Le chef du gouvernement italien sortant, Silvio Berlusconi, en mauvais perdant, s'est agrippé jusqu'à l'entêtement au fauteuil de chef de l'Etat, non pas pour sa personne, car trop conscient de ne pas jouir d'un consensus, mais pour y placer son bras droit Gianni Letta. Mais son candidat n'a pas survécu au premier tour du scrutin, la constitution italienne en prévoit quatre. Le vote du président de la République dans la péninsule ne se fait pas au suffrage universel, mais seuls les députés, les sénateurs et les délégués des régions, appelés grand électeurs, peuvent choisir la personne destinée à exercer cette fonction. La droite avait misé sur l'ancien secrétaire général de la présidence, que Berlusconi aurait voulu gratifier de la sorte pour ses services rendus au gouvernement précédant. Mais Letta n'a pas un passé politique brillant et il doit sa sortie de l'ombre à ses succès obtenus en négociant la libération des otages italiens enlevés par des groupes armés en Irak et en Afghanistan. Mais son aptitude à mener des tractations avec les services secrets et les chefs de la résistance irakienne et les talibans n'a pas suffit à convaincre de l'opportunité de son choix. En effet, il n'a récolté que 6 voix. Le sénateur à vie Giorgio Napolitano, 81 ans le prochain juin, ancien militant du PCI (Parti communiste italien) et l'un des responsables les plus estimés du parti des démocrates de gauche (DS) a obtenu 543 voix, mais déjà au 505e « Oui » prononcé par le président de la chambre des députés, l'autre communiste Fausto Bertinotti, des applaudissements se sont élevés dans la salle plénière du palais Montecitorio pour saluer la victoire de l'ancien ministre de l'intérieur. Car la majorité absolue suffisait à Napolitano pour être élu lors du dernier scrutin, alors que les trois premiers tours exigeaient d'atteindre les deux tiers de l'ensemble des voix des grands électeurs. Les votants de droite, surtout les élus du parti de Berlusconi Forza Italia et de son alliée la Ligue du Nord, ont préféré voter par des bulletins blancs, en signe de protestation. Mais l'ancien chef du gouvernement a rassuré les leaders de la gauche, en affirmant, à l'issue du vote, ne pas vouloir entreprendre d'actions hostiles contre Napolitano, mais que sa coalition « protestera si le nouveau président ne se montrera pas impartial ». Le onzième président de la jeune république italienne, née grâce au référendum qui a abrogé la monarchie au lendemain de la Seconde guerre mondiale, est un homme respecté et connu pour « sa dignité » et sa « fidélité à ses principes ». Même ses adversaires politiques lui vouent un grand respect et le définissent comme étant « le communiste le plus à droite », pour son penchant pour les réformes et le changement loin de la ligne dogmatique de certains de ses compagnons. Jeune, il rêvait de devenir cinéaste et a été acteur de théâtre. Diplômé en droit, cet ancien parlementaire européen semble la personne convenable pour remplacer Carlo Azeglio Ciampi qui n'a commis aucun faux pas lors de son septennat et a refusé, malgré l'insistance de toutes les classes politiques, de briguer un second mandat. Après cet heureux dénouement de l'imbroglio institutionnel qui s'était créé à cause de la victoire courte de Prodi, la gauche revient au pouvoir, espère que le nouveau chef de l'Etat convoquera entre dimanche et mardi prochain Prodi au Quirinale pour le charger de former son gouvernement. Un gouvernement au sein duquel le président du parti des démocrates de gauche Massimo D'Alema, privé d'une fonction institutionnelle, devra avoir un rôle important, probablement celui de ministre des Affaires étrangères. Ce serait la récompense de Prodi à son fidèle allié qui a su se placer au dessus des ambitions politiciennes et qui, à 57 ans, sait qu'il aura d'autres occasions de briguer une fonction institutionnelle, maintenant que les anciens communistes ont été réhabilités dans la péninsule.