Les mercuriales du principal marché de Tamanrasset affichent des prix qui donnent le vertige. A la veille de Ramadhan, le marché des viandes rouge et blanche et celui des fruits et légumes sont le domaine privilégié des spéculateurs. En dépit de son éloignement, les commerçants de Tamanrasset ne dérogent pas à la « sacro-règle » de l'augmentation des prix dès que le plat de la chorba est remis au goût du jour. Et revoilà les bourses maigres qui subissent les aléas du neuvième mois lunaire dit celui de la « rahma ». Mais de quelle rahma s'agit-il quand un kilogramme de poulet frôle les 350 DA ? Les fruits et légumes, chers à longueur d'année, sont depuis jeudi dernier (la nuit du doute) hors de prix au pays des Touaregs. Rien d'étonnant pour certains citoyens, car un tel phénomène est devenu récurrent dans les villes de l'extrême sud. Loin de la forte demande des grandes villes du Nord, les marchands de Tamanrasset ne semblent pas être moins gourmands. Les affiches mercuriales l'indiquent clairement. A titre d'exemple, la pomme de terre est vendue 80 DA le kilogramme, alors que son prix, la semaine dernière, variait entre 40 à 45 DA, selon la qualité. Le prix du haricot vert oscille entre 120 DA et 150 DA le kilogramme. Le même produit était cédé à 85 DA mercredi dernier. Quant à la carotte, à la betterave et aux oignons, leurs prix tournent autour de 70 DA. La courgette et la laitue frôlent les 100 DA le kilogramme. L'immense hangar du centre-ville, principal marché de fruits et légumes, est plein à craquer en ce jeudi après-midi. Des femmes, des vieilles et parfois des hommes, sacs ou couffins à la main, viennent s'approvisionner de quoi faire, au moins, le f'tour du vendredi, premier jour de Ramadhan. Mais beaucoup d'entre eux retourneront chez eux déçus et souvent le couffin vide. « C'est plus que cher ! Pour certains produits, on a presque doublé les prix », dit une femme révulsée. « Je ne sais si on tiendra le coup jusqu'à la fin du mois », rétorque une vieille dame, préoccupée non seulement par la flambée des prix, mais aussi par sa petite bourse qui doit nourrir le mois durant cinq bouches. « Qu'est-ce que peuvent me faire 8000 DA/mois dans ce monde où tout est cher ? », se plaint-elle. Une viande moins chère Revenons sur les mercuriales. La tomate de moindre qualité est proposée à des prix plus au moins accessibles, tandis que le prix de la tomate de bonne qualité laisse pantois plus d'un : 60 DA le kilogramme et plus. Les fruits ne sont qu'à la portée des nobles et riches de la ville. Les raisins, par exemple, coûtent 250 DA le kilogramme. Le melon et les dattes font baisser un peu la barre, entre 80 DA et 120 DA le kilogramme. La viande rouge reste moins chère par rapport aux autres produits. Un kilogramme de la viande fraîche bovine et ovine est cédé à 400 DA. Le « Rituel » Les prix des abats tanguent entre 650 et 800 DA. Le steak frise les 1000 DA le kilogramme. Qu'en est-il de la viande blanche ? Les prix affichés sur les présentoirs des boucheries écœurent. « Un kilogramme de poulet à 350 DA ! ça ne rentre pas dans la tête. C'est exorbitant, car il n'y a aucune raison qui peut justifier une telle hausse des prix du jour au lendemain. Il y a seulement deux jours un kilogramme du même poulet était vendu à 250 DA. Les stocks sont les mêmes depuis. Ces gens ne craignent pas Dieu ! », s'égosille une quinquagénaire, qui n'a rien pu acheter. Une autre dame voit dans cette augmentation un « rituel » qui revient à chaque Ramadhan. « Aujourd'hui, tout est cher, mais c'est une chose à laquelle je m'attendais. Je suis contrainte d'acheter et de me résigner. Ma famille a besoin de manger. Que faire ? Je n'ai pas le choix », dit-elle d'un air plutôt serein, étant issue d'une famille aisée. La plupart des personnes rencontrées hier n'ont pas hésité à montrer du doigt les marchands hantés par le désir de s'enrichir vite. Est-ce vrai ? Peut-on faire porter le chapeau aux seuls vendeurs au détail ? Mais pourquoi donc une telle flambée des prix à l'approche de chaque mois de Ramadhan ? Les commerçants rejettent la balle sur les grossistes et les mandataires. Ils évoquent également l'augmentation de la demande, donnant ainsi une explication purement commerciale à cette flambée. « La marchandise que nous vendons ici à Tamanrasset est acheminée du Nord, soit à 1800 km. Son transport coûte plus cher que la marchandise elle-même. Le marché de gros au Nord a connu une hausse considérable des prix ces derniers jours. Cela se répercute automatiquement sur les prix du détail. Cette hausse est dictée par la tendance générale du marché. Les prix de nos marchandises sont arrêtés en fonction du prix de vente du grossiste. Il ne faut pas se leurrer. L'Algérie est dans l'économie de marché et les prix sont régulés par le marché, selon l'offre et la demande », indique un marchand des fruits et légumes qui semble avoir quelques notions de commerce. Seulement, dans tout cela, et encore une fois, les petites bourses feront les frais de ce mois de toutes les dépenses. De toutes les extravagances. Un mois où le sacré est piétiné, écorché vif.