C'est sans surprise que l'Iran a poursuivi le processus d'enrichissement de l'uranium, malgré l'expiration de l'ultimatum de deux mois que le Conseil de sécurité lui avait fixé le 21 décembre dernier. Plus que cela, les Iraniens affichent une incroyable sérénité, et une même détermination, alors que l'instance onusienne semble tout simplement privée d'arguments surtout après l'expérience nucléaire nord-coréenne, bien réelle celle-là, et qui n'avait pas donné lieu à des mesures de représailles. Pyong-Yang s'est même retrouvé en position de force pour négocier les termes d'un processus d'aide internationale. Qu'en est-il donc pour l'Iran ? Il serait faux de croire que ce qu'on appelle communauté internationale se donne le temps de la réflexion, car l'étape de l'après-ultimatum est supposée être prête. Ce qu'il y a de prévu, c'est la réunion aujourd'hui dans la capitale britannique des six grandes puissances (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité ainsi que l'Allemagne) que le ministre iranien des Affaires étrangères a appelé à « prendre la décision courageuse de reprendre leurs discussions avec l'Iran, car cela bénéficierait à tout le monde ». Le chef de la diplomatie iranienne a aussi assuré une nouvelle fois que les activités de l'Iran étaient « transparentes et pacifiques ». Ce qui ne semble pas être le point de vue de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), auteur d'un nouveau rapport aux conclusions nettement en défaveur de l'Iran. Ce qui en toute logique rendrait inéluctable, la rédaction d'une nouvelle résolution sanctionnant l'Iran pour son intransigeance. Mais comme pour la précédente, son adoption pourrait donner lieu à de longues et difficiles négociations. A l'ONU, tous les diplomates invitent publiquement à la patience, soulignant qu'il faut « attendre d'avoir lu le rapport » de l'AIEA avant d'envisager quoi que ce soit. Mais certains reconnaissent en privé qu'une nouvelle résolution durcissant les sanctions imposées en décembre par la 1737 semble inévitable. Un diplomate américain a affirmé devant des journalistes qu'aucun projet de texte pré-négocié entre les Etats-Unis et leurs alliés européens n'existait, prêt à être mis en circulation au Conseil dès la parution du rapport. Interrogé sur ce point, ce diplomate, qui a souhaité garder l'anonymat, a répondu par un « non » catégorique. « Je ne crois pas qu'une décision ait été prise quant à la prochaine étape. Il y a plusieurs options et nous allons les discuter », s'est-il contenté d'ajouter. Le Conseil de sécurité a tenu vendredi un débat public sur le thème général de la non-prolifération, lors duquel l'Iran a été évoqué mais il ne s'agissait pas d'une réunion spécifique sur la question iranienne. Le 23 décembre, l'ONU a adopté des sanctions contre l'Iran pour avoir refusé de suspendre ses activités d'enrichissement, dont la communauté internationale craint un détournement en vue de fabriquer l'arme nucléaire. La résolution 1737 accordait 60 jours à l'AIEA pour déterminer si l'Iran s'était plié à cette demande. Or le directeur de l'AIEA, Mohamed El Baradei, a constaté au contraire, dans un nouveau rapport, que l'Iran augmente l'enrichissement d'uranium. Selon lui, l'Iran aura acquis d'ici six mois à un an le savoir-faire pour enrichir de l'uranium à une échelle industrielle, avec 3000 centrifugeuses fonctionnant « en cascade ». Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a maintenu son attitude de défi en affirmant que l'énergie nucléaire était vitale pour l'avenir de l'Iran. En visite à Moscou, le chef de la diplomatie française, Philippe Douste-Blazy, a estimé qu'une « nouvelle résolution », allant « un peu plus loin » que la précédente, allait devoir être préparée au Conseil de sécurité. Un ambassadeur occidental avait indiqué qu'en pareil cas, le Conseil de sécurité pourrait « travailler sur différents éléments, comme les listes ou l'interdiction de voyager » faite à certaines personnalités, pour les rendre « plus durs ». La résolution 1737 dresse des listes de domaines d'application des sanctions, ainsi que d'entreprises iraniennes faisant l'objet d'un gel de leurs avoirs financiers à l'étranger. Elle comporte aussi une liste de personnalités iraniennes liées aux programmes nucléaires dont les Etats membres de l'ONU sont invités à surveiller de près et à restreindre, selon les cas, les déplacements à l'étranger. Cette résolution avait suscité deux mois de négociations acharnées entre les Occidentaux d'un côté, les Russes et les Chinois de l'autre, ces derniers s'étant efforcés d'en atténuer les dispositions. L'Iran mise justement sur ces divergences, tout en tentant d'orienter le débat vers d'autres pistes. L'éclairage est apporté par l'ancien ministre des Affaires étrangères Ali Akbar Velayati devenu conseiller diplomatique du Guide de la révolution islamique Ali Khamenei, la plus haute autorité de l'Etat iranien. Il affirme la volonté de l'Iran « d'une négociation ouverte sans exclusion » sur le nucléaire tout en suggérant que l'opinion internationale ne doit pas s'arrêter aux slogans agressifs de certains dirigeants : « La seule parole qui compte, c'est celle du Guide. » Ou encore que « ce dossier nucléaire est encadré par deux lignes rouges à ne pas franchir : la première, c'est le droit fondamental de l'Iran à la technologie nucléaire civile dans le cadre du Traité de non-prolifération (TNP) ; l'autre, c'est que l'Iran s'engage à donner des garanties que son programme n'aura aucune dérive militaire. Entre les deux, tout est envisageable à la table des négociations ». Bien qu'il soit d'une extrême précision, un tel message semble brouillé, voire rejeté. Quelle sera alors la place de la négociation ?