L'insurrection d'El Keblouti et des spahis de Aïn Guettar (1871) a fait l'objet dernièrement de trois conférences animées respectivement par Djalel Khechab, directeur de l'institut des langues étrangères au centre universitaire de Souk Ahras, le professeur Djamel Ouarti, chercheur à l'université de Constantine et le moudjahid et historien Abdelhamid Aouadi. Le débat a été modéré par le président du conseil communal de la culture, en l'occurrence Larbi Kadi, qui a tenu à mettre en relief, avant de donner la parole aux conférenciers, l'importance du mouvement insurrectionnel dans l'histoire de l'Algérie colonisée. Celle de la tribu des H'nencha à Souk Ahras « est un démenti cinglant à la loi du 23 février 2005 votée par le parlement français glorifiant le rôle dit positif du colonialisme », a-t-il souligné devant le public de la salle Ali Mammeri, composé essentiellement d'intellectuels, de chercheurs, de représentants du mouvement associatif et d'élus. Pour le premier conférencier, la région de Souk Ahras est depuis des millénaires terre de culture, d'histoire et de hauts faits depuis Apulée de Madaure et Saint Augustin, jusqu'à la glorieuse Révolution de novembre. L'insurrection de 1871 a marqué, non seulement une époque de l'histoire de notre pays, mais aussi affecté les théories colonialistes, notamment celles qui croyaient à la vacuité de cette terre avant 1830. Le docteur Ouarti décrira avec détails les causes de ce soulèvement populaire. Le refus des spahis du lieudit Aïn Guettar de partir combattre outre-mer pour la France vaincue par l'armée prussienne sous le commandement de Bismarck, suivi de l'attaque d'un détachement militaire français qui était en soi une révolte, prit le caractère d'une insurrection populaire quand ces mêmes spahis réussirent à convaincre El Keblouti de prendre leur commandement. Il fut rallié par les tribus des H'nencha, des Aouaied, des Ouillen, des Ouled Dhia et des Ouled Khiar. Le 25 janvier 1871, les fermes européennes de la vallée de la Medjerda et de l'Oued Djedra sont attaquées. Les 26 et 27 janvier, la ville de Souk Ahras est assiégée. Le général Pouget, commandant de la subdivision de Bône (Annaba) organise une colonne de 1500 hommes pour une expédition punitive, renforcée par une autre de 700 hommes, envoyée en date du 30 janvier de la même année sous le commandement du lieutenant-colonel Houdan. Les combats font rage dans la vallée de la Medjerda et des moyens de guerre impressionnants dont des canons sont utilisés pour la première fois dans la région. L'insurrection fut réprimée et El Keblouti se replia avec ses hommes vers la tribu des Ouled Boughanem en Tunisie, mais continua à harceler les troupes françaises et à organiser des razzias difficilement repoussées par l'armée coloniale. En février 1871, toute personne soupçonnée d'allégeance à El Keblouti fut incarcérée. Sur les 165 arrestations, 5 condamnations à mort furent prononcées, des peines d'emprisonnement à perpétuité ont été retenues contre 20 personnes alors que 40 autres furent déportées vers la Nouvelle Calédonie. La conclusion du rapport établi par le commandant du cercle de Souk Ahras a été longuement commentée par A. Aouadi qui a tenu à en lire quelques extraits, dont la phrase suivante : « Actuellement, les idées d'indépendance ont fait place dans l'esprit des indigènes aux idées d'obéissance ». « Conclusion réfutée », dira le troisième conférencier, « par l'apport de la région, fief de la base de l'Est, 83 ans plus tard ». La séance de débats programmée par les organisateurs a atteint ses moments forts avec l'intervention de Mme Rezgui Zineb, professeur d'histoire et arrière-petite-fille d'El Keblouti. Elle a surtout exhorté les historiens et intellectuels de Souk Ahras à préserver la mémoire collective par la prise en charge de ce patrimoine riche en enseignements, mais souvent victime d'oubli.