Après avoir craint le pire, la coalition de centre-gauche au pouvoir a trouvé en son sein le sens de responsabilité et son instinct de survie lui a dicté de dépasser ses déchirements internes pour aller de l'avant. Le président Giorgio Napolitano a bien voulu donner, hier, une autre chance à l'Exécutif, à condition que le parlement renouvelle sa confiance à Prodi. Au lendemain de la démission du président du Conseil italien, Romano Prodi, mis en minorité au Sénat lors d'un vote sur les orientations de la politique étrangère arrêtées par son ministre Massimo D'Alema, le futur de la majorité de gauche semblait bien compromis. En effet, un gouvernement qui tombe à cause d'une marge de deux voix qui lui manquait pour obtenir le quorum au Sénat (160 voix), ne pouvait plus prétendre jouir d'une quelconque crédibilité. Une grande préoccupation s'était emparée des Italiens qui constataient impuissants l'instabilité politique qui commençait à se dessiner en ce qui concerne le futur de leur pays. Mais « Il Professore », comme l'appellent ses concitoyens, ne comptait nullement renoncer à exercer le pouvoir que les résultats des urnes du vote d'avril 2006, lui ont conféré. Il fit ce qu'il avait omis de faire au lendemain de son investiture : réunir tous ses alliés de la coalition de gauche et leur soumettre une plate-forme politique de 12 points, une espèce de pacte à sceller pour toute la durée du mandat de l'exécutif de Prodi, soit plus de 4 ans encore. Comme des écoliers penauds qui se sentent coupables de n'avoir pas saisi à temps le risque encouru au Sénat à cause de la petite majorité – deux sénateurs communistes ont fait défection à Prodi en s'abstenant de voter –, les compagnons de Prodi ont adhéré à son nouveau programme sans ciller. Même le point qui évoque la nécessité de procéder à des réformes du régime des retraites, perspective catégoriquement refusée auparavant par les deux partis communistes, mais fortement exigée par la Commission européenne, n'a pas dissuadé les leaders de l'extrême gauche d'apposer leur signature au bas du document. Il faut dire que Il Professore avait avertit ses hommes : s'ils refusaient de le suivre cette fois encore, il retournerait à ses cours et à ses étudiants de l'université de Bologne. Pis, ne voyant plus le projet de loi qui reconnaît les union libres, y compris pour les couples homosexuels, figurer dans le nouveau programme, les alliés de Prodi n'ont pas protesté, conscients que c'était là un autre compromis à consentir pour calmer l'agitation qui s'était installée entre les murs du Vatican, et que certains accusent volontiers d'avoir contribué à sonner le glas pour le gouvernement de Prodi. Mais cette soudaine pacification au sein de la majorité de gauche ne pouvait suffire au chef de l'Etat, Giorgio Napolitano, pressé par les leaders de la droite, dont l'ancien Premier ministre Silvio Berlusconi qui a déclaré que « l'agonie du gouvernement issu de la coalition de gauche n'allait pas s'arrêter ». Et comme dans un vrai mélodrame italien, l'homme qui a volé au secours de Prodi n'est autre que l'ancien vice-président du conseil de Berlusconi, Marco Follini. Un homme politique qui a commencé à militer dans les rangs de la Démocratie Chrétienne à l'âge de 18 ans et qui s'est écarté de la coalition de la Maison des libertés de droite suite à un profond désaccord avec Berlusconi. Créant son propre parti de droite « L'Italie du milieu », Follini a accepté de soutenir la coalition de Prodi, promettant même d'entraîner, rapidement, un autre dissident de la coalition de Berlusconi, le leader de l'Union des démocrates du centre Pier Ferdinando Casini. Voir son adversaire politique juré sauvé par deux de ses anciens plus fidèles alliés, Silvio n'aurait pu imaginer une issue plus cauchemardesque à l'événement qui avait semblé à la droite une occasion inespérée pour revenir au pouvoir. Mais Prodi devra encore attendre mardi ou mercredi, lorsque les deux chambres du parlement devront lui renouveler leur confiance, pour crier victoire.