprimée par les anciens pays colonisés devenus indépendants.
Cela n'a pas empêché la prise en charge du NOMIC par des organisations internationales, à l'image de l'Unesco et de la commission dirigée par l'Irlandais Sean Mac Bride...
En s'engageant dans ce combat, l'Unesco de cette époque a fait franchir à la légitimité de la théorie critique de la communication, un saut fondamental. Cela ne veut pas dire que des résistances conservatrices fortes, entre autres celle des Etats-Unis d'Amérique, ne s'exprimaient pas au sein même de cette institution contre ces nouvelles revendications. L'influence des USA au sein de celle-ci, dans ces années-là, était encore grande, même si elle n'avait plus le même poids que dans les années cinquante/soixante. Le solde de toute cette phase critique a été la sortie des USA et de la Grande-Bretagne de Thatcher de l'Unesco. A partir de ce moment là, l'Unesco est entrée dans une période d'hibernation, qui n'en finit d'ailleurs pas, à tel point que tout ce qui peut s'identifier de près ou de loin aux recommandations de la Commission Mac Bride sur les médias, et plus largement à tous les débats qui ont commencé à la fin des années soixante et duré jusqu'à la fin des années soixante-dix, a été effacé, toute cette accumulation de connaissances, de diagnostics, de propositions, a été occultée.
Passée à la trappe...
Oui, à la trappe, et notamment une question centrale qui avait été posée par l'Unesco dès le début des années quatre-vingts, juste avant les politiques de dérégulation. Cette question soulevait le grave problème de la concentration capitalistique des industries culturelles. Aujourd'hui, l'Unesco organise des conférences sur l'avenir de l'humanité, sur la société de la connaissance, du dialogue des cultures, de la diversité, alors que dans la réalité, les instances de l'institution qui s'occupent de ces questions développent des visions totalement abstraites, déconnectées des problèmes fondamentaux, parmi lesquels ceux de la concentration de la propriété des médias au profit des grands groupes. Du coup, on a l'impression que cette institution est devenue complètement schizophrène, puisque la question stratégique de la concentration est occultée.
On parle d'ailleurs de mégaconcentration...
Tout à fait, une mégaconcentration des industries culturelles et médiatiques et des sources de production du savoir.
Quel rôle joue l'Observatoire français des médias (OFM), que vous présidez ?
L'Observatoire est un espace où s'échangent les points de vue, les analyses, les expériences d'associations citoyennes critiques, de chercheurs, de journalistes, de syndicalistes, d'associations éducatives. Son existence est historiquement pertinente. Elle se justifie pour de nombreuses raisons. Il fallait imaginer un contrepoids au système des grands groupes médiatiques, indépendamment des TIC, d'Internet, qui ne peuvent être une alternative, quelles que soient les possibilités qu'elles offrent à l'hégémonie de ces groupes. L'Observatoire est le lieu de l'interrogation nécessaire sur les dispositifs de pouvoir que se donnent ces grands groupes. Nécessité donc d'un tel lieu. Quant à la réalisation de ce projet, j'arrive à la conclusion qu'il est très difficile de mobiliser les citoyens autour d'un tel objectif. On recueille ici les points aveugles, les zones d'ombre de la réflexion des courants démocratiques et progressistes dans ces domaines.
Comment expliquer de telles carences ?
Je pense que la question de la vie quotidienne, et d'une manière plus large de tout ce qui constitue et fabrique les micromécanismes de l'aliénation, n'a jamais été véritablement posée, débattue. Les seuls à avoir soulevé ces questions se recrutent dans des milieux très isolés qui ont lutté pour un tiers secteur des médias, pour une communication alternative. Il est de toute importance d'étendre, de développer, d'élargir ce type de réflexion. Une des missions de l'Observatoire est de favoriser une culture critique de la communication qui permette progressivement de mettre le problème des médias, et surtout des grands groupes médiatiques, au cœur du questionnement du fonctionnement de la démocratie.
N'y a-t-il pas également dans ce projet un intérêt accru pour la question du service public des médias ?
C'est un problème essentiel, central. Beaucoup de groupes qui militent pour un changement dans les médias, se rendent compte qu'il n'y a pas moyen de s'isoler dans une enclave qu'on appellerait un « tiers secteur », un secteur alternatif, avec radios et télévisions communautaires, journaux alternatifs, etc. S'il faut défendre et développer ce tiers secteur, il est fondamental de se poser la question des politiques publiques, d'interroger le service public de l'audiovisuel et ses dérives. Il faut aussi s'interroger sur le statut des grands groupes privés, qui devraient rendre compte de l'usage qu'ils font du spectre des fréquences qui est un bien commun. Il faut donc mobiliser sur ces trois points, ces trois aspects, tiers secteur, politique publique et service public et statut des groupes audiovisuels privés, afin de dépasser le cercle des convertis. Il faut arriver progressivement, à travers une culture de la communication critique, à rassembler plus de gens autour de ces questions et ça ce n'est ni simple, ni facile. Il faut que nous puissions mobiliser une masse critique suffisante.
C'est une démarche de longue haleine...
C'est un processus long. Il est plus facile de faire sortir les gens dans la rue pour protéger leur régime de retraite que de défendre le service public des médias. Quand on analyse la difficulté à mobiliser dans ces secteurs on pose, on adresse en vérité, une question à un problème qui est de plus en plus fondamental, qui est celui de la nature des luttes culturelles de notre siècle. La question des médias fait partie des nouveaux types de luttes culturelles pour la reconnaissance de droits sociaux ; ici les droits à la communication, à l'information, qui sont essentiels en ce 21e siècle. Sinon, on reste plongés dans les contradictions sans fin. On a des tas de discours sur la société de l'information, de la connaissance, et finalement on ne s'interroge plus sur les processus de concentration des médias. On est dans le plus pur idéalisme.
Qu'en est-il du pluralisme des médias en France ?
J'estime qu'il va très mal. On a eu un indice historique avec la campagne médiatique sur le Traité constitutionnel européen. On a très bien vu à cette occasion que les élites médiatiques, dans leur grande majorité, avaient choisi, et ce dans le cadre de leur activité professionnelle, de défendre unilatéralement le OUI au Traité.
Du coup, se pose la question de la signification du pluralisme, du service public, de la démocratie...
Absolument. Qu'en est-il du fonctionnement de la démocratie si les expressions contradictoires et plurielles sont censurées, caricaturées, tronquées ? Il y a eu du côté des partisans du OUI un refus total de discuter des problèmes fondamentaux posés par le Traité. Par exemple, et puisque nous en parlons, le terme service public n'y figurait pas et avait été remplacé par celui, si mes souvenirs sont bons, de service d'intérêt général.
Oui, et service d'intérêt économique général...
C'est ça. Ce qu'il faut retenir avec cet épisode du Traité, la leçon de ce moment, c'est que les élites médiatiques ont très majoritairement convergé avec les élites économiques et politiques. Ces partis pris, ce déni du pluralisme de l'information médiatique, de rendre compte honnêtement de la pluralité des positions, dont a fait preuve une très grande majorité des médias, tous supports confondus, durant cette campagne référendaire, permet de mieux comprendre pourquoi les sociétés occidentales et une partie conséquente de leurs élites, restent profondément ethnocentristes et ne comprennent pas, ne veulent pas comprendre ce qui se passe dans le monde.
A quoi correspond le parti pris de ces élites ?
C'est un modèle politique et idéologique qui produit ces intellectuels organiques. Durant ces dernières années on est stupéfait par la difficulté d'engager un vrai débat sur les crises globales qui secouent le monde. C'est assez surprenant comme situation dans un pays démocratique. Il y a tout de suite un biais qui empêche tout débat, qui empêche de poser les vraies questions que ce soit au plan national ou international.
Qu'en est-il de la concentration des médias en France, de la structure de la propriété ?
Nous assistons à une vraie rupture par rapport à une évolution antérieure. Lorsque l'on compare l'état actuel des médias et celui que voulait le Conseil national de la résistance (CNR), à la sortie de la seconde guerre mondiale, à la Libération, on constate la perte d'une philosophie fondée sur le service public, et en même temps une accélération du processus de concentration, qui fait que pouvoir idéologique, pouvoir économique et pouvoir politique convergent.
On entend souvent dire, en réponse à ce constat, que la possession des médias par les grands groupes est une garantie pour le pluralisme et la démocratie.
C'est une aberration. C'est exactement ce que pense Georges W. Bush. A la fin de la guerre du Vietnam, l'Administration américaine estimait que la concentration des médias était une mauvaise chose, pour la bonne raison qu'elle avait induit une condamnation unanime de la guerre. Le rapport de la Trilatérale disait cela. D'où une proposition de loi antitrust pour les médias censée casser la concentration. Aujourd'hui, G.W. Bush favorise la concentration de la propriété dans les médias, parce que ceux-ci sont détenus par des groupes idéologiquement néoconservateurs, qui soutiennent totalement ses orientations et ses choix politiques. Pour en revenir à la France, on constate que le processus de concentration des médias est très avancé. Au niveau de la presse écrite, les difficultés sont très sérieuses. De nombreux titres se morfondent. D'autres comme Le Monde et surtout Libération sont plongés dans des logiques et des problèmes financiers qui mettent en jeu leur existence. Indépendamment de la propre dérive de ces titres de presse vers l'a-criticisme, il est évident que ces processus de concentration mettent en danger leur existence. Bien entendu, nous sommes solidaires des journalistes. Mais il serait temps que l'on définisse avec plus de clarté le contenu de cette solidarité.
Quels en seraient les termes ?
Il serait bien par exemple que l'action de l'Observatoire, ou celles de lieux critiques des médias, ne soient pas perçues par les journalistes comme des tentatives de les museler, de les surveiller, de les censurer, et qu'ils considèrent l'existence de ces lieux et de leurs acteurs comme faisant partie d'un nécessaire processus de réflexion conjointe sur une système et une organisation des médias et de l'information qui aujourd'hui sont peu profitables à la citoyenneté.
Un système et une organisation qui remettent en question les journalistes, jusque dans leur existence professionnelle...
Précisément. Et c'est cette organisation, c'est ce système que l'Observatoire veut analyser, discuter, critiquer, remettre en question. Pas les journalistes.


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