Une fois n'est pas coutume, les élus de l'Assemblée populaire de la wilaya de Skikda, dirigée par El Islah, se sont fortement distingués. Ils ont pour une fois été d'accord, nonobstant leur couleur partisane, pour mener une inquisition des temps modernes. Les élus qui discutaient du dossier de la protection sociale ont réuni tous leurs efforts et ont usé d'un vocable sélectif et dangereux pour dénoncer le scandale et partir en guerre contre ce qu'ils ont failli qualifier de « honte » qui risquerait de s'abattre sur la ville. Pas moins de six élus se sont ainsi relayés pour exprimer leur total refus de voir l'église Ste -Thérèse servir de lieu d'accueil aux enfants illégitimes. Un élu du MSP usa même d'un argumentaire assez insinuant. « Nous demandons à ce que ce projet (accueil des enfants illégitimes, ndlr) soit transféré ailleurs. Car cette église se trouve au centre-ville et elle occupe une artère à vocation historique et qui porte le nom d'un valeureux chahid (Bachir Boukadoum, ndlr). En plus, la présence de ces enfants risque de heurter les sensibilités des riverains, d'autant plus que la ville de Skikda est très conservatrice », dira-t-il en demandant par la suite l'inscription d'un projet pour bâtir une autre enceinte pour ces enfants. Mais quel est donc le lien entre l'histoire de l'Algérie et la présence d'enfants illégitimes ? Est-ce que ces enfants entachent la révolution algérienne ? Sont-ils si... impurs ? Ne sont-ils pas aussi algériens que les autres ? Un autre élu d'El Islah reviendra lui aussi sur le sujet pour reformuler les mêmes doléances en ajoutant que « la présence de ces enfants dans ce lieu n'est pas bien vue par les citoyens. Et que diront donc les étrangers qui auront à visiter notre ville ? » Comme si l'enfance illégitime est devenue une tare ou une honte qu'il faudrait cacher. Les interventions relatives au cas des malheureux enfants ont presque toutes versé dans la même vision : faire obstacle au projet. Seulement, nos élus n'ont pas avancé des arguments qui auraient une quelconque pensée pour le bien-être de cette enfance ni sur les garanties de leur prise en charge, mais plutôt en les indexant, bien qu'une élue du FLN ait tenté quant à elle d'exposer les effets du bruit des environs sur le développement des enfants. Mais aussitôt, ces interventions qui ont duré plus de 20 minutes, appelant à la reconversion du projet, ont été alors reprises par le président de l'APW qui en fera une motion collective. Comme si l'assemblée avait enfin trouvé l'aubaine pour en finir avec cette histoire d'église. Pourtant, les élus savaient que l'église Ste-Thérèse avait été cédée par le diocèse de Constantine qui a exigé noir sur blanc qu'elle serve impérativement et uniquement de pouponnière. Pourquoi donc tant de pétarade ? Pourtant, il y a moins de deux mois, le ministre de la Solidarité qui était en visite à Skikda avait clairement signifié à deux députés (FLN et El Islah) qui avaient émis les mêmes réserves que leurs confrères de l'APW que l'Etat algérien respectera le vœu du donateur et que ces enfants sont tout aussi algériens que les autres. Le plus navrant encore c'est que le cas de l'enfance abandonnée n'a bénéficié que de 8 lignes du rapport présenté par l'assemblée : juste deux paragraphes généralistes dans un dossier tout aussi administratif de 22 pages. Comme si on n'a voulu parler de cette enfance que pour l'exposer une fois encore. Les élus de l'APW de Skikda, du moins une bonne majorité, en cherchant à rattraper le retard et l'inertie de deux années consécutives, semblent enfin trouver un nouveau souffle. Tant mieux, pourvu seulement qu'ils ne trouvent pas dans les petits malheurs des autres une opportunité pour se tailler de nouveaux habits. Ce serait vraiment dommage, car dans cette wilaya, il y a tellement de choses à rattraper. Il y a tellement de dossiers à débattre, tellement de propositions à formuler que le fait de parler avec autant de conviction et de hargne d'une petite église et de 13 bébés paraît si... attristant !