Hier, plus de 24 heures après les trois attentats à l'explosif qui ont secoué trois villes du département, faisant 4 morts et 23 blessés, la population de Boumerdès commentait encore l'événement. Pendant que l'armée a mobilisé ses hélicoptères qu'on a vu tournoyer au-dessus des maquis de Thenia, Si Mustapha et Souk El Had, les autres corps de sécurité se sont déployés d'une manière plus remarquable. Sur les lieux des attentats, à Boumerdès et à si Mustapha notamment, l'heure était à la réhabilitation des lieux. Mais c'est plutôt la méthode et « la facilité » avec laquelle les terroristes ont pu commettre ces attentats qui animent le gros des discussions. En effet, « aucun attentat sur les six programmés n'a été déjoué, et leurs auteurs ont partout pu prendre la fuite », commente-t-on. A Si Mustapha et à Boumerdès, les terroristes chargés de déposer les voitures piégées devant la brigade de la gendarmerie et la sûreté urbaine respectivement ont agi exactement de la même manière qu'à Réghaïa, il y a deux mois : stationner le véhicule juste devant l'institution ciblée et prendre la fuite à bord d'un autre véhicule qui attend non loin de là. Sauf que cette fois, ils ont utilisé des « véhicules prestigieux pour n'éveiller aucun soupçon ». Bien que ce soient des véhicules volés, selon les renseignements dont nous disposons. A Boumerdès, c'est un véhicule de type Mitsubishi qui a été utilisé. La voiture a été stationnée juste devant le commissariat. La plaque d'immatriculation retrouvée sur les lieux porte l'année 1999 et le numéro du département 35, selon le témoignage de citoyens arrivés parmi les premiers sur les lieux. Un camescope retrouvé à la sortie est de la ville, non loin du Centre de repos familial (CRF), sans la bobine, indique-t-on, laisse entendre que les terroristes ont filmé la scène. Mais jusqu'ici aucun témoignage n'est tout à fait clair sur les circonstances dans lesquelles sont arrivés et repartis les criminels. A Si Mustapha par contre, l'attentat ayant eu lieu sur une voie à grande circulation, une rue commerçante aussi, les témoignages recoupés donnent deux versions. Selon la première, le terroriste, qui a abandonné la Renault Safrane juste devant l'entrée de la brigade, une fois tout près du véhicule de son complice à bord duquel ils devaient prendre la fuite en direction des Issers, s'est mis à vociférer des insultes en direction des gendarmes quelques secondes seulement avant l'explosion. Mais ceux-ci étaient pris de court, indique-t-on, car l'explosion qui a suivi a couvert la retraite des criminels. La deuxième version, que nous donnaient hier les habitants de la localité, indique, au contraire, qu'il n'y a eu aucun signe avant l'explosion. Un citoyen de l'ex-Felix Faure précise que « la Renault Express dont on a parlé hier était juste à hauteur de la voiture piégée au moment de l'explosion. Elle venait dans le sens inverse (vers Alger) et l'explosion l'a soufflée littéralement et elle a percuté un arbre juste devant le café de l'autre côté de la rue. Ses 4 occupants, dont une femme, sont morts carbonisés. J'ai vu les corps brûler », témoigne un responsable de l'APC, arrivé sur les lieux dans les minutes qui ont suivi. « La moitié du moteur du véhicule piégé a été projetée à plus de 200 m. Et c'est grâce à cette partie qu'un mécanicien identifiera le type de véhicule utilisé », nous dit-on. Hier, les familles sinistrées suite à cet attentat, et dont les habitations ont été totalement détruites, sollicitaient l'aide des autorités pour leur relogement. « Elles sont au nombre de six. Nous leur avons proposé le centre culturel de la ville, mais elles refusent. C'est tout ce que nous avons », nous a déclaré le P/APC de Si Mustapha, M. Zanaz. Un chef de famille nous a dit qu'il attendait encore une décision du chef de daïra, mais à la wilaya, un responsable a déclaré à des confrères que dans l'immédiat, c'est tout ce que les autorités peuvent faire. Par la suite, les personnes touchées seront dédommagées suivant les dispositions du décret 45-99 qui fixe les modalités d'indemnisation des citoyens victimes des actes terroristes. Il s'avère que même les assurances ne couvrent pas ce genre de sinistre que « seul le fonds d'indemnisation répare ». Les citoyens touchés attendent, depuis que les attentats ont eu lieu, qu'un haut responsable de l'Etat vienne au moins les consoler. En vain. Le jour de la catastrophe, le nom du ministre de l'Intérieur était sur toutes les lèvres. Mais il ne fera pas le déplacement. Hier, c'est le ministre de la Solidarité nationale qui était annoncé à Boumerdès. Les journalistes conviés à couvrir l'événement apprendront, après deux heures d'attente, que la visite a été finalement annulée. Si aucun indice n'est fourni par les services de sécurité, la piste des investigations semble « claire et ne fait aucun doute » : l'ex-GSPC devenu Al Qaîda-Maghreb.